Boxant dans la catégorie poids lourd, Rocky, magnifique film sur l’accomplissement personnel, reste aujourd’hui encore une référence absolue en matière de film sportif. Un grand moment qui marqua l’histoire du cinéma, donnant naissance à une franchise phénoménale de 6 longs métrages et plusieurs spins-off.
Synopsis : Le champion du monde de boxe Apollo Creed ne trouve plus d’adversaire à sa taille et décide d’organiser une rencontre au sommet face à un inconnu. Rocky Balboa, l’étalon italien, accepte le challenge et doit faire face à un entrainement intensif, ainsi qu’à ses démons intérieurs. Réussira t’il à battre son terrible adversaire ?
Critique : Acteur de seconde zone durant toutes les années 70, passant même par la case érotique pour pouvoir arrondir les fins de mois difficiles, Sylvester Stallone prend la plume et écrit le scénario de Rocky, histoire d’un petit boxeur qui trouve la rédemption lors d’un match impressionnant contre le champion du monde des poids lourds. Le jeune acteur a bien du mal à trouver un financement car il tient à garder le contrôle sur sa création en obtenant le premier rôle. Finalement, le producteur Irwin Winkler lui donne sa chance en confiant le projet au cinéaste John G. Avildsen, déjà remarqué par quelques films d’auteur.
© 1976 United Artists. All Rights Reserved. / Désormais © 1976, 2023 Metro-Goldwyn-Mayer Studios. All Rights Reserved.
Tourné pour la très modique somme d’un million de dollars en seulement trois semaines, Rocky se distingue par sa qualité d’observation du quotidien misérable de bons nombre d’Américains. Les rues de Philadelphie font souvent penser à des taudis et l’on nous présente pendant les trois quarts du film l’envers du rêve américain. La plupart des personnages sont des loosers, des rebus de l’American dream qui n’arriveront jamais à s’élever au-dessus de leur condition. Seul le personnage incarné avec maestria par Sylvester Stallone redonne un semblant de dignité aux oubliés du système. Loin de succomber aux sirènes du happy end hollywoodien, le final heureux de Rocky se teinte aussi d’amertume. Certes, le jeune étalon italien a tenu tête au champion du monde, mais un doute persiste lorsque l’image se fige : quel avenir peut-on espérer pour cet homme, sans doute trop honnête pour vivre dans un monde gangréné par l’argent et la corruption ?
Dotée de réelles qualités documentaires, cette success-story s’attarde beaucoup sur la psychologie des personnages et fait souvent preuve de finesse dans la description de leurs rapports. Fort sur le plan émotionnel, Rocky est également exceptionnel par le réalisme qui se dégage des combats. Contre toute attente, cette œuvre est rapidement devenue un triomphe au point de glaner à travers le monde plus de 225 millions de dollars de recettes. Mais les réelles qualités du film ont également ému les membres de l’académie des Oscars qui lui ont décerné en 1977 trois statuettes dont celle du meilleur film et du meilleur réalisateur. Cette époustouflante performance n’allait pas rester sans lendemain puisque Sylvester Stallone est devenu une star internationale incontournable et que cinq suites allaient ensuite exploiter jusqu’à plus soif le personnage du boxeur au cœur tendre. Héros du prime-time de nos chaînes nationales sur plusieurs décennies, Rocky sera surexploité en VHS, DVD et blu-ray. En 2021, L’Atelier Distribution le proposera également en salle pour une exploitation confirmant l’importance sociétale du mythe Rocky, ancré dans l’urbanité de nos sociétés et la fraternité sportive.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 30 mars 1977
Création © Jouineau Bourduge. / © 1976 United Artists. All Rights Reserved. / Désormais © 1976 Metro-Goldwyn-Mayer Studios. All Rights Reserved.
Box-office de Rocky 1
1976 fut une bonne année pour l’exploitation américaine. Si Warner Bros (Les hommes du président, Un après-midi de chien) arrive fièrement en tête de la distribution nationale, le studio United Artists parvient à décrocher la deuxième place annuelle, avec pas moins de 16.2% des recettes nationales et surtout 125 000 000$ de recettes locales devant la Twentieth Century Fox (La malédiction). Si Vol au-dessus d’un nid de coucous (apparu sur les écrans américains fin 1975) explique largement le triomphe de United Artists, Rocky participe aussi au phénomène, mais en fin d’année 1976.
Rocky est un film d’auteur dit académique qui restaure la foi dans le mythe américain durant une décennie où celui-ci a été ébranlé. Une ode aux gagnants qui sort vaillamment le plus tard possible pour marquer les esprits et ramasser le plus de nominations possibles jusqu’aux BAFTA où il est nommé 5 fois en 1977.
Les producteurs de Rocky remportent en 1977 le Golden Globe du Meilleur Film. Une belle consécration, certes sur 6 nominations, alors que, parallèlement, Arnold Schwarzenegger décroche le Globe du Meilleur espoir pour un autre film sportif musclé, Stay Hungry de Bob Rafelson, avec également Jeff Bridges, Sally Field et Joanna Cassidy.
Aux Oscars, l’époustouflant boxeur s’enorgueillit de dix nominations et remporte finalement la plus importante, celle du Meilleur film, mais aussi du Meilleur réalisateur pour le futur Monsieur Karaté Kid, John G. Avildsen, et celui du Meilleur montage. Rien donc pour Stallone qui livrait pourtant une interprétation dévastatrice de sensibilité.
Au box-office américain, le succès de Rocky sera considérable, la production n’ayant coûté qu’un million de dollars au plus (des sources fiables se contredisent et affirment 960 000$, d’autres 1 100 000$, et certaines affichent 1 million). La suite en 1979 ne fera pas mieux avec 85M$.
Rocky 1, une déception française évidemment
Pour la France, les choses sont compliquées. L’opus qui révéla Sylvester Stallone est difficile à vendre, puisqu’il s’agit d’un film sur fond sportif, or le sport à l’américaine et ces success-stories n’ont jamais passionné les foules hexagonales. Rocky premier du titre s’en souviendra et ses résultats en 1977 seront tièdes.
Pourtant, les échos sont bons dans la presse. Certains journalistes français ont la chance de découvrir le premier match de la saga la semaine du 22 janvier 1977 à Londres, lors d’une longue convention United Artists dont le succès est épatant. Ils ont pour mission de prêcher la bonne parole auprès du grand public à leur retour. La sortie via la succursale française de United Artists, Les Artistes Associés, est placée au plus proche du palmarès des Oscars pour surfer sur la victoire de la future idole du peuple : le 30 mars 1977.
United Artists, via Rocky et Network, triomphe aux Oscars en 1977. © 1976 United Artists. All Rights Reserved. / Désormais © 1977, Metro-Goldwyn-Mayer Studios. All Rights Reserved.
Au lendemain de l’Oscar du Meilleur film, Rocky monte sur le ring parisien
En première semaine, à Paris, Rocky entre seulement en 8e place grâce à l’enthousiasme des Oscars à peine tombés. Hors reprise, c’est la meilleure entrée de la semaine (37 668 entrées). Ses concurrents sont, franchouillard pour le nanar Dis bonjour à la dame (31 636), ou porno pour French Erection (23 849). Dans 14 cinémas, le boxeur au grand cœur ne fait pas de miracle, malgré un beau succès au Gaumont Colisée (8 454) où il triomphera tout au long du mois d’avril. On le trouve également au Quartier Latin, au Dragon, aux Français, Gaumont Sud, Montparnasse Pathé, Clichy Pathé et dans 6 cinémas de périphérie.
Au moins, en semaine 2, le bouche à oreille semble fonctionner et le film à Oscars ne perd qu’une position, avec des chiffres stables (34 366 dans 13 cinémas).
Il perd un écran en banlieue en 3e semaine et près de 9 000 spectateurs, avec 25 726 visiteurs en semaine 3 durant laquelle il démarre enfin en province, à Lyon.. Sylvester Stallone est 11e. Puis, Rocky Balboa chute à 16 179 entrées en 4e semaine et franchit enfin les 100 000 entrées Paris Périphérie, 13 726 entrées en semaine 5 dans 8 salles…
Au final, les chiffres de Paris–Périphérie ne sont vraiment pas mirobolants ; le film émeut à peine 163 488 spectateurs. En fin d’année, sur la capitale, une soixantaine de métrages lui sont passés devant lorsque l’on dresse le bilan de 1977. Parmi les films américains, citons Lâche moi-les baskets (562 227), Transamerica Express (499 417), Carrie (280 879), L’île du docteur Moreau (229 099), La petite fille au bout du chemin avec Jodie Foster (209 465), La castagne (199 247), Les naufragés du 747 (192 151)… La liste est longue.
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A l’issue de cette première visite française, le champion doit se contenter de 391 172 Français sur son ring.. Ce n’est pas terrible au vu du phénomène américain, mais cette production n’a pas coûté bien cher. L’échec de Rocky II en France, trois ans plus tard (318 000 entrées sur l’ensemble du pays) aurait pu nous faire croire à la fin de la franchise. Il n’en sera rien. En 1983, Sylvester Stallone devient la star américaine de l’année puisqu’il est en tête d’affoche de deux films au premier trimestre qui dépassent les 3 millions d’entrées. Rocky III sort en janvier, Rambo 1 en mars. Le marché de la VHS est au plus haut et Rocky devient enfin un blockbuster en France, avant d’épouser le statut de phénomène de société avec Rocky IV en 1986 qui s’arrête aux portes des 5 millions, trois mois après les 5 850 000 entrées de Rambo II. Ces deux-là connaissent des démarrages historiques. Sylvester Stallone est alors la plus grande star masculine dans le monde.
Rocky Balboa, premier du nom, ressort dans les cinémas français le 29 juin 1983 et trouve 273 794 spectateurs dans l’ensemble du pays, dont 30 881 à Paris.
En 2021, le distributeur indépendant L’Atelier Distribution proposera une version restaurée de Rocky 1 dans 21 salles, et trouvera 6 000 nostalgiques quand le contexte post-COVID et confinement rend ce type d’entreprise difficile.
Biographies +
John G. Avildsen, Sylvester Stallone, Burt Young, Thayer David, J. Larry Carroll, Joe Spinell, Burgess Meredith, Talia Shire
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