Quatre mouches de velours gris : la critique du film (1973)

Giallo | 1h44min
Note de la rédaction :
6/10
6
Dario Argento, l'affiche de la reprise 2019

Note des spectateurs :

Entre dérapages humoristiques et immersion soudaine dans une ambiance fantastique, ce giallo de Dario Argento peine à trouver ses marques, mais emprunte des voies insaisissables qui en font un objet cinématographique intrigant.

Synopsis : Le batteur d’un groupe de rock tue accidentellement un inconnu qui le suivait depuis plusieurs jours. Pris en photo lors du crime par un mystérieux homme masqué, le musicien va alors être harcelé…

Un giallo plus expérimental

Critique : Après avoir remis au goût du jour le giallo par son excellent premier film L’oiseau au plumage de cristal (1969), puis avoir creusé un sillon plus classique avec Le chat à neuf queues (1971), le réalisateur Dario Argento est invité à réitérer dans un genre qui commence à le lasser. Cette envie d’un ailleurs cinématographique se sent immédiatement à la vision de ces 4 mouches de velours gris (1971) qui semblent de prime abord emprunter tous les codes traditionnels du giallo pour mieux les pervertir. Si l’intrigue se conforme a priori aux schémas expérimentés dans ses deux premiers films, Dario Argento n’aura de cesse de contourner les règles au point de livrer une œuvre assez expérimentale, aussi maladroite qu’innovante.

Dario Argento, l'affiche de la reprise 2019

© 2019 Les Films du Camélia. Tous droits réservés.

Un ensemble hétéroclite

Visiblement peu intéressé par son intrigue principale faite de bric et de broc – elle a été construite à partir de deux histoires différentes – Argento préfère se concentrer sur sa mise en scène et opte pour des dérapages incontrôlés qui font à la fois le charme et la limite de cet objet filmique non identifié.

Véritable laboratoire de formes et de figures qui seront ensuite recyclées dans ses œuvres suivantes, 4 mouches de velours gris est un film foutraque et bordélique qui part dans toutes les directions, au risque de se brûler les ailes à de nombreuses reprises.

Lorsque le cinéaste abandonne toute dramaturgie pour signer des scènes de meurtres spectaculaires à forte teneur fétichiste, il semble déjà prêt pour basculer dans le fantastique pur et dur. Ainsi, la meilleure séquence du long-métrage est l’assassinat de la bonne dans le jardin public. Déjà proche du style qui fera sa renommée dans le génial Suspiria, Argento ose bousculer les conventions en se servant de faux raccords volontaires pour signifier l’entrée du spectateur dans un espace mental délirant. Dès lors les décors extravagants servent avant tout à traduire la détresse de la victime et l’état mental dérangé du tueur.

Des séquences formidables parfois gâchées par un humour crétin

Malheureusement, cette séquence se trouve décalée par rapport au reste du film, bien plus terre à terre dans le déroulement de son enquête. Et que dire du recours systématique à un humour crétin qui tient plus de la sexy comédie sinon qu’il anticipe ici les futurs ratages d’un cinéaste déjà incapable de faire le tri dans ses idées.

La prestation de Jean-Pierre Marielle en caricature de folle est plutôt pathétique, tandis que les apparitions régulières d’un facteur stupide viennent casser toute tension dramatique. Pour autant, le twist final avec son argument fantastique vient replacer la thématique du regard cinématographique au centre du film et anticipe ainsi la réflexion poussée menée par Les frissons de l’angoisse.

Totalement insaisissable, ce dernier volet de la trilogie animalière est donc une curiosité qu’il faut d’autant plus redécouvrir qu’il est resté longtemps invisible pour d’obscures raisons de droits. En l’état, le thriller apparaît aujourd’hui comme un brouillon des chefs d’œuvre du maître, avec quelques pépites disséminées à l’intérieur.

Le site de la reprise 2019

Critique de Virgile Dumez

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Quatre mouches de velours gris, l'affiche

© 1971 Seda Spettacoli – Universal Productions France / Illustrateur : Jacques Vaissier. Tous droits réservés.

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