Full Monty made in France, Normandie nue a le mérite de décrire avec justesse les misères du monde paysan sans trop de caricature et sans condescendance. Sympathique, à défaut d’être inoubliable.
Synopsis : Au Mêle sur Sarthe, petit village normand, les éleveurs sont touchés par la crise. Georges Balbuzard, le maire de la ville, n’est pas du genre à se laisser abattre et décide de tout tenter pour sauver son village… Le hasard veut que Blake Newman, grand photographe conceptuel qui déshabille les foules, soit de passage dans la région. Balbuzard y voit l’occasion de sauver son village. Seulement voilà, aucun normand n’est d’accord pour se mettre à nu…
A poil et à vapeur!
Critique : Adepte du feel good movie depuis l’énorme succès remporté par Les femmes du 6ème étage en 2010, le cinéaste Philippe Le Guay continue ici son exploration d’une certaine France, celle des déclassés. Après avoir suivi les pas d’immigrées espagnoles, il choisit ici d’évoquer le monde paysan qui subit de plein fouet une crise de subsistance liée à une baisse généralisée des prix et à un endettement devenu endémique. Afin de décrire de la manière la plus nuancée possible ce monde rural pluriel, l’auteur a opté pour une fable sociale comme savent les trousser les Anglais. Ainsi, son histoire nous fait immédiatement penser à The Full Monty (Peter Cattaneo, 1997) ou encore à Calendar Girls (Nigel Cole, 2003), références finalement un peu embarrassantes puisque le métrage de Philippe Le Guay ne propose rien de bien neuf par rapport à ce modèle initial.
On peut mettre au crédit du réalisateur sa capacité à parler de la ruralité sans tomber dans le cliché ou la facilité. Ainsi, il présente bien des agriculteurs de plus en plus étranglés par un marché concurrentiel gouverné par la grande distribution, mais il n’hésite pas à montrer les contradictions de ce milieu traversé par d’importantes lignes de fracture. Ainsi, les partisans d’un modèle de production plus biologique ne sont-ils pas nécessairement solidaires de ceux qui se sont endettés pour acheter des intrants chimiques nocifs pour la nature et la santé.
Philippe Le Guay met à nu le monde agricole
Sans jamais se faire théorique, Normandie nue évoque ce manque d’unité d’un monde rural déstabilisé par la mondialisation et les évolutions d’une société qui refuse de plus en plus d’être intoxiquée pour enrichir une petite portion de la population. Le film s’attarde également sur les mentalités provinciales sans jamais s’appesantir, et surtout sans se faire juge. Philippe Le Guay compose donc une comédie qui s’amuse de certains traits de caractère du monde agricole, mais sans jamais être condescendant ou irrespectueux.
© 2018 Les Films des Tournelles – SND Films – France 2 Cinéma – Acajou Productions / Photographie : Sévérine Brigeot. Tous droits réservés.
On aurait d’ailleurs apprécié qu’il en fasse de même avec le personnage du Parisien faussement reconverti à la nature incarné par François-Xavier Demaison. Si l’acteur défend avec conviction son personnage, il ne parvient pas à l’extraire de la caricature. Outre le fait que son personnage ne sert finalement à rien, il vient alourdir de temps à autre le propos plutôt honnête et mesuré du cinéaste. C’est d’autant plus dommage que les acteurs sont bien dirigés et que l’alchimie fonctionne parfaitement entre eux. Certes, la réalisation manque parfois d’imagination et ressemble à s’y méprendre à un téléfilm, mais l’ensemble se regarde avec grand plaisir de bout en bout. De quoi passer un agréable moment avec une troupe d’acteurs formidables. Ce n’est déjà pas si mal.
Normandie nue, un film qui a davantage parlé à la province
Malgré la déception commerciale de Floride (2015), son long-métrage sur la maladie d’Alzheimer avec Jean Rochefort, le distributeur SND a fait confiance en ce feel good movie en lui octroyant 489 copies, dont 75 sur l’unique région parisienne. De manière tout à fait prévisible, Normandie nue a laissé les Parisiens totalement indifférents et le film a même été un lourd échec avec seulement 72 494 campagnards égarés. Le coefficient Paris-province est forcément élevé avec pareil spectacle dont le cœur de cible se trouve dans les campagnes.
Aussi le film a entamé sa carrière avec 254 909 spectateurs lors de sa semaine d’investiture en janvier 2018. Le métrage n’avait pourtant pas de lourde concurrence cette semaine là si ce n’est celle de Downsizing (Alexander Payne) avec Matt Damon et des nombreuses continuations après les fêtes de fin d’année 2017. Par la suite, la comédie sociale dévisse de semaines en semaines, avec des pertes conséquentes à chaque fois, preuve d’un bouche-à-oreille qui a bien du mal à être favorable. Finalement, Normandie nue termine sa course avec 595 461 nudistes à son bord, ce qui est très loin des 2,2 millions d’entrées des Femmes du 6ème étage (2011) et du million d’Alceste à Bicyclette (2013).
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 10 janvier 2018
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© 2018 Les Films des Tournelles – SND Films – France 2 Cinéma – Acajou Productions / Affiche : Silenzio ; photographie : Sévérine Brigeot. Tous droits réservés.
Biographies +
Philippe Le Guay, François Cluzet, François-Xavier Demaison, Arthur Dupont, Philippe Rebbot, Philippe Duquesne, Grégory Gadebois, Patrick d’Assumçao, Toby Jones, Brigitte Chamarande
Mots clés
Comédie sociale, Le monde paysan au cinéma, Le nudisme au cinéma