Dans un monde qui agonise dans l’overdose de religion et de super-héros, André Øvredal propose Mortal. Pas mauvais, mais le propos opportuniste laisse dubitatif. Attention, la critique entière est un spoiler…
Synopsis : Eric, un jeune américano-norvégien, s’est réfugié, seul, au cœur de la forêt, après avoir causé l’incendie d’une ferme, tuant cinq personnes, puis provoqué la mort accidentelle d’une sixième personne.
Arrêté par la police, il rencontre une psychologue, Christine, qui semble pouvoir l’aider.
Ensemble, ils découvrent vite qu’Eric a en réalité des pouvoirs surnaturels, qu’il ne maîtrise pas…
Attention, critique de Mortal avec Spoiler
Critique : André Øvredal est un cinéaste norvégien qui nous a souvent surpris. Son Trollhunter, found footage qui exhortait l’existence des trolls, était une variation inattendue d’un modèle américain, avec des créatures bien fichues et surtout des idées originales. Le réalisme était sa grande force. The Jane Doe Identity osait le macabre et l’effroi à partir d’une histoire de sorcière sur laquelle on n’aurait pas parié un kopeck. Quant à Scary Stories, certes, le film ne brillait pas pour son originalité, mais André Øvredal démontrait, via sa collaboration avec Guillermo del Toro, sa capacité à mettre en place un véritable hommage au cinéma d’épouvante vintage américain.
En 2020, il propose Mortal. Une œuvre « coronavirussée » dans le sens où elle sort sur son territoire norvégien le 28 février 2020, quand la crise sanitaire explose et que démarre la fermeture progressive des cinémas de la planète. Pas de bol, voilà Mortal réduit à la diffusion sur internet sur beaucoup de marchés et pour d’autres, comme la France, également sur support physique. Une chance pour nous puisqu’esthétiquement, le film a de vrais arguments et mérite bien le format HD et le confort qu’offre le blu-ray.
A Thor ou à raison
L’on pourrait créer une corrélation entre Troll Hunters et Mortal dans l’utilisation du folklore nordique que fait le cinéaste. Ce dernier délaisse les mythes américains pour raviver les légendes de sa magnifique contrée qu’il ne cesse de bien mettre en valeur à l’écran. Toutefois, la volonté de faire renaître une divinité bien connue de la mythologie scandinave, du nom de Thor, forcément, cela sonne un peu opportuniste, et, en tout cas, beaucoup trop dans l’air du temps.
Un film qui se trompe de question
Dans un premier temps, le film captive et suscite un certain suspense autour de l’identité du jeune homme ténébreux aux pouvoirs extraordinaires qui ne semble pas comprendre d’où lui vient cette terrible faculté de destruction et d’annihilation (un simple regard peut susciter la mort), la suite laisse coi. L’hypothèse d’une force maléfique, d’un psycho-killer de colère aux pouvoirs de télékinésie, l’idée d’une ambiguïté conflictuelle entre le Bien et le Mal, tout cela effleure peu l’esprit des scénaristes qui foncent têtes baissées dans la perspective d’un nouveau Messie. L’assimilation entre Jésus et le personnage de Thor, mi-homme, mi-dieu, à l’errance terrestre christique, et capable d’agréger derrière lui les foules, à cela de dérangeant : André Øvredal ne se pose pas la bonne question.
Manque d’audace et métaphorique christique barbante
Lorsqu’un personnage américain, chiche en principe, exige l’exécution de l’homme qui représente un danger pour la paix entre les peuples car il représente une divinité qui n’est ni chrétienne, ni musulmane, on se dit alors que l’auteur s’est trompé de sujet. Et si, avec plus de courage, il avait osé la dystopie où la science révélait finalement la non-existence de Dieu et les conséquences sur une humanité orpheline… Cela aurait été plus audacieux, plus philosophique et moins pompeux que cette boursouflure messianique qui disposait pourtant de tant d’atouts : le sens de la réalisation de l’auteur, de paysages magnifiques, et l’excellent Nat Wolff qui domine un casting féminin très faible (son acolyte psychologue et l’agent américaine).
Au final, les amateurs de super-héros y trouveront peut-être une curiosité à ranger du côté de Chronicle de Josh Trank (2012) qui mettait en scène des adolescents, dont Michael B. Jordan, qui se découvraient des super-pouvoirs, dans un contexte réaliste singulier. Mais ces spectateurs trouveront probablement l’action sacrifiée au détriment d’une psychologie insistante. La conclusion ouvre la perspective d’une nouvelle franchise. Comme souvent, les recettes risquent de fermer cette parenthèse européenne chez le cinéaste que l’on voit volontiers retraverser ses fjords et l’Atlantique pour regagner Hollywood. Une histoire à suivre, donc.
Les suppléments : 0 /5
Bande-annonce et rien d’autre. L’éditeur n’a pas fait de Mortal l’un de ses titres majeurs ou du moins considère son public cible comme peu friand de suppléments. On n’ira pas contre sa décision.
L’image : 4.5 / 5
Superbe copie, à la tonalité froide et aux images amples. Le blu-ray permet d’appréhender la splendeur d’un cadre méticuleusement retranscrit. Pour une œuvre aussi léchée, il faut un support ad hoc pour pouvoir vraiment profiter des intentions premières du cinéaste.
Le son : 4.5 /5
Entre séquences intimistes et action tonitruante, notamment lors des dernières séquences, Mortal alterne les ambiances sonores, mais peut toujours compter sur le DTS HD Master audio pour dégager l’énergie requise pour les moments de colère sourde d’un demi-dieu qui fait trembler le salon grâce aux effets surround. A privilégier en version originale, la piste française souffrant, comme souvent, d’une vocalisation un peu trop élevée par rapport au naturel des voix originales.