Putassier, trash, réactionnaire et complaisant : tous ces qualificatifs peuvent s’appliquer à ce Mondo cane, docu menteur efficace qui flatte le voyeurisme du spectateur.
Synopsis : Choquant, fascinant, cruel et barbare, ce voyage aux confins de l’horreur ne vous laissera pas indemne. Découvrez la folie et la violence d’un animal monstrueux, véritable aberration de la nature : l’homme. Oserez-vous accepter la vérité de notre monde ?
Quand l’Italie invente le film mondo
Critique : En 1962, l’Italie présente au très sérieux festival de Cannes le documentaire Mondo cane qui provoque un véritable scandale par sa démarche originale tranchant avec tout ce qui s’est fait jusqu’ici dans le genre. Alors que les documentaristes ont toujours essayé de s’effacer derrière leur sujet, le trio formé par Gualtiero Jacopetti, Paolo Cavara et Franco Prosperi a pris le bâton pour se faire battre. Au lieu de faire preuve de mesure et de nuances, ils signent un documentaire choc dont le but est de remuer le spectateur.
© 1962 Cineriz – TVOR / © 1989 Proserpine. Tous droits réservés.
Sensationnaliste jusqu’à la nausée, Mondo cane n’est qu’une suite de séquences choquantes et trash dont le lien logique est constitué par un commentaire volontairement ironique, cynique et outrancier. Si les séquences sur les traditions religieuses italiennes ne sont guère étonnantes et si la critique du système américain relève plutôt du bon sens – quoique terriblement caricaturale – on reste interloqué devant toutes les scènes « exotiques » qui se servent de la méconnaissance du public de l’époque pour faire passer un message plus que douteux.
Mondo cane ou comment susciter le voyeurisme d’un public populaire, alors moins informé
Ainsi, toutes les femmes africaines sont assoiffées de sexe et les populations décrites comme primitives sont systématiquement considérées comme des barbares tout juste sortis de l’âge de pierre. À travers le commentaire, on sent poindre ici des relents de supériorité de l’homme blanc face aux « races » inférieures. La gent féminine goûtera également avec modération les notations machistes qui parsèment cette œuvre putassière dont le seul but est de flatter les instincts voyeuristes des spectateurs.
De même en ce qui concerne les nombreux passages où la caméra s’attarde sur des massacres d’animaux. Multipliant les contresens et pratiquant sans aucune honte la désinformation, les auteurs asservissent l’image à leur discours réactionnaire, jouant sur la crédulité d’un public moins renseigné qu’aujourd’hui sur les peuplades lointaines. En cela, Mondo cane (1962) constitue un document passionnant qu’il faut regarder en ayant toujours à l’esprit sa malhonnêteté intellectuelle.
Mondo cane, grand documentaire misanthrope avant tout ?
Toutefois, il faut reconnaître aux cinéastes un certain talent de conteurs, ainsi qu’une science du montage progressant par opposition systématique entre différentes tonalités. Enfin, ceux qui possèdent un goût prononcé pour le macabre pourront saluer la beauté de la séquence du cimetière marin. Malgré le caractère douteux du discours et de la démarche, il faut bien avouer que Mondo cane possède un pouvoir de fascination qui trouble encore plus de quarante ans après sa réalisation. Et si finalement, le discours des cinéastes n’était tout simplement pas misanthrope, présentant les tares d’une espèce humaine en proie aux rites tous plus absurdes les uns que les autres, que l’on vienne d’Occident ou d’ailleurs ?
Après une présentation à scandale à Cannes, Mondo cane, exploité en France sous le titre Cette chienne de vie, a réalisé un superbe score au box-office national, cumulant 782 092 curieux dans les salles obscures. Débutant sa carrière parisienne à la deuxième place du box-office avec 29 092 adeptes dans un nombre restreint de sites, Mondo cane s’est ensuite maintenu dans les mêmes eaux pendant plusieurs semaines, au point d’attirer 278 652 Parisiens en bout de course. Un magnifique score qui se retrouve également aux États-Unis et un peu partout dans le monde, faisant de ce premier documentaire choc un triomphe.
Le mondo, un sous-genre à réserver aux bisseux
Face au phénoménal succès de cet OVNI, les Italiens vont exploiter le filon de ce nouveau sous-genre qu’on nomme le mondo. Toujours plus trash et provocants, ces métrages utilisent souvent des séquences créées de toutes pièces, uniquement afin de satisfaire un public devenu de plus en plus friand de curiosités malsaines. Parmi eux, on peut citer les sagas venues des quatre coins du globe comme Shocking Asia, Guinea Pig ou encore Face à la mort. Seuls les amateurs de cinéma bis prendront vraiment plaisir à visionner ces spectacles particuliers. Mais ils auront intérêt à avoir un sacré sens de l’humour, et le cœur bien accroché !
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 22 août 1962
Voir le film en VOD
© 1962 Cineriz – TVOR / Affiche : René Ferracci. Tous droits réservés.