Série B. tournée en quelques jours, Mitraillette Kelly est l’un des premiers films majeurs de Roger Corman, révélant au passage le talent de Charles Bronson dans un rôle à la lisière du contre-emploi. A (re)découvrir.
Synopsis : Petit gangster médiocre, George Kelly, que son amie Florence Becker a surnommé “Mitraillette”, a réussi un audacieux hold-up en compagnie de deux complices. Lors du partage, il s’aperçoit que Fandango a subtilisé quelques billets. De rage, Kelly le jette dans la cage d’un puma qui lui arrache un bras… Peu après, la bande attaque une nouvelle banque. Mais, superstitieux, Kelly est paralysé par le passage d’un corbillard et fait échouer le casse à cause du minutage très précis. L’un des hommes est tué par la police. Howard, l’un des complices, s’oppose au gangster en le rendant responsable.
Un film de gangsters qui est avant tout une œuvre de commande
Critique : En 1957, le réalisateur stakhanoviste Roger Corman rencontre un joli succès dans les drive-in américains grâce à son polar Teenage Doll (1957) qui séduit indéniablement le public. Aussitôt, les patrons de la firme AIP (American International Picture) Samuel Z. Arkoff et James H. Nicholson proposent au jeune cinéaste de signer un nouveau film de genre qui serait tout autant lucratif. Roger Corman leur propose alors de tourner un film biographique sur le gangster George Kelly qui a sévit dans l’Amérique des années 30 et qui a laissé une trace dans l’histoire du gangstérisme par son surnom de Mitraillette Kelly.
Après avoir commandé un script à R. Wright Campbell, Roger Corman se propose de l’aider dans ses recherches historiques sur la véritable histoire du criminel. Intéressé par cette figure qui lui permet de rendre hommage aux grands films de gangsters des années 30, Corman est surtout séduit par la personnalité étonnante du scélérat. Ainsi, il découvre que l’homme était en réalité un lâche, manipulé par sa compagne du moment.
Mitraillette Kelly, portrait étonnant d’un lâche
Malgré un titre programmatique qui laisse supposer que le gangster va être au cœur de l’action, Roger Corman détourne les lois du genre et fait du personnage féminin incarné par l’excellente Susan Cabot le véritable pivot du film. Manipulatrice jusqu’au bout des ongles, la jeune femme est capable de servir ou de trahir la même personne en un claquement de doigts. Son personnage est donc de loin le plus fascinant du film. Face à elle, Charles Bronson, qui était encore une simple petite vedette de la télévision, joue avec beaucoup de nuances un rôle en or. Compensant son impuissance notoire dans l’action (et par extension sexuelle) par l’emploi d’une mitraillette bien phallique, George Kelly se révèle être une poule mouillée qui craint de mourir et qui se rend sans même opposer la moindre résistance lors d’un final étonnant pour le genre.
Si Mitraillette Kelly n’est pas avare en scènes de hold-up ou de poursuites en voiture, le budget contraint de la série B tournée en seulement huit jours a poussé Roger Corman à développer la psychologie des personnages et à accentuer la violence de certaines séquences. On adore par exemple l’emploi d’un félin particulièrement vindicatif pour châtier les traitres de la bande. Mais c’est surtout la tension insufflée par le réalisateur dans chaque séquence qui rend la projection encore éprouvante par instants, même de nos jours. Réalisé avec talent et savoir-faire, Mitraillette Kelly est donc un film de gangsters original qui rend à la fois hommage aux œuvres du passé, tout en poussant la description du gangster jusque dans des contrées inexplorées.
Roger Corman se confie sur l’importance de Mitraillette Kelly pour sa carrière
Particulièrement heureux du résultat final, Roger Corman indique dans son autobiographie intitulée Comment j’ai fait 100 films sans jamais perdre un centime (p 102, Capricci, 2018) :
Mitraillette Kelly a permis à Charles de percer et a également été un tournant majeur dans ma carrière. Le film a reçu des critiques extrêmement favorables en Europe où il a été présenté dans de nombreux festivals et il a eu beaucoup de succès en France. Tout d’un coup, mon travail était décortiqué et encensé par les critiques et experts en cinéma dans des revues telles que Les Cahiers du Cinéma et Positif. On me considérait comme un réalisateur incontournable et Mitraillette Kelly était vu comme un film américain important. […] Le film a bien marché et a rapporté beaucoup d’argent aux Etats-Unis et à l’étranger.
En France, le film a fonctionné une fois Charles Bronson célèbre
On notera que le long-métrage est bien sorti en France, mais quatre ans après les Etats-Unis et plus précisément en août 1962, sans obtenir le succès qu’évoque Roger Corman. Par la suite, des distributeurs attirés par la nouvelle popularité de Charles Bronson l’ont proposé à nouveau au public français, notamment en 1970. Ainsi, le long-métrage a pu rencontrer un certain succès commercial, mais étalé sur plusieurs décennies.
Edité en DVD au début des années 2010, Mitraillette Kelly a refait surface en 2023 chez l’éditeur Sidonis Calysta dans une édition combo DVD / blu-ray, preuve de la pérennité d’une série B qui a tout de même de beaux arguments pour séduire les cinéphiles.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 8 août 1962
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Roger Corman, Charles Bronson, Susan Cabot, Morey Amsterdam
Mots clés
Films de casse, Les kidnappings au cinéma, Les truands au cinéma