Millenium : ce qui ne me tue pas est un nouvel épisode parfaitement inutile qui vient prolonger sans raison valable une saga cinématographique déjà exsangue. Un divertissement terriblement anodin.
Synopsis : Frans Balder, éminent chercheur suédois en intelligence artificielle fait appel à Lisbeth Salander afin de récupérer un logiciel qu’il a créé et permettant de prendre le contrôle d’armes nucéaires. Mais la NSA ainsi qu’un groupe de terroristes mené par Jan Holster sont également sur la piste du logiciel. Traquée, Lisbeth va faire appel à son ami le journaliste Mikael Blomkvist qu’elle n’a pas vu depuis 3 ans.
Critique : Très librement adapté du quatrième roman de la saga Millenium (et donc le premier à ne pas avoir été écrit par Stieg Larsson), Ce qui ne me tue pas n’est ni une suite directe du remake américain réalisé par David Fincher, ni un reboot puisque le film tient compte des événements se déroulant dans les trois premiers films suédois. On peut donc dire qu’il s’agit surtout d’adapter une nouvelle aventure indépendante des autres, même si celle-ci permet d’éclairer encore sous un jour nouveau le personnage mystérieux de Lisbeth Salander, justicière qui venge toutes les femmes victimes de maltraitance par les hommes. Une thématique féministe qui a clairement motivé le réalisateur Fede Alvarez à l’heure du scandale Weinstein et de #MeToo. Il est d’ailleurs intéressant de noter que le cinéaste continue à mettre en avant des personnages féminins forts, comme il a déjà pu le faire dans son remake d’Evil Dead ou encore dans Don’t Breathe.
Toutefois, si le cadre nordique est toujours aussi séduisant, on sent que le réalisateur ne dispose pas cette fois-ci d’un scénario d’une grande solidité. Fondée sur un MacGuffin simpliste (tout le monde cherche à posséder un logiciel qui permet de contrôler les armes nucléaires du monde entier), l’intrigue est d’une linéarité qui interdit toute forme de suspense. Ainsi, le spectateur est invité à suivre une course à l’échalote où chaque camp traque le logiciel tour à tour. Bien entendu, ce prétexte permet aux auteurs de glisser de nouvelles révélations sur le passé trouble de Lisbeth Salander et de sa famille. Pour autant, rien de bien original n’attend le grand public puisque ce genre d’introspection est devenu classique chez les héros contemporains. On pense notamment beaucoup à Skyfall de Sam Mendes durant toute la projection, et ceci dès le générique d’ouverture très bondien, mais aussi jusque dans l’esthétique du film et son final où la maison familiale est détruite par le feu. Malheureusement, la comparaison s’arrête là car la profondeur de Skyfall – qui réfléchissait sur le mythe Bond avec pertinence – fait cruellement défaut ici.
À cette absence notable d’intérêt, il faut ajouter quelques autres déceptions, notamment au niveau du casting. Si Claire Foy est plutôt bonne actrice, elle incarne une Lisbeth Salander un peu trop lisse. Affublée d’un look de motard et non de la tenue excentrique de goth attachée au personnage culte, elle est une preuve évidente de la volonté des auteurs et des producteurs de lisser l’image de celle qui représente en principe un doigt d’honneur envers la bonne société. On n’apprécie pas trop non plus la prestation de Sverrir Gudnason dans le rôle du journaliste Blomkvist. N’ayant visiblement pas grand-chose à jouer, l’acteur se contente d’une présence anecdotique. Le reste du casting est à l’avenant et ne présente guère de personnalité attachante. Enfin, Fede Alvarez a parfois tendance à abuser d’un surdécoupage dans les séquences d’action et livre donc une réalisation qui alterne en permanence le majestueux et le brouillon. On est loin, là aussi, du travail remarquable effectué par Christopher McQuarrie sur la saga Mission impossible.
Millenium : Ce qui ne me tue pas est donc un thriller assez anodin qui ne se démarque aucunement du tout-venant et qui ne peut même pas compter sur une scène marquante pour s’imprimer durablement dans nos mémoires. Vite vu – sans déplaisir d’ailleurs – mais très vite oublié. D’ailleurs l’échec mondial fut total.
Critique de Virgile Dumez
Véritable bide dans le monde entier, ce cinquième long métrage estampillé Millenium, Millenium Ce qui ne me tue pas sortait en salle le 14 novembre 2018, sans grand nom à mettre en avant sur son affiche, Claire Foy (First Man le premier homme sur la lune de Damien Chazelle était distribué un mois auparavant). La première semaine, dans 331 cinémas sur l’ensemble du territoire, est celle d’une série B à 96 163 spectateurs. En seconde semaine, la chute de 47% lui permet d’approcher les 150 000 spectateurs. Néanmoins, en troisième semaine, Sony voit son poulain perdre près de 160 écrans et ne réalise plus que 7 022 entrées dans 166 cinémas, soit un plongeon ahurissant de 86% de sa fréquentation.
Millenium Ce qui ne me tue pas achève sa traque à 160 000 entrées France, très loin de la première adaptation américaine avec Noomie Rapace et Daniel Craig : Millenium l’homme qui n’aimait pas les femmes avait dépassé de million en 2012. Mais c’était Fincher qui était à la caméra/
Véritable film de cinéma pour Sony Pictures, Millénium : Ce qui ne me tue pas a été distribué sur l’ensemble des territoires dans le monde. Pourtant, ce fut un gros échec partout. Certes, le film n’a coûté que 43 000 000 de dollars, ce qui reste raisonnable. En revanche, malgré la foultitude de marchés où il a été exploité, il n’aura rapporté que 35 000 000 de dollars dans le monde, en deçà de son budget de production.
Aux États-Unis, s’il démarre à plus de 7 800 000 $, il doublera à peine cette recette en fin de carrière. À l’international, seule la Russie dépensera plus de 2 000 000 de dollars pour le défendre. Les autres marchés l’ignorent : à peine 1 500 000 de dollars au Mexique, 1 400 000 $ au Royaume-Uni, 1 200 000 $ en Australie, 1 124 000 $ en France et 1 000 000 de dollars en Espagne. C’est très insuffisant.
L’échec est particulièrement douloureux en Allemagne, en Italie ou aux Pays-Bas, où le film passe totalement inaperçu. Il en va de même au Brésil et au Japon.
Certes, Sony avait dépensé 80 000 000 de dollars pour la première adaptation en anglais de Millénium, mais au moins, le film de David Fincher avait suscité l’enthousiasme, puisqu’il avait rapporté 232 000 000 de dollars dans le monde, soit 200 000 000 de recettes supplémentaires par rapport au film de Fede Álvarez, qui marquera la fin de la franchise dans les salles.
Le cinéaste ne reviendra sur le grand écran que 6 ans plus tard, avec Alien : Romulus.
Box-office de Frédéric Mignard
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Fede Alvarez, Sylvia Hoeks, LaKeith Stanfield, Vicky Krieps, Saskia Rosendahl, Christopher Convery, Claire Foy, Claes Bang, Synnøve Macody Lund