Feel good movie balisé, Marie-Line et son juge n’est ni mauvais, ni désagréable, mais il suit un programme tellement prévisible que seuls les acteurs parviennent à éveiller notre intérêt. Banal et symptomatique de l’état actuel du cinéma français, en manque d’inspiration.
Synopsis : Marie-Line, 20 ans, est une serveuse énergique et bruyante. Sa rencontre avec un juge bougon et déprimé qui l’engage comme chauffeur, va bouleverser sa vie.
Jean-Pierre Améris à la recherche d’un succès
Critique : Cela fait maintenant quelques années que le cinéaste Jean-Pierre Améris échoue à retrouver le succès rencontré avec Les émotifs anonymes (2010) et son million d’entrées et, dans une moindre mesure Une famille à louer (2015) et ses 744 604 spectateurs. Le réalisateur au style très classique, pour ne pas dire télévisuel, a depuis cette époque navigué d’échecs en déceptions, malgré des sujets qui, potentiellement, pouvaient intéresser le grand public – on pense notamment à son Profession du père (2020).
Pour Marie-Line et son juge (2023), il s’inspire cette fois d’un roman de Murielle Magellan intitulé Changer le sens des rivières, sorti avec succès en 2019 et récipiendaire de plusieurs prix du public littéraire. La prise de risques est ici minimale pour le cinéaste qui se retrouve en terrain connu puisque la romancière fut sa scénariste à plusieurs reprises et qu’ils abordent des personnages issus de la France populaire. La plupart d’entre eux sont également incapables d’exprimer les sentiments qui les habitent, ce qui rejoint des thématiques chères au réalisateur. Ainsi, le juge incarné par Michel Blanc (dont ce fut l’avant-dernier film) n’est finalement pas si éloigné des précédents héros d’Améris généralement incarnés par Benoît Poelvoorde.
Un film entièrement programmatique
Le principal problème de Marie-Line et son juge tient dans son aspect purement programmatique et attendu. Dès les premières images, le spectateur sait ce qui va lui être raconté. Il s’agit d’une énième confrontation de caractères différents, avec une opposition sociale binaire à la clé. Marie-Line (Louane Emera dans son traditionnel emploi de jeune fille populo) est issue d’une famille défavorisée et doit enchaîner les petits boulots pour parvenir à joindre les deux bouts, tout en s’occupant de son père dépressif (Philippe Rebbot, un cliché à lui tout seul). A la suite d’une altercation avec son nouveau copain (Victor Belmondo, plutôt en retrait malgré un vrai charisme à l’écran), la jeune femme se retrouve devant la justice et fait la connaissance du juge interprété par un Michel Blanc parfait dans les emplois de bougon de service.
Pourtant, sous ses airs durs, le juge vient en aide à la jeune fille en lui proposant d’être son chauffeur pendant la période où il n’a plus de véhicule. Entre les deux caractères totalement opposés, la lutte s’engage pour savoir qui va sortir l’autre de son propre enfer. Effectivement, si la jeune fille souffre d’une mauvaise estime d’elle-même qui l’empêche d’aller de l’avant, le juge fatigué trimballe lui aussi une histoire personnelle tragique qui le retient prisonnier du passé.
Marie-Line et son juge, un téléfilm du samedi soir pas désagréable
Ce pitch est tout à fait adapté pour signer un feel good movie qui serait à la fois drôle et touchant, mais les intentions de Jean-Pierre Améris sont bien trop transparentes pour offrir au long métrage une étincelle de vie supplémentaire. Sur des rails, Marie-Line et son juge n’est aucunement un mauvais bougre puisque le cinéaste connaît son métier et que l’association entre Louane Emera et Michel Blanc fonctionne plutôt bien. On cherche pourtant en vain ce qui ferait sortir le film de son cadre si conventionnel habituellement réservé aux téléfilms de France 3. Même le cadre provincial de la ville du Havre vient rappeler cette dimension télévisuelle tant les images du cinéaste ne ravissent jamais la rétine.
Certes, quelques passages peuvent occasionnellement émouvoir, mais en ayant toujours dans l’optique que tout a été savamment calculé à cette fin. Et de fait, on attend tout de même autre chose de la part de nos auteurs que de ressasser des thématiques sociales éculées et des phrases bienveillantes sur la possibilité de refaire sa vie à n’importe quel moment.
Un petit succès provincial, un bide parisien
Affublé d’une affiche repoussoir, Marie-Line et son juge a clairement ciblé un public provincial, ce qui s’est ressenti dans ses résultats puisque le ratio entre Paris et la province fut supérieur à 10. Alors que le long métrage doit se contenter de 458 entrées lors des premières séances parisiennes pour une moyenne médiocre de 29 spectateurs par salle, il performe davantage en région. Ainsi, pour son premier jour, le feel good movie peut compter sur 25 775 entrées, dont 12 147 en avant-première. Toutefois, l’enthousiasme est à modérer sachant que le film était projeté dans un parc de salles conséquent (486 cinémas).
En une semaine, la comédie dramatique cumule 127 499 clients. Le distributeur ARP Sélection injecte des copies supplémentaires (on dépasse les 500 salles) et parvient ainsi à limiter la baisse en deuxième septaine avec seulement -29% et 90 180 retardataires. Le bouche à oreille demeure passable et le film chute raisonnablement en troisième semaine, cumulant 275 037 tickets vendus. La suite de son exploitation mène Marie-Line et son juge à 323 768 entrées sur toute la France, dont seulement 30 766 à Paris. On peut donc considérer le métrage comme un échec parisien et un petit succès provincial, sans que les chiffres soient mirifiques non plus.
Pour preuve, le long métrage n’est sorti qu’en DVD sur support physique, l’absence de rayon bleu confirmant le peu d’intérêt des cinéphiles purs et durs pour ce type de divertissement trop balisé.
Critique de Virgile Dumez
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Jean-Pierre Améris, Michel Blanc, Nathalie Richard, Philippe Rebbot, Louane Emera, Victor Belmondo
Mots clés
Cinéma français, Feel good movie, Comédie dramatique, Comédies sociales françaises