Joli drame intimiste et touchant, Love Life est une nouvelle réussite signée Kôji Fukada, portée par une écriture fine des personnages et une réalisation à fleur de peau. A découvrir.

Synopsis : Taeko vit avec son époux Jiro et son fils Keita en face de chez ses beaux-parents. Tandis qu’elle découvre l’existence d’une ancienne fiancée de son mari, le père biologique de Keita refait surface. C’est le début d’un cruel jeu de chaises musicales, dont personne ne sortira indemne.

Un beau drame concocté par Kôji Fukada

Critique : Découverte au milieu des années 2010, l’œuvre du réalisateur japonais Kôji Fukada ne cesse de s’enrichir de titres valeureux, et ceci depuis la présentation d’Harmonium (2017) ou encore de L’infirmière (2020). Construisant une œuvre intimiste parfaitement cohérente, le cinéaste nous revient en 2023 avec Love Life qu’il décrit lui-même comme un mélodrame, même si son style feutré se rapproche davantage de la cinématographie japonaise, marquée surtout par des sentiments intravertis.

Et de fait, Love Life prend bien les atours du mélodrame au bout de son premier quart d’heure d’exposition. Kôji Fukada fait alors intervenir un terrible drame qui va bouleverser non seulement le spectateur, mais aussi les principaux protagonistes du film. Bien entendu, nous ne déflorerons pas cette scène qui glace durablement les sangs tant elle intervient de manière surprenante et inattendue. Dès lors, le film suit la trajectoire d’un couple en pleine crise existentielle qui les amène à reprendre contact – soit indirectement, soit volontairement – avec leurs ex-conjoints. A partir de cet instant, Love Life s’applique à suivre les hésitations des quatre protagonistes principaux dont la vie bascule à partir de cet événement tragique.

Love Life ou le regard d’un cinéaste sur les failles de la société japonaise

Au cours de cette œuvre qui prend le temps d’observer la vie quotidienne des personnages pour mieux dépeindre leur psyché, le cinéaste en profite pour décrire un milieu populaire japonais. Ici, le spectateur occidental découvre la vie de tous les jours dans une cité dortoir où les appartements sont minuscules. Mais il place également sa caméra dans les rues afin de montrer les nombreux sans-abris.

© Love Life Film Partners & Comme des Cinémas

Avec le personnage de Park, le cinéaste évoque aussi le sort peu enviable de la population immigrée venue de Corée, régulièrement stigmatisée dans la société japonaise et contrainte de survivre à l’aide de charité de la part d’associations humanitaires. Loin de n’être qu’une énième histoire sentimentale, Love Life est donc aussi un bel objet politique qui embrasse la cause des laissés pour compte d’une société japonaise encore peu inclusive.

Filmer la vie, tout simplement…

Toutefois, la grande force du réalisateur est bien de laisser entrer la vie à l’intérieur de plans à la lenteur parfaitement calculée. Il n’hésite pas à laisser un chat vagabonder à l’intérieur d’un appartement vide, à suivre les reflets de lumière sur les murs de l’appartement ou encore à filmer depuis les toits un quartier entier durant de longues minutes afin de mieux en capter l’atmosphère. Pour autant, l’ennui n’est jamais de mise au cœur d’une œuvre qui prend simplement le temps de filmer l’amour, la vie et malheureusement la mort.

Il n’est d’ailleurs pas interdit d’être profondément ému par ce regard emprunt d’humanité, d’autant que la réalisation apparaît au cordeau et que la musique composée par Olivier Goinard apporte une réelle touche d’émotion à fleur de peau, marque des œuvres réussies. Le film est également porté par une interprétation très juste de la part de l’ensemble du casting, même si l’on peut saluer le jeu très nuancé et touchant de Fumino Kimura, déjà appréciée il y a quelques années dans La Maison au toit rouge (Yôji Yamada, 2014).

Love Life, un nouveau succès à mettre au compte du distributeur Art House

Ayant fait le tour des festivals au cours de l’année 2022, dont la prestigieuse Mostra de Venise, Love Life a ensuite été acheté par le distributeur Art House qui a connu une très belle année 2023 avec les succès de La famille Asada (Ryota Nakano) et d’Hokusai (Hajime Hashimoto). Spécialisé dans le cinéma asiatique, majoritairement japonais, le distributeur semble avoir trouvé le moyen d’attirer le public vers des œuvres intimistes pas si évidentes à promouvoir.

Ainsi, lors de sa sortie le 7 juin 2023, Love Life parvient à motiver 523 cinéphiles dans 15 salles parisiennes sur la seule séance de 14h. Si le résultat n’est pas extraordinaire, il s’inscrit dans un contexte défavorable en matière d’entrées. Si on regarde sur l’ensemble du territoire français sur la journée de mercredi, le film atteint 7 170 spectateurs dans 115 salles (moyenne de 62). Pour sa première semaine, le métrage réalise 34 071 entrées.

Mais le long-métrage va connaître des baisses mineures tout au long d’une longue carrière qui perdure pendant tout l’été. Cela lui a offert la possibilité de tripler ses entrées et de dépasser symboliquement la barre des 100 000 spectateurs, ce qui fait de ce mélodrame le plus gros succès de son auteur sur les écrans français. Il s’agit donc d’un nouveau magnifique succès pour le distributeur Art House qui semble avoir le chic de dénicher des perles au sein d’une cinématographie profuse. Fort de ce beau succès, Love Life a été ensuite proposé par Hanabi en DVD et en blu-ray en octobre 2023. Pour les cinéphiles amoureux du cinéma japonais, il s’agit assurément d’une bonne pioche.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 7 juin 2023

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© 2022 Nagoya Broadcasting Network – Chipangu – Comme des Cinémas / Affiche : Jeff Maunoury. Tous droits réservés.

Biographies +

Kôji Fukada, Fumino Kimura, Kento Nagayama

Mots clés

Cinéma japonais, Films sur le deuil, Films sur l’adultère, Drame psychologique