Dans sa 6e réalisation, Lolo, l’insolente Julie Delpy fait tourner en bourrique la star populaire française Dany Boon, à moins que cela soit son cynique de fils à l’écran, joué par l’infernal Vincent Lacoste. Le résultat est truculent.
Synopsis : En thalasso à Biarritz avec sa meilleure amie, Violette, quadra parisienne travaillant dans la mode, rencontre Jean-René, un modeste informaticien fraîchement divorcé. Après des années de solitude, elle se laisse séduire. Il la rejoint à Paris, tentant de s’adapter au microcosme parisien dans lequel elle évolue. Mais c’est sans compter sur la présence de Lolo, le fils chéri de Violette, prêt à tout pour détruire le couple naissant et conserver sa place de favori.
Lol aux stéréotypes
Critique : Les personnalités de Lolo sont à l’image donnée par ses comédiens vedettes depuis des lustres. Julie Delpy, en gourou de la mode parisienne, le langage cru et vrai, avec sa copine Karin Viard, prédatrice indomptable, revient une sixième fois à la réalisation après notamment 2 Days in Paris et 2 Days in New York.
Cette fois-ci elle relate son coup de foudre avec un provincial un peu tendre et benêt (forcément le choix de Dany Boon s’imposait) que son fils à l’écran, Vincent Lacoste, aussi cynique que dans JC comme Jésus Christ, va essayer d’écarter de sa vie de la façon la plus machiavélique possible… Les univers contraires se côtoient dans Lolo, par opportunisme commercial, peut-être, mais avec complémentarité, certainement.
Un bol de crudité dans des dialogues fleuris
La crudité indie, mais toujours bienveillante, de Delpy parvient à rendre acceptable la présence iconoclaste de Dany Boon que l’on ne s’attendait pas à retrouver dans son monde arty et bobo où se croisaient surtout jusqu’alors de vieux routards de Mai 68 et des New-yorkais un peu névrosés au flow intarissable. Mais le portrait de brave type qu’incarne l’icone populaire de Bienvenue chez les Ch’tis, colle en fait plutôt bien à la peinture beauf voulue par l’auteure. Alors pourquoi pas?
Quant à l’étiquette de “petit con” que Lacoste aime se coller au front depuis Les Beaux gosses, elle permet à l’acteur capable d’écarts remarquables (Hippocrate), et que l’on déjà vu chez Delpy (Le Skylab), de convier le teen movie à la française, décalé et verbal, à la table des grandes personnes avec l’insolence sardonique de sa génération au mot acerbe.
Lolo marie toutes les comédies pour une grand messe accessible à tous
Dans cette farce sur la famille recomposée, accessible à tous, Julie Delpy vise un public plus large qu’auparavant, au-delà de la présence de Dany Boon, de par des situations de comédie à rebondissements rocambolesques qui vont multiplier les fous rires collectifs. Le ton est à la bonne humeur communicative et l’énergie est débordante, tout ici désopile, des premiers instants girlie et bitchy, au final parodiant de près le Tanguy de Chatiliez qui aurait rencontré le Damien de La Malédiction.
Bref, Lolo, c’est un peu le mariage pour tous, celui de toutes les comédies, un divertissement généreux qui assoit un peu plus le talent d’écriture de Julie Delpy qui peaufine les dialogues truculents, avec une spontanéité feinte qui caractérise son style. Mais attention, face à ce succès en devenir, la réalisatrice ne doit pas oublier qu’un jour, elle s’est écartée brillamment du genre humoristique pour une Comtesse d’une noirceur totale. Et cette Julie Delpy-là, nous, on ne veut pas la perdre.
Box-office de Lolo :
Lolo est le plus gros budget pour un film réalisé par Julie Delpy, à savoir plus de 8 millions d’euros. C’est aussi sa réalisation qui aura engendré les plus gros chiffres en salle, avec 910 000 spectateurs contre 430 000 entrées pour Two Days in New York, son 2e plus gros succès (en termes d’entrées).
Dany Boon a accepté de baisser son cachet pour ne pas fragiliser ce projet auquel Delpy scénariste croyait.
Sorti pendant les vacances de la Toussaint, en 2015, sans grand adversaire cette semaine-là (The Walk de Robert Zemeckis et La dernière chasse aux sorcières avec Vin Diesel, n’avaient guère d’espoir), la comédie populaire bobo devait surtout composer avec Kev Adams dont Les nouvelles aventures d’Aladin continuait à caracoler en tête du box-office en 3e semaine (738 000 entrées pour un total de 3 557 000).
Un bon score pour Julie Delpy, pas pour Dany Boon
Avec une combinaison convenable de 506 salles à laquelle l’actrice-réalisatrice n’était pas habituée, Lolo démarre convenablement sans plus, en 3e place. Boon est forcément déçu, puisqu’il n’avait pas ouvert à moins de 500 000 entrées depuis 2006 et Mon meilleur ami de Patrice Leconte qui avait l’excuse d’avoir été distribué avant Bienvenue chez les Ch’tis.
L’acteur sera déstabilisé par le box-office de Lolo, puisque le bouche-à-oreille ne sera jamais à la hauteur, avec des baisses régulières : – 49% en deuxième semaine, – 45% en 3e où désormais Lolo affiche 124 000 entrées dans 620 salles, – 43% en 5e semaine.
Le premier Dany Boon en 13 films consécutifs en-dessous du million d’entrées
Lolo est déclaré mort en 6e semaine. La comédie sardonique, pourtant défendue par une majorité de la presse, perd alors 75% de sa fréquentation pour un résultat malheureux de 9 119 spectateurs dans 227 cinémas. Au moins, dépasse-t-elle de justesse les 900 000 spectateurs ! Les exploitants, face à une moyenne calamiteuse, décident d’abandonner le combat à la fin de la 6e semaine ; le film passe de 227 écrans à 79, avec comme conséquences une baisse assommante de 72%.
Au final, la rencontre de Dany Boon avec un cinéma plus bobo, loin de la réalité populaire de son public qui ne connaissait pas forcément Julie Delpy et Vincent Lacoste, met fin à une suite de 13 productions boonesques à plus d’un million d’entrées. Si le comique l’a mauvaise, il connaîtra bien pire avec Ils sont partout, le plantage d’Yvan Attal qui s’amusait des clichés antisémites en France pour mieux les dénoncer : la comédie chorale sera un accident industriel à 174 000 entrées pour un budget de 8M d’euros, malgré la présence de Benoit Poelvoorde, Valérie Bonneton, Gilles Lellouche, Charlotte Gainsbourg…
Biographies +
Julie Delpy, Karin Viard, Dany Boon, Pavel Lounguine, Vincent Lacoste, Georges Corraface