Dans L’innocent, Louis Garrel abandonne son costume sombre de héros romantique pour se lancer sans retenue dans une comédie pétillante mâtinée de polar et ça lui réussit plutôt bien.
Synopsis : Quand Abel apprend que sa mère Sylvie, la soixantaine, est sur le point de se marier avec un homme en prison, il panique. Épaulé par Clémence, sa meilleure amie, il va tout faire pour essayer de la protéger. Mais la rencontre avec Michel, son nouveau beau-père, pourrait bien offrir à Abel de nouvelles perspectives…
Le film le plus abouti de Louis Garrel
Critique : Sylvie (Anouk Grinberg) est une âme généreuse qui ne voit que la beauté des êtres et des choses. Elle anime des ateliers théâtre dans une prison et est tombée amoureuse d’un détenu, Michel (Roschdy Zem) qu’elle s’apprête à épouser avant sa libération toute proche. Ce qui n’est pas tout à fait du goût d’Abel, son fils (Louis Garrel), toujours inquiet des emportements soudains de sa mère, d’autant qu’il se méfie de tout ce qui sort de la norme. Il vient de perdre sa femme dans un accident et, son désarroi associé à son naturel pessimiste le pousse à imaginer que cette union mal assortie ne peut qu’entraîner toute la famille vers des dangers en tous genres. Alors que sa mère et son nouveau mari décident d’ouvrir une boutique de fleurs, Abel épie les moindres mouvements de Michel jusqu’à découvrir que pour rembourser une dette, celui-ci doit effectuer un dernier braquage. Pour ne pas le perdre de vue, il l’accompagne et se retrouve plongé dans un univers dont il ignore tout.
Après Les deux amis où il était déjà question de prison, L’homme fidèle aux allures de marivaudage moderne et le minimaliste La croisade, Louis Garrel revêt à nouveau son costume d’homme-orchestre et s’octroie les postes de scénariste, de réalisateur et d’acteur. Mais cette fois, son héros, invariablement baptisé Abel, s’échappe de son microcosme parisien pour s’installer du côté de la campagne lyonnaise. Un changement d’air bénéfique qui lui permet de donner naissance à son œuvre la plus aboutie.
L’innocent, coupable de grands plaisirs et de jubilation
D’un côté, une tendre déclaration d’amour à cette génération de mères bercées au tempo de la liberté et de l’insubordination des années 60/70, symbolisée par une Anouk Grinberg dont la générosité communicative autorise l’incursion en douceur d’un élément transgressif au cœur d’une famille conformiste. De l’autre côté, un polar solidement ficelé qui ne se prend pas au sérieux pour que jamais la violence et la virilité n’aient l’audace de voler la vedette aux sentiments. On ne se lasse pas de cette combinaison malicieuse délicatement burlesque et férocement romanesque, additionnée d’une histoire de casse dont les accents vintage ne sont pas sans rappeler Rififi chez les hommes de Jules Dassin (1955) dont notre réalisateur désormais chevronné adopte la mise en scène, élégante et subtile, pendant que les dialogues rebondissent dans un jeu de ping-pong où vivacité et humour rivalisent. Mais la réussite du film tient aussi à la présence d’acteurs parfaitement choisis, à commencer par la toujours émouvante Anouk Grinberg à qui le cinéma semble accorder à nouveau toute la place qu’elle mérite. Quant à Noémie Merlant, elle excelle dans un registre clownesque et déjanté qu’elle nous avait caché jusqu’à présent.
Un sans-faute pour Louis Garrel qui, avec cette comédie pittoresque et inventive, entre directement dans la cour des grands.