L’impératrice rouge : la critique du film (1934)

Drame, Biopic, Historique | 1h44min
Note de la rédaction :
10/10
10
L'impératrice rouge, l'affiche

  • Réalisateur : Josef von Sternberg
  • Acteurs : Elinor Fair, Richard Alexander, Marlene Dietrich, John Lodge, Sam Jaffe, Louise Dresser
  • Date de sortie: 31 Août 1934
  • Nationalité : Américain
  • Titre original : The Scarlet Empress
  • Titres alternatifs : Capricho imperial (Espagne) / A Imperatriz Vermelha (Portugal) / Imperatorowa (Pologne) / Den røde keiserinne (Norvège) / L'imperatrice Caterina (Italie) / Die scharlachrote Kaiserin (Allemagne) / Den røde kejserinde (Danemark) / A Imperatriz Galante (Brésil)
  • Année de production : 1934
  • Autres acteurs : C. Aubrey Smith, Gavin Gordon, Olive Tell, Erville Alderson, Hans Heinrich von Twardowski, Maria Riva
  • Scénariste : Manuel Komroff, d'après le journal de Catherine II
  • Directeur de la photographie : Bert Glennon
  • Compositeur : W. Franke Harling, John Leipold, Bernhard Kaun, Oscar Potoker, Milan Roder
  • Monteurs : Sam Winston, Josef von Sternberg
  • Producteurs : Josef von Sternberg
  • Sociétés de production : Paramount Pictures
  • Distributeur : Paramount Pictures
  • Distributeur (reprise) : Théâtre du Temple
  • Date de reprise : 11 avril 2012
  • Éditeur vidéo : Universal Pictures France (DVD, 2012, 2016) / Elephant Films (DVD et blu-ray, 2019) / Elephant Films (blu-ray, 2023)
  • Dates de sortie vidéo : 4 septembre 2012 (DVD) / 6 décembre 2016 (DVD) / 30 avril 2019 (DVD et blu-ray) / 29 août 2023 (blu-ray)
  • Box-office France / Paris-périphérie : -
  • Box-office nord-américain / monde : -
  • Budget : 900 000 $ (soit 20,4 M$ au cours de 2023)
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 1.37 : 1 / Noir et Blanc / Son : Mono
  • Festivals et récompenses : -
  • Illustrateur / Création graphique Roger Vacher © Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : © 1934 Paramount Pictures © Tous droits réservés / All rights reserved
Note des spectateurs :

Véritable monument du septième art, L’impératrice rouge est un chef d’œuvre du duo Dietrich – Sternberg porté par une direction artistique démentielle et des outrances visuelles qui en font un bijou inoubliable.

Synopsis : Russie, 1744. Quand Sophie Frédérique se marie à son Altesse sérénissime Pierre III Fiodorovitch, grand-duc de Russie et neveu de l’impératrice, la jeune prussienne se retrouve prisonnière d’une union sans amour. Ambitieuse et séductrice, elle se lasse vite du manque de panache de son mari, d’autant que le comte Alexeï puis le capitaine Orlov tombent sous son charme. Mais lorsqu’un enfant nait, les complots qui se trament en coulisses vont éclater au grand jour.

L’impératrice rouge répond à La Reine Christine

Critique : Au cours des années 30, les grands studios MGM et Paramount se livrent une guerre commerciale farouche qui s’incarne à travers leurs deux stars féminines principales, à savoir Greta Garbo pour la première et Marlene Dietrich pour la seconde. Alors que la MGM déploie son savoir-faire avec La reine Christine (Mamoulian, 1933) qui valorise parfaitement le jeu de la Divine Garbo, la Paramount décide de la concurrencer sur son propre terrain avec L’impératrice rouge (1934) qu’elle confie au pygmalion de Dietrich, le grand Josef von Sternberg.

Le scénario est confié à Manuel Komroff, d’après le propre journal de Catherine II. Celui-ci évoque donc l’accession progressive de la Grande Catherine au pouvoir en Russie. Il débute notamment par une première partie qui fait de la jeune fille une innocente victime d’une époque terrible pour les femmes. Mariée de force à un prince qui est à moitié fou (très expressif Sam Jaffe, dans le cabotinage pur et dur), la jeune oie blanche incarnée par Marlene Dietrich doit également affronter l’impératrice de Russie qui se comporte comme une marâtre – interprétée par la grande actrice de théâtre Louise Dresser. Bien entendu, cette vision de la jeunesse de Catherine II est pour le moins romancée et n’a pour unique vocation que d’expliquer sa mutation en autocrate. Celle-ci va jusqu’à réaliser un coup d’Etat contre son propre époux pour arriver enfin au pouvoir.

Un tournage houleux entre la star et son pygmalion

Dès lors, le jeu de Marlene Dietrich se fait plus affirmé et la diva peut donner lieu à son jeu fait de regards assassins ou au contraire d’œillades tentatrices auprès des hommes qui l’entourent. De nombreux historiens estiment d’ailleurs que la véritable Catherine II était une grande consommatrice d’hommes. Il s’agit donc d’un rôle qui convient parfaitement à la démesure de la star allemande, parfaitement à l’aise dans toutes les situations requises.

Pourtant, le tournage de L’impératrice rouge ne fut apparemment pas de tout repos. Les disputes tempétueuses entre le pygmalion et sa muse furent légions sur le plateau. Sternberg accusant son interprète d’être mauvaise actrice et celle-ci lui répondant que le réalisateur n’est qu’un tyran. On notera d’ailleurs que la séparation entre les deux artistes fut consommée l’année suivante après l’échec commercial de La femme et le pantin (1936).

Un monument dédié à Marlene

Pourtant, lorsque l’on découvre le film fini, on ne trouve guère de trace de ce conflit entre les deux. Ainsi, L’impératrice rouge est un véritable monument dédié à Marlene Dietrich. Que ce soit par les éclairages magnifiques de Bert Glennon ou par l’extravagance de la garde-robe portée par la star (créée par Travis Banton), Marlene Dietrich est élevée au rang d’icone cinématographique à chaque plan de ce chef d’œuvre du faux film historique. Non seulement l’intégralité du long-métrage baigne dans une atmosphère quasiment fantastique ou onirique, mais l’outrance de la direction artistique de Hans Dreier et des magnifiques sculptures de Peter Ballbusch offrent au film une esthétisation de chaque instant qui en fait une œuvre quasiment expressionniste, à forte tendance maniérée.

L'impératrice rouge, l'affiche

© 1934 Paramount Pictures Inc. / Renewed © 1961 Emka, Ltd. All Rights Reserved.

Multipliant les audaces, L’impératrice rouge étonne encore de nos jours par l’extrême modernité de sa réalisation – magnifique séquence des chevaux qui chargent dans un escalier impérial – et par le portrait ô combien contemporain d’une femme qui prend son destin en main après avoir subi de nombreux outrages. Véritable femme forte, Marlene Dietrich n’est pas une victime de mélodrame comme sa rivale Greta Garbo et elle s’arrange toujours pour battre les hommes à leur propre jeu. L’actrice est d’ailleurs d’une parfaite crédibilité lorsqu’elle endosse des habits masculins – comme dans Cœurs brûlés en 1930 – et qu’elle se fait la cheffe de file d’un coup d’Etat. Assurément la marque des très grandes.

Un pur fantasme hollywoodien, mal compris aux Etats-Unis

Plutôt fantaisiste sur le plan historique, L’impératrice rouge est surtout un pur fantasme hollywoodien qui élève chaque contribution artistique (photographie, costumes, décors, musique) à un niveau d’excellence absolu. Lors de sa sortie aux Etats-Unis, L’impératrice rouge n’a malheureusement pas reçu le succès tant attendu, d’autant que son budget plutôt imposant (900 000 $, soit 20,4 M$ au cours de 2023) devait impérativement être remboursé. En fait, le long-métrage n’a absolument pas été compris et les outrances expressionnistes de Josef von Sternberg n’ont pas séduit les critiques de l’époque.

Sorti en exclusivité à Paris à partir du 31 août 1934, L’impératrice rouge n’a pas fait non plus l’unanimité des critiques en France. Comme l’indique un article de J. Bruno-Ruby dans le Ciné-miroir n°494 datant du 21 septembre 1934 :

Beaucoup d’historiens, professionnels ou amateurs, sont grincheux. […] Les historiens froncent donc les sourcils quand on leur annonce Marlene Dietrich dans le rôle de la Grande Catherine. Gâtés par les certitudes du passé, ils ne font jamais confiance à l’avenir et ils sont convaincus que, lorsqu’on a joué L’Ange Bleu, on ne peut rien donner de bon dans Catherine II ! Et leur opinion est très défendable !

Un joli succès à Paris à l’automne 1934

Pourtant, malgré ces critiques venus des professionnels, le long-métrage a connu un véritable succès à Paris lors de sa toute première exclusivité au théâtre Paramount, comme en témoigne le journal Cinéopse n°182 d’octobre 1934 où il est écrit :

Poursuivant sa triomphale carrière, L’impératrice rouge vient de commencer sa cinquième semaine d’exclusivité à l’écran du théâtre Paramount où se presse chaque jour une affluence considérable de spectateurs. L’opinion générale est unanime : jamais Sternberg n’a réalisé œuvre aussi magistrale, et jamais sa magistrale interprète Marlene Dietrich n’a exprimé avec plus d’intensité tous les aspects d’un rôle aussi complexe que celui qu’elle incarne dans L’impératrice rouge. Le doublage impeccable du film dont la presse a tenu à proclamer la perfection technique, ajoute un élément de plus au succès de cette grande production qui marque avec éclat la reprise de la saison cinématographique.

On notera qu’il est fait référence au doublage du film, une pratique qui n’était pas encore si courante que cela en 1934, époque où existaient encore des versions multiples d’œuvres cinématographiques afin de pallier le problème du manque d’universalité des langues. Finalement, L’impératrice rouge marque déjà une césure importante entre la réception d’une œuvre aux Etats-Unis et en Europe. Devenu un grand classique du cinéma mondial avec le temps, L’impératrice rouge a même eu le droit à de nombreuses éditions vidéo, ainsi qu’à des reprises dont la dernière en date est située en 2012 au Théâtre du Temple. Il s’agit assurément d’un monument du septième art.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 31 août 1934

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L'impératrice rouge, l'affiche

© 1934 Paramount Pictures / Affiche : Roger Vacher. Tous droits réservés.

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Josef von Sternberg, Elinor Fair, Richard Alexander, Marlene Dietrich, John Lodge, Sam Jaffe, Louise Dresser

Mots clés

L’âge d’or d’Hollywood, Les classiques du cinéma, La revanche des femmes au cinéma

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L'impératrice rouge, l'affiche

Bande-annonce de L'impératrice rouge (VOstf)

Drame, Biopic, Historique

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