L’héritier de la violence (Légitime vengeance, au cinéma), unique film hongkongais de Brandon Lee, est une belle réussite grâce à un montage dynamique et une réalisation diablement efficace. L’acteur y est d’ailleurs très bon.
Synopsis : Brandon mène une vie tranquille entre ses deux emplois et sa fiancée May. Un jour, il est pris au piège par son ami dealer Michael qui le fait accuser du meurtre d’un policier corrompu. Après huit ans de prison, Brandon découvre la vérité et décide de se venger…
Le fils de Bruce Lee de retour à Hong Kong
Critique : Né aux États-Unis et ayant suivi une formation d’acteur poussée à Boston puis à l’Actors Studio de New York, Brandon Lee ne souhaitait pas initialement suivre les pas de son illustre père, la star mondiale des arts martiaux Bruce Lee. Toutefois, au milieu des années 80, alors que sa carrière ne décolle absolument pas, le jeune homme reçoit une proposition émanant de la société de production hongkongaise D & B Films. On lui offre un rôle principal dans un film d’action fortement porté sur les arts martiaux qu’il doit venir tourner à Hong Kong.
Après bien des atermoiements, Brandon Lee rencontre le réalisateur Ronny Yu qui parvient à le convaincre de saisir cette opportunité. En échange, Brandon Lee demande à revoir le scénario de façon à limiter au maximum les séquences d’arts martiaux, afin de ne pas pouvoir être comparé à son géniteur. Ronny Yu accepte de bon cœur et décide de transformer la plupart des affrontements en vastes fusillades. Cela ne pose pas de problèmes non plus aux producteurs puisque les films de John Woo cartonnent alors au box-office.
Une histoire classique mais où les personnages sont soignés
L’insistance de Brandon Lee à vouloir montrer ses capacités d’acteur dramatique explique sans aucun doute le soin apporté à la psychologie des différents personnages. Ainsi, Légitime vengeance coche bien toutes les cases du film d’action et du revenge movie, tout en restant à hauteur de personnage. On notera d’ailleurs que Ronny Yu a su tirer partie de son casting puisque tous les acteurs principaux, que ce soit Brandon Lee, Michael Wong ou encore Regina Kent sont d’une belle justesse, n’en faisant jamais trop – ce qui apparaît comme un exploit en Asie où le jeu des acteurs est davantage outré.
Alors que l’action n’est pas au cœur de la première heure de projection, le spectateur ne s’ennuie jamais car le montage sait toujours aller à l’essentiel. La réalisation est d’une diabolique efficacité et les différents éléments de dramaturgie sont soulignés par une belle interprétation et une musique synthétique kitsch, mais qui plaira à tous les amoureux des sons des années 80. On apprécie notamment la volonté de suivre les pas de John Woo dans une dramatisation extrême qui frôle parfois le mélodrame. Le personnage principal, d’une sacrée naïveté, doit passer par un véritable chemin de croix afin de grandir et d’accéder à l’âge des responsabilités. Au passage, le métrage fait également un détour furtif par le film de prison, puis le film d’évasion.
Une dernière demi-heure explosive et impressionnante
Toutefois, ce qui finit par emporter l’adhésion des fans des films d’action HK des années 80 vient de l’impressionnante dernière demi-heure, véritable festival d’action hystérique en continu. Non seulement Ronny Yu prouve son incroyable habileté dans la gestion de l’espace et du rythme, mais il propose un nombre conséquent de moments de bravoure, sans jamais avoir recours au ralenti – marque de fabrique de John Woo. L’action est ici pétaradante, mais le spectateur n’est jamais perdu et peut ainsi profiter de la maestria des cascadeurs et artistes martiaux engagés pour l’occasion. Quand les personnages tombent d’un étage pour se fracasser sur une table en contrebas, le spectateur est bien conscient d’assister à un véritable exploit dont la dangerosité est manifeste puisqu’aucune sécurité n’est visible dans le champ.
Comme les auteurs ont pris le temps de raconter une histoire qui nous implique vraiment, cela ne fait que renforcer la puissance de ces séquences, d’autant que le cinéaste n’hésite pas à sacrifier des personnages importants en cours de route. Au final, L’héritier de la violence (Légitime vengeance) est une série B tout à fait enthousiasmante qui démontre une fois de plus le savoir-faire du cinéma HK des années 70-80, avant son déclin progressif dans les décennies suivantes.
Sorti d’abord en VHS, avant d’arriver dans les salles françaises
Présenté au marché du film de Cannes en 1987, le long-métrage a d’abord été acheté par l’éditeur VHS Delta Vidéo qui le sort donc directement en vidéo-club en 1987 sous le titre L’héritier de la violence. Finalement, Métropolitan FilmExport en récupère les droits et réussit à le sortir dans les salles françaises deux ans plus tard, en juin 1989, sous le titre Légitime vengeance. Il ne s’agit que d’une sortie restreinte à quatre salles sur Paris Périphérie, deux dans des cinémas de quartier (le Paris-Ciné et le Hollywood Boulevard) et deux autres en banlieue ( le Calypso Viry et le Dalton Sevran). Le film parvient à 2 998 entrées, dont 2 760 sur les deux sites parisiens. Evidemment, ce type de programmation n’était jamais reconduite sur deux semaines. Légitime vengeance sera évincé de l’affiche à l’issue de sa seule semaine d’exploitation, et retrouvera son titre original français, L’héritier de la violence, en vidéo.
Finalement, Metropolitan a opté pour une exploitation en VHS, puis en DVD sous le titre L’héritier de la violence, profitant notamment de la mort tragique de Brandon Lee sur le tournage de The Crow (Proyas, 1994) pour ressortir régulièrement ce tout premier film en vedette d’un acteur qui aurait sans doute eu une belle carrière sans cette triste fin. Légitime vengeance demeure l’un de ses meilleurs films et l’une de ses meilleures prestations.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 21 juin 1989
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