Les léopards de Churchill, film de commando très classique dans son déroulement, est symptomatique de la dérive bis du cinéma de quartier européen du début des années 70 avec son scénario invraisemblable et ses péripéties hautement fantaisistes.
Synopsis : Un officier britannique est parvenu à s’infiltrer dans les troupes allemandes, en prenant la place de son frère jumeau, un nazi et ainsi d’aider un groupe de résistants français dans la destruction d’un barrage sur la Meuse…
Critique : Depuis le triomphe international des Canons de Navarone (J. Lee Thompson, 1961), le film de commando est devenu un sous-genre guerrier à part entière, largement exploité par les Européens, et notamment les Italiens. Relancé par Les douze salopards (1967) de Robert Aldrich, le sous-genre connaît un regain de popularité à la fin des années 60 et tout au long des années 70. Toutefois, Les léopards de Churchill n’a rien du cynisme développé par le film d’Aldrich et se conforme bien davantage aux clichés habituels avec de méchants Allemands et de bons partisans français. Totalement binaire, le script rédigé par Maurizio Pradeaux lui-même ne fait aucunement dans la nuance et préfère enfoncer des portes ouvertes pour offrir au spectateur une œuvre divertissante totalement fantaisiste sur le plan historique, et même géographique.
Les léopards de Churchill, coproduction hispano-italienne pour le pire
Produit en large partie par l’Espagne, le métrage perd toute forme de crédibilité dès les premières images lorsqu’un carton nous indique que l’action se situe en France, et notamment dans la région de la Meuse qui n’a jamais autant ressemblé à l’Espagne. Et pour cause, l’intégralité des extérieurs ont été tournés dans les environs de Madrid, ce qui ne trompera aucun Français. Les partisans sont incarnés par des Espagnols comme Antonio Casas qui, même s’il est un bon comédien, ne nous fera jamais croire qu’il est Français. Histoire de nous faire comprendre que nous sommes bien en France, les Partisans chantonnent En passant par la Lorraine, chanson enfantine qu’aucun adulte normalement constitué ne fredonnerait chez nous, même dans les années 40. De leur côté, les Allemands n’arrêtent pas de compter leurs homologues en criant Eins, zwei, drei. On nage donc ici en plein cliché, histoire de masquer une distribution internationale constituée majoritairement d’Espagnols, d’Américains et d’Italiens.
Le fil de l’histoire est rompu
Peu crédible également cette opération qui vise à détruire un barrage afin de faciliter le débarquement prévu en juin 1944, d’autant qu’elle s’appuie sur un artifice narratif un peu facile, à savoir le remplacement d’un officier nazi par son frère jumeau lieutenant dans l’armée britannique. Cela suppose une fois de plus une suspension d’incrédulité particulièrement poussée de la part d’un spectateur appelé à avaler des couleuvres. Ajoutons à ce cortège de critiques, la réalisation très sommaire de Maurizio Pradeaux qui use et abuse du zoom, au risque de nous donner mal au cœur. Et que dire de cette nuit américaine ratée ou encore de la séquence de destruction de la maquette… euh pardon du barrage ?
Une série B sauvée par sa bande-originale
Pour autant, tout n’est pas à jeter dans cette petite série B assez riche en péripéties et suffisamment courte pour que l’on ne s’y ennuie. Tout d’abord, les acteurs font le job, notamment un Klaus Kinski plutôt sobre en officier SS, un Richard Harrison peu expressif, mais assez crédible en officier britannique infiltré. Le casting espagnol est également correctement dirigé. Mais ce qui sauve Les léopards de Churchill de l’enfer du navet est une fois de plus la musique. La partition de Franco Salina semble d’ailleurs avoir été composée pour un western spaghetti, avec intrusion d’une guitare électrique qui ravira les amateurs du genre. Au final, le spectacle s’avère regardable, sans jamais être transcendant.
Sorti en France deux ans après sa réalisation, Les léopards de Churchill n’a attiré que 175 747 spectateurs dans ses filets, avec un fort coefficient Paris – Province.
Critique de Virgile Dumez
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Maurizio Pradeaux, Klaus Kinski, Antonio Casas, Pilar Velázquez, Richard Harrison, Furio Meniconi, Giacomo Rossi Stuart, Goffredo Unger, Sergio Doria