Les héritiers est un film d’utilité publique, inspiré d’une histoire vraie, dont la force de réflexion n’a d’égale que celle des émotions procurées. Un bel hommage à Léon Zyguet, décédé peu après la sortie du film, en janvier 2015.
Synopsis : D’après une histoire vraie.
Lycée Léon Blum de Créteil, une prof décide de faire passer un concours national d’Histoire à sa classe de seconde la plus faible. Cette rencontre va les transformer.
Critique : La productrice Marie-Castille Mention-Schaar a eu la très mauvaise idée de s’adonner deux fois à la réalisation dans le passé. On se souvient encore des très fades Ma première fois et Bowling, deux échecs qui auraient dû stopper toute carrière s’il y avait une justice dans ce bas monde, alors que tant de talents galèrent, mais la productrice a persévéré et, miracle, parvient à faire taire toutes les mauvaises langues, avec une œuvre peu aisée, entre documentaire, réflexion sociale, et bons sentiments qui, s’ils ne rabaissent jamais son dernier long, lui confèrent une place particulière dans les cœurs.
En touchant au thème ardent des banlieues ghettos, des établissements scolaires qui fabriquent l’échec scolaire à la chaîne, au repli communautaire, à la montée de l’intégrisme dans notre société, Marie-Castille Marion-Schaar s’emploie à se battre pour une cause, plus intelligemment que dans Bowling, où l’on sentait déjà poindre la volonté de traiter du social.
Dans Les héritiers, elle a su traiter avec finesse, réalisme et dévotion, des enjeux sociétaux qui dépassent chacun, pour ne plus faire que la Une des chaînes d’infos en continue lors de dérapages.
La renaissance d’une cinéaste
Loin de l’histoire d’amour à l’eau de rose de Ma première fois, elle s’insinue “entre les murs” pour capter la gouaille d’une génération, sans repères, entre incivilités et comportements primaires quand le cadre n’est pas là pour leur signifier intelligemment, non seulement les valeurs de la République, mais l’importance de l’Histoire et du devoir de mémoire pour mieux sortir de l’obscurantisme qui s’installe en coin de rue.
Sous François Hollande ou Emmanuel Macron, la thématique républicaine est actuelle, et passer après La journée de la jupe et Entre les murs n’était sûrement pas une mince affaire non plus. Mais la démarche en retrait de la réalisatrice est exemplaire et lui permet de livrer une œuvre, certes moins intense, mais d’une importance semblable dans le discours.
Marie-Castille Mention-Schaar laisse, sur des images de cinéma plutôt belles, la parole à de jeunes personnalités de différentes origines ethniques, attachantes, parfois hystériques, souvent explosives, mais toujours dans une forme de souffrance qui se manifeste de façon plus ou moins violente à l’adolescence, en fonction de l’environnement social, familial et de l’individualité du jeune.
Les héritiers affronte, confronte avec force et courage
Le sens de l’écoute, la véracité du dialogue, la justesse du regard sur ce public dit difficile, rendent pertinente cette approche qui aurait pu pourtant souffrir d’une volonté de la recherche d’émotions faciles face à une thématique casse-gueule : confronter des jeunes, pour certains de confession musulmane, à la Shoah.
L’évolution des protagonistes, joués par des jeunes gens formidables de vérité, a pour miroir la détermination d’une prof à la foi inébranlable jouée par la toujours solide Ariane Ascaride, plus prof que nature. L’actrice semble être dans son milieu, au milieu d’une jeunesse qu’elle emmène sur les chemins glaçants de l’Holocauste pour une meilleure compréhension du monde contemporain qu’ils réfutent dans leur aveuglement. Mais celui-ci ne leur a-t-il pas été imposé par une société tout aussi sectaire dans son refus de l’ouverture ? N’y a-t-il pas à Paris-même des écoles elles-mêmes composées à plus de 80% de jeunes gens défavorisés alors qu’à 500 mètres on sélectionne pour satisfaire les grandes espérances des parents ?
Les Héritiers, derrière ses valeurs fédératrices, abordent de nombreux thèmes complexes, sans jugement arbitraire, mais toujours avec l’envie d’élever les discussions. Un grand remerciement donc à la réalisatrice qui cherche à démocratiser sereinement le débat, afin qu’il ne se cantonne pas aux plateaux de télévision avec chroniqueurs politiques stériles ou à des discussions de quartier qui semblent perdues d’avance face à l’aveuglement des pouvoirs successifs qui n’ont jamais eu l’audace de proposer de plans banlieues d’envergure, alors que les extrêmes montent de toute part.
Les Héritiers est donc un conte scolaire salvateur qui saura séduire les plus fermés au sujet.