Les assassins sont parmi nous : la critique du film (1948)

Drame, Romance | 1h25min
Note de la rédaction :
7/10
7
Les assassins sont parmi nous, l'affiche

  • Réalisateur : Wolfgang Staudte
  • Acteurs : Hildegard Knef, Wilhelm Borchert, Arno Paulsen
  • Date de sortie: 18 Juin 1948
  • Année de production : 1946
  • Nationalité : Allemand
  • Titre original : Die Mörder sind unter uns
  • Titres alternatifs : Murderers Among Us (USA) / The Murderers Are Among Us (RU) / Mördarna finns mitt ibland oss (Suède) / El asesino está entre nosotros (Espagne) / Os Assassinos Estão Entre Nós (Portugal) / Mordercy są wśród nas (Pologne) / Morderne er blandt oss (Norvège) / Gli assassini sono tra noi (Italie) / A gyilkosok köztünk vannak (Hongrie) / Murhaaja keskuudessamme (Finlande) / Los asesinos están entre nosotros (Argentine)
  • Autres acteurs : Elly Burgmer, Erna Sellmer, Hilde Adolphi, Marlise Ludwig, Ursula Krieg, Albert Johannes, Wolfgang Dohnberg, Ernst Stahl-Nachbaur
  • Scénaristes : Fritz Staudte, Wolfgang Staudte, Eberhard Keindorff, Johanna Sibelius
  • Monteur : Hans Heinrich
  • Directeurs de la photographie : Friedl Behn-Grund, Eugen Klagemann
  • Compositeur : Ernst Roters
  • Chefs maquilleurs : Fritz Havenstein, Otto Wustrack
  • Chefs décorateurs : Otto Hunte, Bruno Monden, Alfred Schulz
  • Directeur artistique : -
  • Producteur : Herbert Uhlich
  • Producteurs exécutifs :
  • Sociétés de production : Deutsche Film (DEFA)
  • Distributeur : Jeannic Films
  • Distributeur reprise :
  • Date de sortie reprise :
  • Editeur vidéo : -
  • Date de sortie vidéo : -
  • Budget :
  • Box-office France / Paris-Périphérie : 761 513 entrées / 178 415 entrées
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 1.37 : 1 / Noir et Blanc / Son : Mono
  • Festivals : Festival de Venise 1947 : en sélection officielle
  • Nominations :
  • Récompenses :
  • Illustrateur/Création graphique : © René Ravo (affiche). Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : © Deutsche Film (DEFA). Tous droits réservés / All rights reserved
  • Attachés de presse :
  • Tagline : 1939-1948 : 9 ans après
  • Franchise :
Note des spectateurs :

Premier film tourné en Allemagne après la Seconde Guerre mondiale, Les assassins sont parmi nous respire la mauvaise conscience vis-à-vis des crimes nazis, le tout baignant dans une ambiance sombre et expressionniste.

Synopsis : Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Suzanne Wallner retourne chez elle à Berlin. Elle vient de passer plusieurs années dans un camp de concentration. Arrivée dans son appartement, elle découvre qu’un homme y habite déjà. Il s’agit du docteur Hans, devenu dépressif et alcoolique à cause de la guerre. Peu à peu, va s’instaurer entre ces deux êtres blessés une relation amoureuse.

Le premier film allemand de l’après-guerre

Critique : Les assassins sont parmi nous (1946), tourné dans l’immédiat après-guerre en plein cœur de Berlin est remarquable à plus d’un titre. Tout d’abord, il s’agit du tout premier film allemand réalisé après l’effondrement du IIIème Reich, et de la première production de la jeune compagnie DEFA (Deutsche Film) qui deviendra l’unique structure de production du cinéma est-allemand sous influence soviétique. Cette première œuvre a d’ailleurs été tournée en collaboration avec l’occupant soviétique, le scénario étant passé par une commission de contrôle ayant demandé d’en modifier la fin pour qu’elle soit plus positive.

Aux commandes, on retrouve un réalisateur qui n’est pas totalement un inconnu puisque Wolfgang Staudte a fait ses armes dans l’Allemagne des années 30 en tant qu’acteur. On le retrouve notamment au générique du Juif Süss (Veit Harlan, 1940), le fameux brûlot antisémite initié par Goebbels. Il est d’ailleurs devenu réalisateur durant la période nazie, sans toutefois se compromettre avec le régime. De quoi lui assurer du travail dans l’Allemagne de la reconstruction, l’homme tournant d’ailleurs aussi bien en RDA qu’en RFA. Sous l’égide des Soviétiques, il fait de cette première œuvre vraiment importante un manifeste antinazi qui bouleverse encore aujourd’hui par son vibrant humanisme.

Un malaise et une culpabilité bien palpables

Certes, les férus d’histoire pourront parfois ironiser sur le traitement un peu léger qui est réservé au personnage féminin. Effectivement, celle-ci sort tout juste de plusieurs années d’internement dans un camp de concentration et se présente sous des atours charmants, n’ayant visiblement pas beaucoup souffert de la faim et des mauvais traitements infligés aux prisonniers. On sent bien ici un embarras quant au traitement de cette réalité que l’on refuse encore de regarder en face. Mais cela peut aisément se comprendre quand l’on sait que le tournage suit de très près la fin du conflit.

La caractérisation du personnage du docteur, ancien militaire qui souffre d’avoir obéi aux ordres de ses supérieurs, des nazis fanatiques, est nettement plus intéressante et laisse percevoir le malaise d’un peuple se sentant coupable d’une faute ignoble qui restera comme une tache indélébile. D’ailleurs, tourné au beau milieu des ruines de Berlin, le long-métrage possède une tonalité sombre qui laisse percer le désespoir de la défaite. La fin peut d’ailleurs paraître un brin idéaliste, mais elle bouleverse par son humanisme et sa volonté de faire la paix après tant d’horreur. Elle synthétise tout à la fois les tentatives de la future Allemagne d’Adenauer de pacifier la société et de panser les plaies d’un pays meurtri et la volonté de l’occupant soviétique de dénoncer les crimes nazis.

Un retour à l’expressionnisme d’avant-guerre

Esthétiquement, l’œuvre de Wolfgang Staudte est également intéressante car elle se pose comme un opus transitionnel réalisant la synthèse entre le cinéma allemand d’avant et d’après-guerre. Staudte ne s’inscrit nullement dans le néo-réalisme cher à Roberto Rossellini à la même époque dans son Allemagne année zéro (1948). Au contraire, il compose ses plans de manière minutieuse et cherche à retrouver les fulgurances de l’expressionnisme allemand des années 20. Avec ses cadrages biscornus et penchés, ses gros plans sur les visages et ses décors plus grands que nature, Staudte paye son tribut aux œuvres de Fritz Lang dont il copie les éclairages en clair-obscur.

Toutefois, Les assassins sont parmi nous n’est pas toujours exempt d’une certaine raideur car le cadre prime toujours sur le mouvement. Le cinéaste n’aime guère les travellings et autres panoramiques et privilégie les plans courts, initiant ainsi un style qui deviendra malheureusement celui du cinéma allemand des années 50, globalement empesé et statique. Pas de quoi éconduire le spectateur sur ce film-ci, mais cela s’est ressenti encore davantage dans les œuvres suivantes d’un réalisateur qui n’a livré que deux autres essais majeurs (J’ai trahi Hitler en 1949 et Pour le roi de Prusse en 1951) avant de se conformer au moule des productions standards de l’époque (L’histoire du petit Muck, 1953, par ailleurs fort agréable).

Ayant connu un succès absolument incroyable en Allemagne (plus de 5 millions d’entrées), Les assassins sont parmi nous est même sorti en France en recevant un accueil chaleureux de la part des 761 513 spectateurs désireux de découvrir des images d’un Berlin ravagé. Si le long-métrage n’est clairement pas un chef d’œuvre, il n’en demeure pas moins une œuvre forte qui a révélé le talent d’Hildegard Knef.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 16 juin 1948

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Les assassins sont parmi nous, l'affiche

© 1946 Deutsche Film (DEFA) / Affiche : René Ravo. Tous droits réservés.

Biographies +

Wolfgang Staudte, Hildegard Knef, Wilhelm Borchert, Arno Paulsen

Mots clés

Cinéma allemand, Les nazis au cinéma, Les camps de concentration, La Shoah au cinéma, Berlin au cinéma

 

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