Même si cette production ressemble beaucoup à un film Hammer, Le sang du vampire n’est pas né sous cette bonne étoile. Peu importe au vu de la réussite du film, notamment grâce à une esthétique gothique chatoyante.
Synopsis : Transylvanie, 1874. Des villageois exécutent sauvagement un homme accusé de vampirisme. Un scientifique parvient à le ressusciter grâce à une transplantation du cœur. Quelques années plus tard, on le retrouve à la tête d’un asile d’aliénés implanté dans une forteresse. Dénommé à présent Callistratus, il expérimente des transfusions sanguines sur ses patients.
Un démarquage habile de la Hammer
Critique : En 1956, la maison de production Hammer met en chantier Frankenstein s’est échappé (Terence Fisher), énorme succès qui impose sur la scène internationale le cinéma gothique britannique. Face à ce triomphe inattendu, le studio a exploité le genre et lancé une mode qui allait déferler sur l’Europe entière. Toutefois, la Hammer a rapidement été concurrencée par d’autres producteurs désireux de profiter de cette manne juteuse.
Parmi eux, l’on trouve notamment Robert S. Baker et Monty Berman (et leur société Tempean Films) qui montent Le sang du vampire afin de surfer sur la vague initiée par Le cauchemar de Dracula (1958). Afin de s’assurer une parfaite ressemblance avec les œuvres de la Hammer, ils engagent le jeune scénariste Jimmy Sangster qui est à l’origine de ce revival de l’épouvante gothique. Ce dernier fait preuve d’une belle imagination en détournant les thèmes classiques du savant fou et du vampirisme pour les renouveler de l’intérieur. Largement inspirée par les théories positivistes de la fin du 19ème siècle, cette histoire de savant fou se fonde sur des connaissances scientifiques, certes fantaisistes, mais qui tentent de donner une assise logique aux agissements du personnage principal. C’est cet aspect qui est de loin le plus intéressant.
Un festival de couleurs
Ainsi, il n’est pas vraiment question ici d’un véritable vampire, mais bien d’un savant qui effectue des transfusions sanguines afin de se guérir d’une sorte d’hémophilie. Pour autant, le cadre balkanique est respecté – même si intégralement tourné en studio en Angleterre – et le caractère gothique des images et l’expressionnisme de la musique nous plongent bien dans une ambiance typique du film vampirique.
Malheureusement, la réalisation de ce pur film d’exploitation a été confiée à Henry Cass, auteur depuis les années 40 de films de commande sans saveur. Il s’appuie ici sur le talent de son directeur de la photographie et sur celui des créateurs de toiles peintes pour livrer quelques belles scènes macabres – on adore particulièrement le pré-générique dans le cimetière – et fait confiance à ses acteurs pour compenser la faiblesse de sa réalisation.
Une réalisation un peu trop sage
Doté de décors superbes, Le sang du vampire a d’ailleurs fait forte impression lors de sa sortie au point d’être un très gros succès. Il le doit en partie à ses acteurs, dont l’excellent Donald Wolfit en mode cabotinage à la Bela Lugosi et la très jolie Barbara Shelley, mais aussi à ses débordements graphiques appréciables (qui ont sans doute choqué à l’époque, mais qui paraissent bien anodins aujourd’hui).
A revoir de nos jours, Le sang du vampire souffre sans doute du manque d’imagination de son metteur en scène, simple illustrateur d’un scénario qui méritait plus d’égards. Cette mollesse d’exécution se répercute sur le rythme un brin chaotique d’un film qui alterne les pics de tension avec des tunnels dialogués peu palpitants. Sans être un chef d’œuvre du genre, cette série B mérite sans aucun doute son statut de film culte et doit être replacé dans son contexte pour que le spectateur contemporain comprenne le choc qu’il a pu engendrer lors de sa sortie.
Le sang du vampire, un joli succès
Le sang du vampire a connu un joli succès dès sa première exploitation en France. A Paris, en première semaine, il atteint le top 7, avec 21 898 entrées dans 3 cinémas, le Festival, le Scarlett, et évidemment, le Midi-Minuit. En deuxième semaine, il perd toutefois 50% de sa fréquentation, avec 10 800 spectateurs, pour un total de 32 698 spectateurs. Il est alors retiré de salle pour laisser sa place à un autre programme du cinéma de genre, La nuit de tous les mystères.
Cette production est devenu un film culte pour tous les lecteurs de la revue Midi-Minuit Fantastique qui l’évoque en des termes élogieux dès son tout premier numéro de mai-juin 1962. Ainsi, Michel Nuridsany écrit à propos du long-métrage :
Le sang du vampire est une somptueuse symphonie en rouge, en or et noir où le rouge du sang et du verre de Venise se mêle au noir des vêtements et des tentures. Mais là encore, la mise en scène trop pourléchée nuit un peu à un film qui aurait pu être très supérieur à ce qu’il demeure : un excellent film.
On ne peut que souscrire à cet avis éclairé qui a surtout eu le grand mérite d’attirer l’attention vers un film plutôt rare et dénigré par la critique traditionnelle. Par la suite, le film est paru en VHS chez l’éditeur Fil à Film dans une copie assez médiocre. Il a fallu attendre les années 2010 pour que l’éditeur Artus parvienne à le sortir en DVD. Pourtant, ce n’est qu’avec la réédition de 2021 en Mediabook que l’éditeur a pu proposer la copie restaurée la plus complète à ce jour.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 27 avril 1960
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Biographies +
Henry Cass, Barbara Shelley, Donald Wolfit, Vincent Ball, Victor Maddern
Mots clés
Les savants fous au cinéma, Film de vampire, Exploitation britannique