Le procès de l’herboriste : la critique du film (2021)

Drame, Historique, Biopic | 1h58min
Note de la rédaction :
7/10
7
Le procès de l'herboriste, l'affiche

  • Réalisateur : Agnieszka Holland
  • Acteurs : Ivan Trojan, Juraj Loj, Josef Trojan
  • Date de sortie: 30 Juin 2021
  • Nationalité : Tchèque, Polonais, Slovaque, Irlandais
  • Titre original : Sarlatán
  • Titres alternatifs : Charlatan (titre international) / Charlatán (Espagne) / Charlatão (Portugal) / Szarlatan (Pologne) / Charlatan - Il potere dell'erborista (Italie) / El charlatán (Colombie) / O Charlatão (Brésil)
  • Année de production : 2020
  • Scénariste(s) : Marek Epstein d'après une idée de Martin Šulc
  • Directeur de la photographie : Martin Štrba
  • Compositeur : Antoni Lazarkiewicz
  • Société(s) de production : Marlene Film Production, Film and Music Entertainment (IRE), Madants, Studio Metrage, Moderator Inwestycje, Furia Film, Czech Television, Barrandov Studios, Polski Instytut Sztuki Filmowej
  • Distributeur : KMBO
  • Éditeur(s) vidéo : KMBO (DVD)
  • Date de sortie vidéo : 5 octobre 2021
  • Box-office France / Paris-périphérie : 32 361 entrées / 12 861 entrées
  • Box-office nord-américain : -
  • Budget : -
  • Rentabilité : -
  • Classification : Tous publics avec avertissement. La commission propose une autorisation pour tous publics assortie de l'avertissement suivant : "Certaines scènes violentes sont susceptibles de heurter un jeune public".
  • Formats : 1.85 : 1 / Couleurs / Son : 5.1
  • Festivals et récompenses : Festival de Berlin 2020 : Sélection / Czech Lions 2021 : 5 récompenses pour Meilleur film, Meilleure réalisatrice, meilleur acteur pour Ivan Trojan, meilleure photographie et meilleur son / Polish Film Awards 2021 : 9 nominations et une récompense pour les meilleurs costumes.
  • Illustrateur / Création graphique : Les Aliens.com
  • Crédits : Marlene Film Production
Note des spectateurs :

Biopic intéressant, Le procès de l’herboriste prend de grandes libertés avec l’Histoire, mais offre un portrait ambigu d’un homme complexe. A découvrir.

Synopsis : Dès son plus jeune âge, Jan Mikolášek se passionne pour les plantes et leurs vertus médicinales. Il devient l’un des plus grands guérisseurs de son époque. Dans la tourmente de la guerre et des crises du XXe siècle, il consacre sa vie à soigner sans distinction les riches comme les pauvres, les Allemands nazis sous l’Occupation comme les fonctionnaires communistes d’après-guerre. Sa popularité finira par irriter les pouvoirs politiques. Accusé de charlatanisme, Mikolášek doit alors prouver le bien-fondé de sa science lors de son procès.

Agnieszka Holland revient une fois de plus au biopic historique

Critique : Avec Le procès de l’herboriste (2020), on retrouve ici des thématiques chères à la réalisatrice polonaise Agnieszka Holland puisque celle-ci a pris pour habitude de confronter des individus singuliers à la grande Histoire. Elle a procédé de cette manière à plusieurs reprises depuis Le complot (1988) sur l’assassinat du père Jerzy Popieluszko avec Christophe Lambert, mais aussi dans Europa Europa (1990) qui suivait l’histoire vraie d’un juif dissimulé au cœur des Jeunesses hitlériennes. Et que dire encore de cette histoire folle de juifs rescapés en vivant dans des égouts (Sous la ville, 2011) ou de la vie du photographe Gareth Jones qui a couvert l’horreur de l’Holodomor (L’ombre de Staline, 2019) ?

Pas étonnant donc que la cinéaste se soit intéressée au destin hors norme du guérisseur tchèque Jan Mikolášek (1889-1973) avec Le procès de l’herboriste, sur un scénario de Marek Epstein. Toutefois, ce dernier a pris de nombreuses libertés avec la grande Histoire afin de livrer une œuvre plus intéressante sur le plan dramatique. Si la vie générale du guérisseur est en grande partie respectée, rien n’indique qu’il a bien été homosexuel. Mais le plus grand écart avec la vérité historique vient de l’invention du procès pour empoisonnement qui aurait été entièrement commandité par le pouvoir en place. En réalité, l’homme a surtout été poursuivi pour fraude fiscale et, justement, le film reste extrêmement vague sur l’origine de la fortune de l’herboriste.

Le procès de l’herboriste ou le portrait d’un homme insaisissable

Ainsi, on ne comprend jamais vraiment s’il fait payer cher ses services ou s’il est un bon samaritain car le script n’évoque quasiment jamais la question de l’argent. Son train de vie luxueux laisse toutefois supposer un apport financier conséquent. Ce n’est pas vraiment ce qui intéresse la réalisatrice, surtout soucieuse de mettre en avant le talent de guérisseur d’un homme qui soigne les maux par les plantes. Comme à son habitude, elle préfère vanter les mérites d’un homme exceptionnel qui est finalement brimé par le pouvoir en place, en l’occurrence les communistes. Heureusement, son portrait ne tombe pas dans l’hagiographie, loin de là.

Effectivement, le guérisseur apparaît également comme un monstre d’insensibilité avec son entourage. Il n’y a guère qu’avec son amant – très bon Juraj Loj – qu’il se révèle plus tendre. Cela ne lui enlève pas une ambiguïté qui se manifeste par sa volonté de soigner tous les dignitaires quels qu’ils soient. Au service des nazis – il a soigné le ministre d’Hitler Martin Bormann – puis du pouvoir stalinien tchèque – il aurait sauvé la jambe du président Antonín Zápotocký – Mikolášek fait sien le serment d’Hippocrate en guérissant tout le monde, mais cela lui a offert l’opportunité de faire fortune et de se concilier les différentes dictatures en place. Autant d’éléments qui ne sont pas développés dans le long-métrage, mais que la réalisatrice est parvenue à signifier à travers quelques séquences fortes comme le massacre des chatons et quelques accès de violence de cet être torturé et ambigu magnifiquement interprété par le grand Ivan Trojan.

Une fluidité narrative remarquable grâce à un montage brillant

Echappant à l’académisme du biopic en explosant la temporalité, Agnieszka Holland a joué de manière magistrale avec les flashbacks. Ainsi, le film est d’une incroyable fluidité et ne fait jamais sentir sa durée de deux heures. Elle a également eu l’excellente idée de confier au propre fils d’Ivan Trojan, le jeune Josef Trojan, l’incarnation de son personnage durant sa jeunesse. La ressemblance physique est impressionnante et crédibilise ainsi les sauts dans le temps. La réalisatrice démontre que le jeune homme a surtout été marqué par la Première Guerre mondiale et son cortège de violence, ce qui accentue sa croyance en son don de guérison qu’il pense émaner de Dieu. Cette religiosité entre pourtant en conflit avec son homosexualité.

Ainsi, Le procès de l’herboriste ne respecte sans doute pas pleinement la réalité historique, mais il offre un portrait très nuancé d’un homme pétri de contradictions, dont on se demande s’il s’agit d’un monstre d’égocentrisme ou au contraire d’un altruiste forcené. Agnieszka Holland a le grand mérite de ne pas trancher et de laisser le spectateur décider. Cela fait du film une œuvre parfois malaisante, mais qui ne prend pas le spectateur pour un imbécile en lui mâchant le travail d’analyse.

Un beau succès tchèque, mais une sortie sans éclat en France

Sélectionné au Festival de Berlin 2020, Le procès de l’herboriste a également gagné 5 Lions Tchèques (l’équivalent local de nos César) en 2021, dont celui du meilleur film, de la meilleure réalisatrice et du meilleur acteur pour Ivan Trojan. Ce beau succès a valu au film une sortie française le 30 juin 2021, facilitée a priori par la Fête du cinéma qui se déroule à partir de ce jour.

Pourtant, le film d’Agnieszka Holland n’en a pas profité puisque le long-métrage a dû se contenter de 2 320 entrées dans 88 cinémas le premier jour de sa sortie sur la France entière. Malgré sa qualité, le film a souffert du désintérêt des cinéphiles pointus pour les salles depuis la fin de la crise sanitaire. Ainsi, ils n’ont été que 32 361 curieux sur l’ensemble de la France, dont 12 861 Parisiens. Une sacrée déception, même si le film ne bénéficiait pas d’une grande renommée dans nos contrées, l’herboriste en question étant totalement inconnu des Français. Depuis, son distributeur et éditeur KMBO a diffusé le long-métrage en DVD, obligeant ceux qui veulent découvrir le film en HD à se reporter sur la VOD.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 30 juin 2021

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Le procès de l'herboriste, l'affiche

: © 2020 Marlene Film Production – Film and Music Entertainment (IRE) – Madants -Studio Metrage – Moderator Inwestycje – Furia Film – Czech Television – Barrandov Studios – Polski Instytut Sztuki Filmowej / Affiche : Les Aliens.com. Tous droits réservés.

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Agnieszka Holland, Ivan Trojan, Juraj Loj, Josef Trojan

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Le procès de l'herboriste, l'affiche

Bande-annonce de Le procès de l'herboriste (VOstf)

Drame, Historique, Biopic

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