Si Le pistolero de Tombstone ne cède pas aux sirènes de la comédie, il s’avère caractéristique de la décadence du genre au début des années 70. Sabordé par un budget indécent et un manque de passion patent, son visionnage s’avère assez pénible.
Synopsis : Seul survivant d’une attaque de diligence, le shériff Dakota est accusé de collusion avec les bandits et condamné aux travaux forcés. Son frère le sort très vite de prison afin de se venger du vrai coupable.
Critique : En 1971, Edoardo Mulargia signe ses deux derniers westerns, le sympathique Viva Django ! et ce Pistolero de Tombstone. Malheureusement, le réalisateur semble clairement avoir délaissé le second au profit du premier. Si la scène d’ouverture, particulièrement soignée avec ses effets d’incrustation et son agréable musique, peuvent brièvement faire illusion, le spectateur se rendra bien vite compte qu’il y a anguille sous roche. En effet, cette séquence s’étire sur une dizaine de minutes, alors que le film n’en compte que soixante-dix-neuf. Tout cela n’annonce rien de bon en ce qui a trait à l’intérêt du scénario.
Le pistolero de Tombstone souffre d’un scénario mal agencé
En effet, le métrage souffre d’un script en tout point bancal, qui peine à susciter l’implication du spectateur. De plus, une multitude de scènes inutiles sont étirées ad nauseam, à l’image de l’attaque de diligence du générique. Pire encore, Mulargia singe parfois maladroitement Leone au cours de ces scènes de remplissage. A titre d’exemple, il essaie de créer un effet de suspense lors de la scène d’attente précédant le braquage de la banque. Malheureusement, celle-ci tombe à plat, la faute à un recyclage éhonté des mêmes plans qui tournent en boucle. A noter toutefois que l’on retrouve l’image du pistolero nonchalamment assis, réminiscence d’El Puro, la rançon est pour toi , qui devient ainsi un motif récurrent chez Mulargia.
Néanmoins, le principal problème du scénario réside dans son absence de continuité. En effet, on aura bien vite l’impression de se trouver face à un collage de scènes obligatoires dans un western, sans qu’il n’y ait de vrai lien entre elles. Cela n’a rien d’étonnant, puisque Mario Giusti précise dans son Dizionario del western all’italiana que le script fut bâti autour d’idées provenant de projets abandonnés mises bout à bout.
Un film « alimentaire »
En sus de ce scénario rapiécé, le film souffre d’une réalisation exécutée sans grande passion. Les zooms hasardeux sont légion, et les scènes d’action bien molles. Certes, Mulargia a le mérite de faire beaucoup avec le peu de moyens mis à sa disposition. Reste que la mise en scène saborde certains passages cruciaux, tels que la mort d’un personnage important aux yeux du héros, ou le duel de fin, expédiés de manière incompréhensible. Le réalisateur redoute-t-il le manque d’expressivité de son acteur principal ?
Par-dessus le marché, Le pistolero de Tombstone ne bénéficie pas d’un casting très convaincant. Les acteurs sont très moyens ; certes, leur jeu ne prête pas à sourire mais ils peinent à insuffler ne serait-ce qu’une once de charisme dans leurs personnages. A leur décharge, les acteurs n’ont pas grand-chose à jouer au vu de l’absence de profondeur du script. Tony Kendall peine à convaincre en tant que héros de western, et ses mèches blondes n’aident pas à le rendre crédible. Le comble est qu’il se fait voler la vedette par un personnage secondaire. Alvarez, l’homme de main de l’antagoniste, interprété par Dino Strano, a, de fait, un peu plus de prestance à l’écran. Quand les second couteaux font de l’ombre aux têtes d’affiche…
Le pistolero de Tombstone, un film fait de bric et de broc
Enfin, il ne faudra pas compter sur les décors pour relever le niveau, puisque le tout a été tourné dans le Lazio. On ne croit donc pas une seule seconde à ce que l’on voit, même si la photographie d’Antonio Modica est riche en beaux éclairages. Et si les costumes sont plutôt crédibles pour une production si peu ambitieuse, les multiples plans sur les mêmes bâtiments d’un village fait de bric et de broc brisent toute illusion. Certains thèmes musicaux auraient pu réhabiliter le film, mais ces derniers proviennent d’un précédent film coréalisé par Mulargia, Creuse ta fosse, j’aurai ta peau. Est-ce pour cela que les deux films partagent parfois le même titre au fil des distributions ?
En définitive, Le pistolero de Tombstone est un film bancal, aux intentions purement pécuniaires, dont le visionnage pourra se révéler laborieux. A moins d’avoir une nostalgie particulière pour cette époque et un faible pour les productions artisanales à la Demofilo Fidani, il convient d’éviter ce film qui ne fait pas honneur au talent de son réalisateur.
Critique : Kevin Martinez