Drame personnel touchant, Le lycéen est sans aucun doute l’un des meilleurs films de son auteur, magnifié par l’interprétation générale d’un casting au top.

Synopsis : Lucas a 17 ans quand soudain son adolescence vole en éclats. Avec l’aide de son frère, monté à Paris, et de sa mère, avec qui il vit désormais seul, il va devoir lutter pour apprendre à espérer et aimer de nouveau.

Le lycéen, un autre film de la maturité pour Christophe Honoré

Critique : Depuis 2018 et le coup d’éclat que représente le magnifique Plaire, aimer et courir vite, le cinéaste Christophe Honoré fait preuve d’une très belle maturité en livrant des œuvres de plus en plus personnelles, et donc de plus en plus débarrassée de certains tics de mise en scène ou de références trop explicites. On a également pu admirer son travail sur l’excellent Chambre 212 (2019), tandis que Guermantes (2021) paraissait un peu plus récréatif. Avec Le lycéen (2022), Honoré décide cette fois d’assumer pleinement le caractère autobiographique de son inspiration en évoquant la mort prématurée de son père alors qu’il n’était qu’adolescent.

Si ce drame a bien entendu infusé dans l’ensemble de son œuvre précédente, il fallait bien le recul de l’âge pour traiter de manière sensible un sujet aussi personnel. Pour cela, il était indispensable d’avoir recours à une écriture qui assume à la fois le caractère mélodramatique du sujet, tout en embrassant les contradictions propres à cet âge tourmenté de la vie. Ainsi, Le lycéen alterne sans cesse des moments de profond abattement qui passe même par une terrible tentative de suicide, mais aussi des passages plus joyeux, voire légers. Cela est renforcé par l’emploi d’une bande-son curieusement dynamique (Electricity d’Orchestral Manoeuvre in the Dark ou encore Johnny and Mary de Robert Palmer).

Une œuvre maîtrisée qui évite le piège du pathos

Alors que le pathos menaçait de s’imposer au fil d’une première partie entièrement consacrée à la disparition du père – très juste Christophe Honoré qui prend donc ici la place de son propre géniteur – les grands moments de tension qui s’intercalent sans cesse afin de montrer les réactions différentes de chacun face au drame sauvent le film de ce piège. Ainsi, point de trêve entre les membres de cette famille qui s’aiment indéniablement, mais dont les personnalités différentes s’entrechoquent. D’un côté Juliette Binoche joue la mère protectrice, mais intérieurement ravagée, avec beaucoup de pudeur, Vincent Lacoste fait un grand frère indépendant qui peut avoir des réactions très violentes, tandis que le jeune lycéen interprété par Paul Kircher est tout d’abord dans un état de sidération, avant de sombrer peu à peu dans la dépression.

© 2022 Les Films Pelléas / Photographie de Jean Louis Fernandez. Tous droits réservés.

L’échappée parisienne qui suit, alors que les deux frangins décident de cohabiter durant deux semaines pour se changer les idées, permet d’alléger fortement la tension du début. Non que l’ensemble soit franchement joyeux, puisque les relations entre les deux frères sont loin d’être apaisées, mais le charme de la capitale – toujours sublimée par un Christophe Honoré amoureux de la ville-lumière – agit sur les personnages. Le réalisateur aborde l’homosexualité de son protagoniste principal avec une belle franchise par des séquences sensuelles où, tout à coup, l’adolescent n’est plus seulement un être pensant, mais aussi fait de chair et de désirs. On saluera d’ailleurs au passage l’implication sans faille du jeune Paul Kircher dans des séquences, certes très chorégraphiées, mais également d’une intimité troublante.

De très bons acteurs, parfaitement dirigés

A un moment, le métrage frôle le sordide avec une séquence de sexe tarifée où le spectateur craint le pire. Christophe Honoré s’en sort par une pirouette habile qui évite l’écueil de trop charger la barque. Enfin, la dernière partie plonge totalement dans le drame de la dépression, et cette fois, c’est le personnage de la mère qui prend le relais de la narration pour mieux bouleverser le spectateur, et ceci même si la fin n’est aucunement pessimiste. Juliette Binoche est toujours capable de nous tirer des larmes en un seul regard. La marque des grandes, assurément.

Au cœur de ce drame personnel intense, Christophe Honoré n’en oublie pas pour autant de faire du cinéma. Il propose ici une réalisation caméra à l’épaule, afin de suivre au plus près ses comédiens. Il ne peut s’empêcher d’avoir recours à quelques tics typiques d’un certain cinéma d’auteur – les témoignages face caméra et la voix off – mais cela s’inscrit davantage dans un flux de pensée que dans une volonté de suppléer aux manques des images ou du script.

Des récompenses à l’international, mais une seule nomination aux César

Travaillant parfois la couleur et les sons, notamment pour signifier le détachement par rapport à la réalité lorsqu’un être sombre dans la dépression, Christophe Honoré aborde donc avec pudeur et une certaine sobriété un sujet ô combien délicat. Il le fait en adéquation parfaite avec l’ensemble de son casting et livre ainsi un très beau drame intimiste qui le place définitivement au niveau des plus grands cinéastes français.

Justement récompensé par un Prix d’interprétation pour Paul Kircher au Festival de Saint-Sébastien en 2022, on peut trouver une fois de plus sévère l’unique nomination du film aux César 2023 pour le même acteur qui, de plus, n’a pas été le lauréat du prix. Comme nous l’avons signalé dans un édito précédent, l’Académie des César a une fois de plus été incapable de récompenser le cinéma français ambitieux. Avec seulement 76 751 spectateurs sur toute la France, Le lycéen n’a pas réuni grand monde dans sa cour de récréation. Il est donc temps de se rattraper avec son édition DVD, blu-ray ou encore en VOD.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 30 novembre 2022

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Affiche : Troïka © Memento Distribution

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Juliette Binoche, Christophe Honoré, Vincent Lacoste, Paul Kircher, Erwan Kepoa Falé

Mots clés

La famille au cinéma, Le deuil au cinéma, Les relations entre frères au cinéma, Les relations mère-fils au cinéma, Le suicide au cinéma