Guermantes est une comédie pétillante qui dépoussière la vision quelque peu austère que l’on peut avoir de cette vieille dame qu’est la Comédie Française.
Synopsis : Paris, été 2020. Une troupe répète une pièce d’après Marcel Proust. Quand on leur annonce soudain que le spectacle est annulé, ils choisissent de continuer à jouer malgré tout, pour la beauté, la douceur et le plaisir de rester ensemble
Christophe Honoré, entre fiction et documentaire
Critique : En juin 2020, Christophe Honoré incite les membres de la troupe de la Comédie-Française à se préparer à reprendre les répétitions d’un spectacle interrompu par le premier confinement. Mais peu de temps après, face à la pandémie qui menace toujours, le comité de cette vénérable institution décide l’annulation de toutes les représentations publiques. Un débat démocratique s’instaure au sein de la troupe de comédiens, chacun développant ses arguments de manière étayée et constructive.
Les uns, découragés et déçus, entendent quitter le théâtre au plus vite, les autres souhaitent continuer les répétitions. Le metteur en scène, péremptoire, explique avec des mots élégamment choisis qu’il n’entend pas se laisser priver de ce plaisir de création par un virus. Est alors prise la décision unanime de réaliser un film pour raconter cette expérience inédite. Son titre en est Guermantes, en référence au lieu d’origine d’une des familles d’A la recherche du temps perdu de Marcel Proust.
Chambre 212, le dernier film de Christophe Honoré nous plongeait dans un huis clos conjugal plein de rythme et de fantaisie. Avec la même ardeur, le réalisateur nous convie à une immersion dans ce beau théâtre Marigny, à deux pas des Champs-Élysées. La voix mélodieuse de Stéphane Varupenne qui entonne My Lady d’Arbanville de Cat Stevens nous ouvre le secret de répétitions abouties ou quelques fois plus hésitantes, sereines ou plus mouvementées. Des scènes qui constituent, dans tous les cas, un patchwork réussi de textes profonds et de dialogues légers, parsemé de quelques ritournelles jouées sur une guitare ou un vieux tourne-disques.
Pour l’amour de l’art et des beaux textes
Condamnée pour les besoins du tournage à cohabiter nuit et jour, cette joyeuse troupe de théâtreux qui s’amuse à brouiller les pistes entre réalité et fiction, prend des allures de colonie de vacances turbulente.
La vie en communauté, si elle n’exclut pas une promiscuité quelquefois dérangeante, autorise chacun à révéler avec plus ou moins de hardiesse quelques pans de sa vie jusque-là précieusement préservés. Un magnifique pique-nique organisé dans les jardins alentours est l’occasion de déclarations d’amour et d’amitié, de disputes, de règlements de compte, d’échanges de confidences, donnant lieu tout à la fois à un chaleureux élan de solidarité et à un feu d’artifice de textes brillants.
Une troupe d’acteurs formidable
Si les visages de Laurent Lafitte et même de la discrète et toujours passionnante Dominique Blanc nous sont familiers, l’empathie est immédiate avec la blonde et pétillante Elsa Lepoivre tout autant qu’avec la fragile Florence Viala. On est emporté par l’enthousiasme communicatif de Sébastien Pouderoux. On s’émeut face aux interrogations de Serge Bagdassarian ou d’Eric Genovèse et quand la dernière image s’efface sur l’écran, on se sent heureux d’avoir pu partager cette réjouissante tranche de vie avec tous ces personnages (réels ou fictifs) attachants.
J’ai l’espoir que parfois le cinéma peut se suffire de ça. Des acteurs, un lieu et quelques vêtements. Et le désir d’être ensemble et d’inventer quelque chose à traits rapides et libres s’interroge Christophe Honoré. Qu’il se rassure : l’objectif est parfaitement atteint.
Critique de Claudine Levanneur