D’une beauté formelle époustouflante, Le grand bleu est un joli trip poétique avait tout pour créer le phénomène générationnel qu’il est devenu. Le scénario, quant à lui, demeure décevant.
Synopsis : La rivalité de deux enfants, dans la mer, en Grèce, qui se poursuit lorsqu’ils sont adultes. Lequel des deux plongera le plus loin et le plus profond ? Leurs amours, leurs amitiés, avec les humains et avec les dauphins, à la poursuite d’un rêve inaccessible.
Critique : Après avoir rencontré son premier succès public avec le très urbain Subway, le jeune Luc Besson se lance dans un projet complètement fou : conter la vie étonnante de plongeurs en apnée dont le plus célèbre est Jacques Mayol. Malgré l’originalité de ce concept, Besson arrive à convaincre de nombreux investisseurs, dont des Américains et des Italiens, le tout sous la houlette de Gaumont. Ceci explique en partie son tournage en langue anglaise avec un casting international. Ainsi, Rosanna Arquette est la jeune vedette nécessaire pour la vente à l’étranger, tandis que Sergio Castellitto incarne alors la jeune génération montante en Italie.
Côté français, Luc Besson embarque dans l’aventure son ami Jean Reno et déniche le jeune franco-américain Jean-Marc Barr. Autant de personnalités qui vont connaître une soudaine notoriété grâce au triomphe de ce Grand bleu. Plus de 9 millions d’entrées rien qu’en France ont fait de ce joli film poétique un phénomène maintes fois analysé par des « spécialistes » et autres sociologues, souvent avec mépris.
Ce long métrage confirme en tout cas le fossé qui ne cesse alors de se creuser entre le public et la critique qui a unanimement boudé le trip de celui qu’on surnomma très vite « Bulle caisson ». L’accueil à Cannes fut particulièrement cinglant, ce qui a marqué pour longtemps le cinéaste. Autant de railleries qui doivent aujourd’hui être oubliées afin de juger plus objectivement ce troisième opus d’un réalisateur toujours aussi soucieux de la qualité formelle de ses films.
Tenant sur un ticket de métro, le scénario du Grand bleu n’est guère enthousiasmant et souffre d’un manque évident de psychologie. Pourtant, grâce à la magie de son impeccable casting, à la maestria de sa réalisation et à la beauté des images, l’œuvre nous emporte encore aujourd’hui dans un tourbillon de sensations fortes et de sentiments à la pureté revigorante.
Indéniablement naïve dans son propos, l’histoire peut se voir comme une rêverie poétique sur l’impossibilité de faire table rase du passé. Traumatisé par la mort de son père, le jeune Mayol (solaire Jean-Marc Barr) ne peut se résigner à une vie d’adulte conformiste et préfère l’idéalisme de la jeunesse éternelle. Le final, superbement poétique, invite à l’abandon et ne pouvait que toucher le jeune public. Souvent considéré comme un film pour adolescents, Le grand bleu correspond effectivement à merveille aux hésitations identitaires de cette période de l’existence.
A côté de cet aspect purement métaphorique, Besson inonde sa production de séquences humoristiques qui dynamisent un script anémique. Si certaines sont irrésistibles, d’autres font preuve d’une rare lourdeur. Ces quelques faux pas sont heureusement compensés par la sublime musique d’Eric Serra, un must incontournable de la bande originale de film. Planante, profonde et d’une redoutable efficacité, elle participe pleinement à la jubilation ressentie devant ce voyage initiatique qui a sans doute reçu un accueil trop dithyrambique de la part des ados de l’époque, mais que les critiques ont exagérément roulé dans la farine.
A noter qu’à la suite de la brillante première exploitation, le cinéaste a proposé dès le mois de janvier 1989 une version plus longue qui fait désormais autorité. Si elle ne corrige en rien les défauts de script, elle équilibre un peu mieux les séquences de plongée avec la vie extérieure. C’est généralement cette version longue qui est désormais proposé au visionnage.
Critique de Virgile Dumez
© 1988 Les Films du Loup – Gaumont / Illustration : Andrzej Malinowski. Tous droits réservés.