Oeuvre lyrique et viscérale centrée sur les personnages, Le dernier des salauds (Les Pistoleros de l’Ave Maria) vient confirmer que l’injustement sous-estimé Ferdinando Baldi est un réalisateur incontournable pour tout amateur de western italien.
Synopsis : Après des années d’errances, Rafael Garcia retrouve enfin son ami d’enfance Sebastian Carrasco, qui vit en reclus au milieu de nulle part . Il a des révélations cruciales à lui faire concernant sa sœur, sa mère et le meurtrier de son père.
Le dernier des salauds, un western cathartique
Critique : C’est en 1969, alors que le genre est sur le point d’amorcer son déclin, que Ferdinando Baldi signe Les Pistoleros de l’Ave Maria, sa cinquième incursion dans le western après des œuvres telles que Texas Adios, Django prépare ton cercueil et la comédie musicale T’as le bonjour de Trinita. Comme son titre ne l’indique pas, cet excellent film puise son inspiration non pas dans la religion chrétienne mais dans la culture classique , puisqu’il s’agit d’une relecture du mythe d’Oreste, évoqué entre autres par Eschyle ou Euripide. Il résulte de cette adaptation un scénario intéressant, au rythme soutenu grâce à un bon découpage de la trame qui ménage un certain suspense et à un recours approprié au flashback.
Les personnages sont, quand à eux, charismatiques, à la faveur d’acteurs inspirés (avec un bémol toutefois en ce qui concerne le travail de Leonard Mann, qui se révèle un peu trop inexpressif par moments).Ici, point de pistoleros taciturnes ou de chasseurs de prime cyniques ; nous avons affaire à des archétypes, qui ne sont pas monolithiques pour autant. C’est là une des grandes forces du dernier des salauds, -et des bons westerns italiens en général- puisque nous sommes face un récit universel, qui transcende les limites du genre pour délivrer une forme de catharsis à tout un chacun.
Une réalisation soignée
Baldi se montre aussi très ambitieux sur ce point et joue avec les couleurs et les mouvements de caméra pour offrir un spectacle impressionnant. L’usage du zoom et d’un montage très stylisé par moments viennent dynamiser les scènes d’action et renforcer les émotions ressenties par les protagonistes à l’écran. Baldi pousse à son paroxysme le maniérisme italien à l’heure de mettre en images un western, pour un résultat qui n’a sans doute pas dû laisser indifférents ses futurs confrères Quentin Tarantino ou Sam Raimi. Il serait impensable de ne pas mentionner la mise en scène très maîtrisée du duel final. En plus de mettre en évidence un budget plutôt conséquent, il est un modèle de tension émotionnelle et d’esthétisme.
Cerise sur le gâteau, le méconnu Roberto Pregadio nous gratifie d’une bande son magistrale dans la plus pure tradition “morriconienne”, mêlant des passages agressifs et entêtants à la guitare saturée à des envolées lyriques soutenues par des chœurs féminins très émouvants.
A l’heure ou la comédie pas toujours très subtile se faisait de plus en plus prégnante dans le genre, Baldi signe donc avec ce dernier des salauds un western poignant et ambitieux, véritable retour aux sources de la culture méditerranéenne avant de faire évoluer le genre dans une toute autre direction deux ans plus tard avec Blindman, le justicier aveugle.