Le colibri est une œuvre aux méandres tortueux dont les aspérités ressurgissent dans l’universel. Ce triomphe du cinéma italien s’est classé en 19e position annuelle, soit le 3e plus gros succès local, en 2021.
Synopsis : La vie de Marco Carrera, surnommé « le colibri », une existence faite d’amour absolu, de pertes et de coïncidences.
Cinéma italien, 2023
Critique : Marco Carrera est un ophtalmologiste réputé. S’il s’évertue à préserver la vue des autres, il n’a qu’une vision plutôt trouble de sa propre vie. Intègre à l’extrême, incapable dans un premier temps de sortir de son cadre, il regarde sa vie défiler à côté de lui, semblant n’avoir jamais de prise sur les événements qui la jalonnent. Son couple, ses relations familiales et amoureuses, et même son aventure extraconjugale qu’il veut platonique parce que le sexe, c’est le désordre, s’effilochent inéluctablement entraînant une succession d’échecs et même de drames. Jusqu’à ce qu’une partie de poker rebatte les cartes et lui ouvre de nouveaux horizons.
Marco, que sa mère a baptisé « le colibri » eu égard à sa petite taille et encore davantage à sa capacité à rester sur place, appartient à une famille aisée. Les premières images du film nous convient à partager, au cœur d’une belle villa, les vacances d’été d’un couple (Laura Morante et Sergio Albelli), accompagnés de leurs trois grands adolescents au début des années 70. Alors que les parents sortent, Giacomo noie son ennui dans l’alcool, Iréne, à la santé mentale fragile, écoute de la musique tandis que Marco retrouve Luisa, une jeune Française également courtisée par son frère. Mais cette nuit-là survient un drame qui bouleverse à tout jamais le destin de tous ces personnages et marque le point de départ d’une fresque familiale s’étalant sur trois générations avec pour point d’ancrage la personnalité aussi ambiguë qu’attachante de Marco à qui Pierfrancesco Favino prête avec justesse son élégance et sa sensibilité.
Le Colibri et sa leçon de vie
Détentrice de nombreux prix (cinq Prix David di Donatello et trois Nastri d’Argento), Francesca Archibugi a le don de trouver le parfait équilibre entre drame et comédie pour explorer avec un sens aigu de l’observation toute la complexité des sentiments humains à travers la sinuosité de la cellule familiale. En adaptant le roman éponyme de Sandro Veronesi et en conservant la construction volontairement désordonnée qui exige un temps d’adaptation de la part du spectateur, elle poursuit son analyse des liens qui unissent, envers et contre tout, les éléments de la famille Carrera. Se tenant loin de toute forme de misérabilisme, la réalisatrice s’appuie sur une mise en scène pudique et conjugue son histoire à tous les temps (passé, présent, futur) pour dresser le portrait gentiment désuet d’un homme qui, grâce à sa force intérieure et malgré une cicatrice incurable, s’efforce de garder une ligne de conduite faite de dignité et de résilience, en toutes circonstances. Si le cheminement est souvent escarpé, l’émotion est garantie. La coproduction franco-italienne bénéficie d’un casting de qualité aux tonalités diverses (Laura Morante et Nanni Moretti symbolisent la vigueur du cinéma italien des années 70, Bérénice Bejo et Pierfrancesco Favino font, depuis plusieurs années, les beaux jours de notre cinéma contemporain tandis que les acteurs les plus jeunes se sont fait connaître grâce à des séries télévisées) dont l’impeccable Nanni Moretti, merveilleux prédicateur de sagesse, est le maillon fort pour nous offrir un récit dont l’intensité ne faiblit pas.
Abordant avec une égale douceur des thèmes actuels comme la fin de vie ou le féminisme ou les sujets plus généraux des aléas du destin, cette saga finalement bien plus optimiste qu’elle n’en a l’air démontre sans fracas ni esbroufe que, malgré tous les obstacles qu’elle peut jeter sur votre chemin, la vie est belle.
Critique : Claudine Levanneur
Biographies +
Francesca Archibugi, Pierfrancesco Favino, Kasia Smutniak, Nanni Moretti Bérénice Bejo, Laura Morante, Valeria Cavalli
Sorties de la semaine du 2 août 2023
Le Colibri. Affiche : Jeff Maunoury pour Metanoïa. Tous droits réservés / All rights reserved © Les Films des Tournelles, Orange Studio, Fandango, Raï Cinéma. Tous droits réservés / All rights reserved