Le cheval de fer : la critique du film (1925)

Western, Historique | 2h35min
Note de la rédaction :
9/10
9
Le cheval de fer, jaquette dvd

  • Réalisateur : John Ford
  • Acteurs : George O’Brien, Madge Bellamy, Fred Kohler, Will Walling
  • Date de sortie: 04 Oct 1925
  • Année de production : 1924
  • Nationalité : Américain
  • Titre original : The Iron Horse
  • Titres alternatifs : Das eiserne Pferd (Allemagne) / Järnhästen (Suède) / El caballo de hierro (Espagne) / O Cavalo de Ferro (Portugal) / Żelazny koń (Pologne) / Jernhesten (Norvège) / Il cavallo d'acciaio (Italie) / A tűzparipa (Hongrie) / Ildhesten (Danemark) / Das Feuerross (Autriche)
  • Autres acteurs : Charles Edward Bull, Cyril Chadwick, Gladys Hulette, James Marcus, Francis Powers, J. Farrell MacDonald, James Welch, Jack O'Brien, Colin Chase, Walter Rogers, George Waggner, Jack Padjan, Charles O'Malley, Charles Newton, Delbert Mann
  • Scénariste : Charles Kenyon
  • D'après : une histoire de Charles Kenyon, John Russell
  • Intertitres : Charles Darnton
  • Directeur de la photographie : George Schneiderman
  • Compositeur : Erno Rapee (partition de 1924)
  • Directeurs artistiques : Frank Hotaling, James Basevi
  • Producteur : John Ford
  • Sociétés de production : Fox Film Corporation
  • Distributeur : Film inédit dans les salles françaises. La date ci-dessus est celle de la sortie américaine à grande échelle.
  • Distributeur reprise :
  • Date de sortie reprise :
  • Editeur vidéo : Sidonis Calysta (DVD, 2010) / Sidonis Calysta (blu-ray, 2016)
  • Dates de sortie vidéo : 13 avril 2010 (DVD) / 29 février 2016 (blu-ray)
  • Classification :
  • Formats : 1.33 : 1 / Noir et Blanc / Muet
  • Illustrateur/Création graphique : © Dark Star (jaquette DVD, 2010). Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : © 1924 Fox Film Corporation ; © 2010 Metro-Goldwyn-Mayer Studios Inc. Tous droits réservés / All rights reserved
Note des spectateurs :

Chef d’œuvre du western muet, Le cheval de fer est autant une grande épopée humaine qu’un film historique exigeant dans sa reconstitution impeccable. Du très grand cinéma, assurément.

Synopsis : Davy voit son père se faire assassiner sous ses yeux. Plusieurs années après, le meurtrier, devenu riche, essaie d’escroquer la Central Pacific, qui construit le chemin de fer. Lorsque Davy est engagé par la même Central Pacific, les deux hommes se retrouvent face à face. Dès lors, une lutte à mort commence dans laquelle Miriam, amie d’enfance de Davy, et les Indiens auront un rôle à jouer.

A l’origine, une concurrence entre la Paramount et la Fox

Critique : Alors que le genre du western est généralement associé à la série B durant les années 10 et le début des années 20, la firme Paramount décide de miser gros sur La caravane vers l’Ouest (James Cruze, 1923), première grosse superproduction westernienne de l’histoire du cinéma. Le but était d’évoquer l’existence des pionniers et le long métrage a obtenu un très bel écho dans les salles américaines. Dès lors, la Fox ne pouvait pas rester les bras croisés et son créateur William Fox a aussitôt décidé de mettre sur pied Le cheval de fer (1924) qui allait devoir marcher sur les plates-bandes du film Paramount en matière de séquences spectaculaires.

Pour évoquer cette page d’histoire américaine – à savoir la liaison ferroviaire entre l’Union Pacific et la Central Pacific en 1869 au cœur d’un territoire hostile – William Fox choisit Charles Kenyon, scénariste chevronné depuis maintenant une dizaine d’années, mais surtout le réalisateur John Ford. Si Le cheval de fer appartient bien au début de la carrière du cinéaste, il ne faut pas oublier qu’il s’agit tout de même de son 50ème film et qu’il a déjà prouvé à maintes reprises son talent – même si beaucoup de ses premières œuvres ont malheureusement disparu.

Un film sans grande vedette qui mise tout sur son caractère spectaculaire

Pour Le cheval de fer, le studio mise tout sur un budget imposant et une publicité qui vante les mérites d’une œuvre hors normes. Effectivement, la fresque n’est valorisée par aucune vedette identifiable par le grand public. John Ford a ainsi choisi de faire du cascadeur George O’Brien le héros de son film – et encore, il n’apparaît qu’après une heure de projection. Finalement, seule Madge Bellamy a déjà tenu le haut de l’affiche à cette époque. On comprend dès lors que Le cheval de fer est d’abord une entreprise collective entièrement fondée sur la maestria de la réalisation d’un John Ford qui va montrer à tous ce dont il est capable lorsqu’on lui en donne les moyens.

Le cheval de fer, affiche américaine

© 1924 Fox Film Corporation ; © 2010 Metro-Goldwyn-Mayer Studios Inc. All Rights Reserved.

Tourné dans des conditions extrêmes durant l’hiver rude du Nevada, Le cheval de fer réunit un nombre impressionnant de figurants dont près de 1000 Asiatiques et 800 Amérindiens. Car le but de John Ford est bien de livrer à la fois une œuvre divertissante, mais aussi la plus juste possible sur le plan historique. D’une grande précision, le métrage montre l’ampleur d’une entreprise folle réunissant un nombre considérable d’ouvriers venus de tous les horizons.

Le cheval de fer rend hommage aux travailleurs et aux migrants venus en renfort

Ainsi, il n’oublie pas d’évoquer l’emploi de la main d’œuvre venue d’Asie, mais aussi d’Europe – il parle forcément des Irlandais puisqu’il est lui-même issu de cette immigration. De même, au lieu de stigmatiser les Indiens, il démontre que certaines tribus furent bien hostiles au chemin de fer, comme les Cheyennes, mais que d’autres (les Pawnees) ont contribué à sécuriser les lieux et les ouvriers.

On adore également la description que fait John Ford de ces villes mouvantes qui suivent sans cesse l’évolution du chemin de fer, élaborant ainsi l’esprit pionnier typique de la culture américaine. D’ailleurs, précisons que le tournage du film a lui-même été accompagné par la construction ex-nihilo d’une ville destinée à accueillir tous les figurants, mais aussi à garder le bétail (la publicité de l’époque évoque 10 000 têtes de bétail et près de 1 000 chevaux, sans que l’on puisse vérifier ces chiffres astronomiques, et sans aucun doute gonflés artificiellement).

John Ford fait déjà preuve d’humanisme

Dans tous les cas, l’extrême richesse du budget se voit à chaque image de cette fresque historique qui se paye même le luxe d’utiliser des locomotives d’époque. Cependant, le carton précise qu’il s’agit des véritables trains ayant servi à relier les deux voies construites de chaque côté du territoire américain, ce qui est factuellement faux puisque les locomotives étaient déjà réduites en ferraille au moment du tournage. Là où John Ford marque des points et réalise un de ses premiers chefs d’œuvre, c’est qu’il n’oublie jamais de fonder son film sur des personnages à qui il donne une profondeur inattendue, parfois en une seule scène.

Son art humaniste apparaît par exemple lorsqu’il vient de filmer la mort d’un Indien parmi d’autres, mais qu’il s’attarde à montrer un petit chien qui vient s’installer près du corps de celui qui fut sans doute son maître. Dès ce moment, il n’y a plus de morts anonymes et indifférenciées, mais bien des êtres humains qui disparaissent et vont manquer à leurs proches. On retrouve ce même art lors de la scène inaugurale où le futur héros encore enfant assiste à la mort de son père par des faux Indiens – des Blancs déguisés afin de faire accuser les natifs.

Des acteurs parfaitement dirigés

Par la suite, quand il devient grand, le personnage principal incarné avec charisme par George O’Brien – qui allait briller quelques années plus tard dans le chef d’œuvre L’aurore de F.W. Murnau – n’aura de cesse de réaliser le rêve de son père, et, si possible, de le venger. Cela permet au cinéaste de créer un lien émotionnel direct entre l’histoire personnelle des protagonistes et la grande Histoire.

En tant qu’antagoniste, on saluera la performance de Fred Kohler, tandis que Madge Bellamy fait une petite amie tout à fait crédible, y compris lorsqu’elle harangue la foule des ouvriers pour les prier de reprendre le travail. Là aussi, John Ford fait preuve d’un beau progressisme en montrant l’influence de certaines femmes à fort caractère dans la progression des travaux, pourtant exclusivement réservés aux hommes était donné la rudesse des conditions.

Une réalisation dantesque qui mérite son titre de grand classique du cinéma

Tourné au cœur de paysages naturels magnifiques, Le cheval de fer étonne encore de nos jours par la puissance de ses images. John Ford est allé jusqu’à faire creuser des fosses pour pouvoir filmer les chevaux et bisons depuis le sol, donnant le sentiment que les animaux en furie vont écraser le spectateur. Autant de plans qui ont certainement impressionné le grand public de l’époque, faisant d’ailleurs du Cheval de fer un beau succès sur le plan commercial aux Etats-Unis.

Pourtant, le film ne serait pas parvenu jusqu’aux salles françaises à l’époque, demeurant inédit jusqu’à sa diffusion à la télévision sous le titre Le cheval de fer. Il a ensuite été édité par Sidonis Calysta dans le cadre de sa collection Western de légende, d’abord en DVD (2010), puis en blu-ray (2016). Pour une fois, le titre de cette collection très variable n’est pas usurpé puisque Le cheval de fer constitue bien un vrai grand classique du genre.

Critique de Virgile Dumez

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Le cheval de fer, jaquette dvd

© 1924 Fox Film Corporation ; © 2010 Metro-Goldwyn-Mayer Studios Inc. / Jaquette : Dark Star. Tous droits réservés.

Biographies +

John Ford, George O’Brien, Madge Bellamy, Fred Kohler, Will Walling

Mots clés

Cinéma américain, Cinéma muet, Fresque historique, Les trains au cinéma, La vengeance au cinéma, Les classique du cinéma

 

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