Le chat : la critique du film (1971)

Drame | 1h26min
Note de la rédaction :
8,5/10
8,5
le chat, affiche cinéma

  • Réalisateur : Pierre Granier-Deferre
  • Acteurs : Simone Signoret, Jean Gabin, Annie Cordy, Jacques Rispal
  • Date de sortie: 30 Avr 1971
  • Nationalité : Français, Italien
  • Titre original : Le chat
  • Titres alternatifs : Die Katze (Allemagne) / Katten (Suède) / El gato (Espagne) / O Gato (Portugal) / L'implacabile uomo di Saint Germain (Italie) / Kissa (Finlande)
  • Année de production : 1970
  • Scénariste(s) : Pierre Granier-Deferre, Pascal Jardin d'après un roman de Georges Simenon
  • Directeur de la photographie : Walter Wottitz
  • Compositeur : Philippe Sarde
  • Société(s) de production : Lira Films, Cinétel, Gafer
  • Distributeur (1ère sortie) : Valoria Films (Paris) / Paris Nord Distribution (Lille) / AMLF (Toulouse, Lyon, Bordeaux, Marseille) / Rex Films (Strasbourg)
  • Distributeur (reprise) : -
  • Date de reprise : -
  • Éditeur(s) vidéo : VIP (VHS et Betamax, 1981) / StudioCanal (DVD, 2003, 2004, 2006, 2009 et 2010) / Coin de Mire Cinéma (Mediabook, DVD et blu-ray, 2020)
  • Date de sortie vidéo : 4 décembre 2020 (Mediabook)
  • Box-office France / Paris-périphérie : 1 035 709 entrées / 366 928 entrées
  • Budget :
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 1.66 : 1 / Couleurs / Son : Mono
  • Festivals et récompenses : Festival de Berlin 1971 : Ours d'argent du meilleur acteur pour Jean Gabin / Ours d'argent de la meilleure actrice pour Simone Signoret (ex æquo avec Shirley MacLaine pour Desperate Characters) / 1 nomination à l'Ours d'or du meilleur film pour Pierre Granier-Deferre.
  • Illustrateur / Création graphique : René Ferracci
  • Crédits : StudioCanal - Movie Time S.R.L.
Note des spectateurs :

Œuvre implacable sur la vieillesse et le temps qui passe, Le chat est sans aucun doute le meilleur film de Pierre Granier-Deferre, porté par le duo Gabin – Signoret au firmament de leur talent. Indispensable, car profondément, terriblement humain.

Synopsis : Julien a soixante ans. Clémence en a cinquante. Il y a vingt-cinq ans, il se sont mariés et se sont installés dans un charmant pavillon de banlieue. Le temps a passé. Le pavillon est devenu un point minuscule au milieu de grands ensembles hideux. Une montagne de sous-entendus s’est installée dans le couple. Ils ne peuvent plus vivre ensemble mais sont incapables de se quitter. Julien a reporté toute sa tendresse sur un chat de gouttière, Clémence en est terriblement jalouse…

Un roman intimiste sur un thème cher à Granier-Deferre

Critique : Le réalisateur Pierre Granier-Deferre, le scénariste Pascal Jardin et la star Jean Gabin connaissent un beau succès en 1970 avec La horse, sorte de western normand qui réunit plus de 2 millions de spectateurs dans les salles. Aussitôt, Pascal Jardin propose à Granier-Deferre de remettre le couvert en adaptant cette fois-ci un roman de Georges Simenon intitulé Le chat. D’abord réticent face au défi de l’adaptation d’une œuvre aussi intimiste et sombre, Granier-Deferre se laisse convaincre, d’autant que Jean Gabin est de la partie. Proposé au producteur Raymond Danon, le projet prend rapidement forme, même s’il a fallu l’intervention de Gabin pour le convaincre d’engager Simone Signoret dans le rôle de l’épouse alcoolique et délaissée.

Le chat, jaquette mediabook

© 1970 StudioCanal – Movie Time S.R.L. / © 2020 Coin de Mire Cinéma. Tous droits réservés.

Outre le défi posé par l’adaptation (il s’agit d’un couple isolé dans un pavillon et qui ne s’adresse jamais la parole), Granier-Deferre devait compter sur la gestion de ses deux stars aux antécédents diamétralement opposés. Autant Signoret était connue pour son engagement communiste, autant Gabin était le parangon d’une France traditionnelle bien ancrée à droite de l’échiquier politique. Pourtant, les deux monstres sacrés se respectaient l’un l’autre comme les deux grands acteurs qu’ils étaient. Le tournage s’est donc plutôt bien passé malgré quelques soucis de santé rencontrés par le réalisateur en cours de tournage.

Quand le monde évolue sans vous !

Filmé à la fois en extérieurs et beaucoup en studio, Le chat possède une qualité documentaire précieuse. Le long-métrage est ainsi le témoin de la destruction des banlieues populaires et pavillonnaires au profit de la construction de grands ensembles voués à devenir des cités dortoirs. Ces images de quartiers entiers (ici Courbevoie) voués à la destruction sont bien évidemment le symbole de la vie de ce couple abandonné dans son pavillon. Eux-mêmes oubliés du reste de l’humanité ne sont plus que des épaves échouées au bout d’une impasse, métaphore de leur existence. Le monde passe sans eux – comme le souligne le moment où Gabin tente de communiquer avec des jeunes motards qui l’ignorent – et ils s’enferment peu à peu dans un refus de l’extériorité. Leur maison, pourtant d’extérieur frustre, paraît leur seul refuge, alors même qu’il s’y joue un terrible drame intime.

Car ces ruines qui les entourent ne sont rien à côté de leurs cœurs en miettes. Autrefois couple aimant, comme le laissent supposer quelques échappées oniriques vers un amour intense mais passé, Gabin et Signoret ne sont plus que vindicte et langue vipérine. Comme ils ne peuvent plus s’aimer, les deux vieux se haïssent d’une manière aussi cruelle que complice. Lui ne supporte plus la présence de qui que ce soit hormis un chat errant recueilli dans la rue, et elle boit plus que de raison pour oublier à quel point elle est délaissée. Le tout passe d’abord par de terribles non-dits, puis les flashback permettent de saisir les raisons de ce silence auquel répond le bruit incessant des marteaux-piqueurs. Vecteur de jalousie, le chat est à la fois la cause et le moteur involontaire du drame à venir.

Le chat (Edition Coin de Mire, Packshot)

© 1970 StudioCanal – Movie Time S.R.L. / © 2020 Coin de Mire Cinéma. Tous droits réservés.

Un film fort qui nous confronte à notre peur du déclin

Spectacle cruel qui confronte le spectateur à la déchéance qui attend chacun d’entre nous au moment de la vieillesse, Le chat est assurément un film douloureux et peu aimable par sa radicalité de ton. Violent sur le plan psychologique, le long-métrage est une brillante analyse de ce moment particulier de basculement de nos existences, lorsque l’on sent que le monde ne veut plus de nous – et que l’inverse est également vrai. Il propose aussi une vision très sombre du couple, finalement incapable de résister à l’aigreur du temps qui passe et ravage tout, par-delà même l’amour initial. Signalons enfin que les deux protagonistes n’ont pas d’enfant et que cette absence de descendance joue sans aucun doute un rôle dans leur déchéance morale.

Tourné avec beaucoup de pudeur par un Pierre Granier-Deferre au sommet de son talent, Le chat est sans aucun doute l’un de ses meilleurs films, porté par l’interprétation gargantuesque de son duo d’acteurs. Gabin est formidable en grognon buté, mais au fond profondément désespéré, tandis que Simone Signoret bouleverse dans ce rôle d’une femme anéantie par la vie et l’alcool. Le moindre regard de la grande comédienne porte en lui toute la détresse et le désarroi de celle qui n’est plus désirée depuis trop longtemps. Réalisé avec une grande économie de moyens, Le chat bénéficie également d’une très belle partition au piano de Philippe Sarde, à la fois simple et terriblement nostalgique.

Le chat s’invite chez vous dans une belle édition sous forme de mediabook

Malgré l’extrême noirceur du propos et son aspect déprimant, Le chat a connu un joli succès en salles, restant à l’affiche pendant de longs mois jusqu’à la fin de l’année 1971. Le long-métrage, aidé par un très bon bouche-à-oreille, n’a donc pas explosé les compteurs dès les premières semaines, mais s’est imposé sur la durée, gardant une belle stabilité au fil des semaines. Certes, il a réalisé deux fois moins d’entrées que La horse, mais son sujet plus difficile ne pouvait avoir la même puissance de frappe commerciale qu’un polar. Pour les deux acteurs principaux, Le chat fut aussi l’occasion d’obtenir une double récompense au Festival de Berlin puisque les deux eurent droit à un Prix d’interprétation, ce qui fut plutôt rare dans la riche carrière de Gabin (il avait déjà obtenu un Prix d’interprétation à Berlin en 1959 pour Archimède le clochard de Grangier).

Edité à la fin des années 70 en VHS et format Betamax, Le chat a fait l’objet ensuite de nombreuses rééditions DVD, avant que Coin de Mire Cinéma ne sorte un magnifique Mediabook en édition limitée. Outre un blu-ray à l’image restaurée (mais au rendu un peu frustre), l’édition propose un passionnant entretien avec Pierre Granier-Deferre tourné en 2003 et des goodies formidables comme un livret bourré d’affiches étrangères, des lobby cards et une reproduction de l’affiche d’époque. N’oublions pas de mentionner également l’excellente séance avec des actualités et publicités d’époque. Un must à posséder d’urgence puisque l’ensemble est limité à 3000 exemplaires.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 28 avril 1971

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le chat, affiche cinéma

© 1970 StudioCanal – Movie Time S.R.L. / Affiche : René Ferracci. Tous droits réservés.

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