L’ascension : la critique du film de Larissa Chepitko (1980)

Drame, Guerre | 1h51min
Note de la rédaction :
10/10
10
L'ascension de Larissa Chepitko, jaquette blu-ray 2022

  • Réalisateur : Larissa Chepitko
  • Acteurs : Anatoli Solonitsyne, Boris Plotnikov, Vladimir Gostioukhine, Lioudmila Poliakova
  • Date de sortie: 19 Mar 1980
  • Nationalité : Soviétique
  • Titre original : Voskhojdeniye
  • Titres alternatifs : The Ascent (titre international) / Die Erhöhung (Allemagne) / La ascensión (Espagne) / Ascensão (Portugal) / Wniebowstąpienie (Pologne) / Ascensione (Italie) / Opstigningen (Danemark) / A Ascensão (Brésil) / Ascensión humana (Argentine)
  • Année de production : 1977
  • Scénariste(s) : Youri Klepikov, Larissa Chepitko d'après une nouvelle de Vassil Bykaw : Sotnikov
  • Directeurs de la photographie : Vladimir Tchoukhnov et Pavel Lebechev
  • Compositeur : Alfred Schnittke
  • Société(s) de production : Trete Tvorcheskoe Obedinenie, Mosfilm
  • Distributeur (1ère sortie) : Audiphone
  • Distributeur (reprise) : -
  • Date de reprise : -
  • Éditeur(s) vidéo : Potemkine Films (coffret DVD, 2016) / Potemkine Films (blu-ray, 2022)
  • Date de sortie vidéo : 19 avril 2022 (blu-ray)
  • Box-office France / Paris-périphérie : -
  • Box-office nord-américain : -
  • Budget : -
  • Rentabilité : -
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 1.37: 1 / Noir et Blanc / Son : Mono
  • Festivals et récompenses : Ours d'or à la Berlinale 1977
  • Illustrateur / Création graphique : Potemkine Films
  • Crédits : Mosfilm
Note des spectateurs :

Chef d’œuvre impérissable, L’ascension est un drame de guerre d’une grande puissance thématique et esthétique qui ne peut laisser indifférent. Terriblement réaliste et poétique à la fois.

Synopsis : Hiver 1942. L’armée allemande poursuit son avancée sur le front russe. Un bataillon soviétique est contraint de se replier en désordre. Pour assurer son ravitaillement, deux soldats entament un long périple dans la forêt…

Retour aux affaires pour Larissa Cheptiko, après des années difficiles

Critique : Les années 70 furent compliquées pour la réalisatrice ukrainienne Larissa Chepitko qui connaît des déboires avec son film Toi et moi (1971), largement modifié par la censure soviétique et qu’elle a renié, mais aussi à cause d’une grossesse compliquée et de lourds problèmes de santé. Elle finit toutefois par retrouver les plateaux de tournage pour L’ascension (1977) qui est adapté d’une nouvelle biélorusse de Vassil Bykaw intitulée Sotnikov. Proposé initialement à son conjoint Elem Klimov, empêtré dans les problèmes avec son propre long-métrage Raspoutine l’agonie, le projet tombe finalement dans l’escarcelle de la réalisatrice qui y voit un moyen d’exprimer sa sensibilité mystique et panthéiste.

Coffret Chepitko-Klimov, présentation

© 2017 Potemkine Films. © 1964, 1974 Mosfilm Cinema Concern. Tous droits réservés.

Pour cela, elle retravaille en profondeur l’intrigue initiale avec l’aide du scénariste Youri Klepikov et, grâce au sujet qui évoque la résistance des partisans soviétiques face à l’envahisseur nazi durant la Seconde Guerre mondiale, elle parvient à convaincre Mosfilm de financer un tournage qui va s’avérer difficile par les conditions extrêmes que nécessite l’histoire. Effectivement, nous suivons ici les terribles mésaventures de deux partisans qui cherchent désespérément à ramener de la nourriture à leur escadron, mais qui doivent pour cela lutter à la fois contre les patrouilles allemandes, mais aussi la nature hostile, ainsi que les Soviétiques qui ont pris le parti de l’envahisseur.

Un tournage au cœur de l’hiver

Afin de mieux retranscrire la rigueur du climat hivernal russe, Larissa Chepitko a fait le choix audacieux de tourner en noir et blanc. Avec l’aide des directeurs de la photographie Vladimir Tchoukhnov et Pavel Lebechev, elle livre avec L’ascension un travail esthétique époustouflant, et ceci malgré des contraintes de tournage que l’on imagine très difficiles. Cadré avec maestria, L’ascension s’inscrit dans la grande tradition du cinéma expressionniste soviétique, avec de magnifiques gros plans sur les visages, mais aussi des panoramiques dantesques sur un paysage rude qui impose le respect par son immensité. Au milieu de ces décors naturels enneigés, les acteurs se donnent à fond et trouvent des accents d’authenticité qui ne peuvent que bouleverser le spectateur.

De l’art de la transgression des règles étatiques

Si le script laisse initialement penser que le film va s’inscrire dans un genre balisé en Union Soviétique, à savoir une sorte de martyrologe à la gloire des soldats qui se sont sacrifiés pour la mère Patrie, L’ascension détourne finalement ce projet vers une complexité qui n’a d’ailleurs pas plu aux dirigeants de Mosfilm. Effectivement, Larissa Chepitko contrevient à plusieurs règles tacitement établies à l’époque. Tout d’abord, elle réalise un film de guerre où l’on assiste à une seule véritable scène de combat – et encore est-elle montrée de manière assez confuse, comme pour en souligner le caractère pathétique et insignifiant. Ensuite, elle ose montrer la collaboration d’un certain nombre de citoyens soviétiques avec l’envahisseur.

On pense bien entendu au personnage d’enquêteur incarné par un Anatoli Solonitsyne en total contre-emploi (l’acteur passe de la bonté d’Andreï Roublev au cynisme froid de ce personnage odieux avec une aisance qui est la marque des grands). Mais il n’est pas le seul à trahir sa patrie, puisque le personnage de Rybak (magnifique Vladimir Gostioukhine) va, lui aussi, choisir de vivre au prix de la pire des trahisons.

Enfin, troisième écart par rapport aux codes soviétiques, l’enseignant joué avec puissance par Boris Plotnikov est décrit comme un nouveau Jésus Christ. Son parcours – et son ascension au rang de martyr – a tout du chemin de croix. D’ailleurs, avant son exécution, un plan le long d’une route fait clairement référence à la Passion du Christ. Cette empreinte de religiosité, associée à un certain mysticisme et même à une description quasiment panthéiste de la nature vient contredire le positionnement du gouvernement soviétique pour qui la religion est l’opium du peuple.

Un film qui a connu quelques déboires

Ce sont assurément tous ces éléments qui font de L’ascension une œuvre absolument remarquable encore de nos jours, surpassant largement tous les produits de propagande de l’époque. Mais ils sont aussi à l’origine du refus par les autorités de sortir le film en salles en URSS. Il a fallu que Larissa Chepitko fasse appel au responsable du Parti Communiste de Biélorussie pour que la situation se dégèle et que le film puisse trouver place sur les écrans soviétiques, glanant autour de 10 millions d’entrées en avril 1977.

L'ascension de Larissa Chepitko, jaquette blu-ray 2022

© 2022 Potemkine Films – © 2022 1976 Mosfilm Cinema Concern

Il faut dire que le long-métrage est un véritable monument du cinéma soviétique par la maestria de sa réalisation, la puissance d’évocation de ses images et la force de son sujet opposant le courage et la lâcheté en temps de guerre. Si Larissa Chepitko magnifie bien sûr le courage, elle démontre également qu’en temps de guerre, le peuple entier est victime de l’agresseur. Alors que la musique se fait discrète tout au long du film, elle retentit pourtant de manière bouleversante lors du dernier plan où le traître crie sa détresse.

Ours d’or mérité à Berlin en 1977

Pur chef d’œuvre qui vient se nicher au cœur de notre cinéphilie pour laisser une empreinte indélébile, L’ascension n’a pas laissé le jury du Festival de Berlin 1977 insensible puisque le drame de guerre a reçu la plus haute distinction en décrochant un Ours d’or très largement mérité. Cela a permis au film d’être diffusé un peu partout dans le monde. En France, le film aurait été diffusé en catimini la semaine du 19 mars 1980, par le distributeur Audiphone, spécialisé dans le cinéma soviétique.

Toutefois, on le redécouvre surtout de nos jours grâce à l’éditeur Potemkine Films qui l’a inclus dans son précieux coffret DVD Chepitko-Klimov. Le chef d’oeuvre sortira enfin en HD chez le même éditeur, à l’unité en blu-ray,  en avril 2022. L’occasion de redécouvrir l’un des grands joyaux du cinéma mondial.

Critique de Virgile Dumez

Le Blu-ray :

L’édition proposée par Potemkine contient pas moins de 90 minutes de suppléments dont un court d’Elem Klimov, intitulé Larissa, une interview de la réalisatrice de 52min, et une analyse du film de 18min par Elias Hérody.

Le film est présenté en Russe, sous-titré en français en Mono DTS HD Master Audio. L’éditeur Potemkine le propose à la vente dans son magasin parisien, en exclusivité pendant un mois sur Paris.

Les sorties de la semaine du 19 mars 1980

Acheter le coffret Chepitko-Klimov sur le site de l’éditeur

Les ailes, jaquette DVD

© 1966 Mosfilm Cinéma Concern / © 2016 Potemkine Films. Tous droits réservés.

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Larissa Chepitko, Anatoli Solonitsyne, Boris Plotnikov, Vladimir Gostioukhine, Lioudmila Poliakova

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