La soif du vampire est assurément l’un des pires films de la Hammer, avec son histoire inepte, sa réalisation amorphe et ses acteurs insipides. Un accident industriel.
Synopsis : En 1830, quarante ans jour pour jour après la dernière manifestation du vampire si redouté, les héritiers Karstein utilisent le sang d’une innocente victime pour ramener à la vie le démon qu’est Mircalla, ou comme elle se nommait en 1710 Carmilla. L’école de jeunes filles, toute proche, lui offre ainsi un vivier riche en demoiselles nubiles, et cerise sur le gâteau, leur professeur se consume littéralement de désir pour elle…
Une conception cauchemardesque
Critique : En 1970, la firme Hammer cherche à exploiter de nouveaux mythes fantastiques afin de se renouveler. Elle s’empare donc de l’œuvre de Sheridan Le Fanu intitulée Carmilla (1872) qui popularise bien avant Bram Stoker la figure du vampire. Cela donne le long-métrage The Vampire Lovers (Ward Baker, 1970), considéré à juste titre comme l’un des derniers grands classiques du studio britannique. Si le succès du film n’est pas énorme, les exécutifs du studio entendent bien lui donner rapidement une suite et convoquent pour l’occasion des pointures comme Terence Fisher à la réalisation et Peter Cushing et Ingrid Pitt au casting.
Malheureusement, ce qui allait devenir La soif du vampire (Lust for a Vampire, 1971) devient rapidement un projet maudit. Tout d’abord, Ingrid Pitt, actrice principale du film précédent, refuse de reprendre son rôle, jugeant le script peu satisfaisant. Elle est donc remplacée par la Danoise Yutte Stensgaard qui entretient une vague ressemblance physique avec elle. Avant même le premier tour de manivelle, le cinéaste Terence Fisher est victime d’un grave accident de voiture qui l’éloigne des plateaux pour plusieurs mois. Il est donc remplacé au pied levé par son assistant et collaborateur Jimmy Sangster qui n’a à son actif qu’une seule réalisation, pas forcément fameuse (Les horreurs de Frankenstein, 1970). Enfin, Peter Cushing déclare forfait car il doit se rendre au chevet de sa femme très malade, ce qui l’affecte au plus haut point – et lui laissera une marque indélébile après le décès de l’amour de sa vie. Il est ici remplacé par Ralph Bates qui avait déjà tourné dans le premier film de Sangster.
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Ambiance vaguement polissonne pour film d’horreur sans saveur
Tant de drames rend donc la conception du long-métrage compliquée, d’autant que le script n’est pas remanié pendant cette période. Il demeure donc d’une faiblesse absolue, se basant uniquement sur l’histoire d’amour entre un jeune professeur et une femme vampire ressuscitée. Le cadre de la pension pour jeunes filles n’est pas le plus charismatique pour développer une ambiance horrifique et le long-métrage tend surtout vers un érotisme diffus. Ainsi, les jeunes pensionnaires sont systématiquement priées d’exhiber leur poitrine dans des scènes prétexte qui rappellent un certain cinéma d’exploitation. Malheureusement, si l’on excepte ces quelques friandises pour spectateur masculin esseulé et un ou deux débordements sanglants, Lust for a Vampire n’a quasiment rien à offrir à l’amateur de fantastique.
Ainsi, l’intrigue ne propose aucun rebondissement vraiment intéressant et se contente de multiplier les longs tunnels dialogués qui risquent bien d’avoir la peau des plus endurants. Filmé sans génie aucun, La soif du vampire ne peut même pas s’appuyer sur l’interprétation puisque les deux tourtereaux sont incarnés par des acteurs peu charismatiques. Michael Johnson fait un héros vraiment falot et n’est pas aidé par sa partenaire féminine, Yutte Stensgaard n’ayant qu’une expression à son actif. Son regard vide et son absence totale de présence à l’écran ruinent assurément tous les efforts d’acteurs plus chevronnés comme Ralph Bates ou Barbara Jefford. Il reste bien çà et là quelques jolis décors gothiques (notamment lors de la séquence finale), mais rien ne vient vraiment éveiller le spectateur assoupi depuis fort longtemps devant tant d’indigence. Pire, afin de pallier l’absence de grands acteurs, Jimmy Sangster utilise même des stock-shots dont un magnifique gros plan sur les yeux de Christopher Lee, alors que celui-ci n’est pas du casting. On croit vraiment rêver.
Un film rare, mais hautement dispensable
Deuxième volet de la trilogie sur les Karstein, La soif du vampire a été un cuisant échec public, à tel point qu’il ne serait sorti en France que dans la région Nord si l’on en croit le site Encyclociné. Il semble en tout cas avoir été diffusé en Belgique sous le titre Jeunes vierges pour un vampire. Par la suite, il ne semble pas avoir été exploité dans notre pays, ni en VHS, ni en DVD. On ne peut pas vraiment en vouloir aux éditeurs tant le film apparaît comme l’un des pires rejetons de la célèbre firme britannique. Cela n’a pas empêché les producteurs de terminer la trilogie avec Les sévices de Dracula (Hough, 1971), tourné dans la foulée.
Critique de Virgile Dumez