Téléfilm de luxe tourné de manière académique par John Madden, La ruse n’a de valeur qu’historique et doit donc être vu comme un documentaire sur une opération d’espionnage originale. Le reste est tellement conventionnel…
Synopsis : 1943. Les Alliés sont résolus à briser la mainmise d’Hitler sur l’Europe occupée et envisagent un débarquement en Sicile. Mais ils se retrouvent face à un défi inextricable car il s’agit de protéger les troupes contre un massacre quasi assuré. Deux brillants officiers du renseignement britannique, Ewen Montagu et Charles Cholmondeley, sont chargés de mettre au point la plus improbable – et ingénieuse – propagande de guerre… qui s’appuie sur l’existence du cadavre d’un agent secret !
Une incroyable opération de désinformation menée par les Britanniques en 1943
Critique : La ruse s’inspire d’un fait réel absolument étonnant survenu durant la Seconde Guerre mondiale. Raconté par Ben Macintyre dans son best-seller intitulé Opération Mincemeat – L’histoire d’espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale, cette incroyable aventure humaine ne pouvait échapper très longtemps au cinéma. On signalera d’ailleurs qu’il existe déjà une œuvre qui s’inspire de cette opération intitulée L’Homme qui n’a jamais existé (Neame, 1956) avec Clifton Webb.
Basé sur une opération de manipulation particulièrement tortueuse, le script de La ruse reprend donc un à un les éléments de cette mystification organisée par les services secrets britanniques afin de faire croire aux Nazis que les Alliés allaient débarquer en Grèce et non en Sicile. Le but était de faciliter le débarquement des troupes alliées et de limiter le nombre de victimes, tout en emportant une victoire facile afin de reprendre pied en Europe. Toutefois, comme les auteurs ont bien eu conscience de la teneur d’une telle intrigue, nécessairement faible en action, ils ont cru bon ajouter en son sein une histoire de triangle amoureux entre les trois espions en charge de cette mystification.
Une intrigue amoureuse insipide et finalement inutile
Si cette intrigue secondaire a le mérite de développer la personnalité des trois personnages principaux, elle a également pour effet de diluer le suspense lié à l’affaire proprement dite et à alourdir considérablement la projection. Film d’espionnage confiné aux coulisses de la grande histoire, La ruse échoue donc à sortir de l’ornière du film historique purement illustratif et peine à faire œuvre cinématographique.
Il faut dire que le réalisateur John Madden est plutôt habitué à des travaux télévisuels ou franchement académiques. Avec La ruse, il livre un film académique qui ne se distingue jamais par une mise en scène inventive ou franchement pertinente. Pire, il réussit même à rendre des acteurs chevronnés tout juste passables. Ainsi, Colin Firth semble s’ennuyer ferme. Lui qui est généralement formidable pour suggérer les émois intérieurs de personnages torturés reste étonnamment distant, avec même des regards vides. Face à lui, Matthew Macfadyen et Kelly Macdonald sont corrects sans faire de vraies étincelles. On retiendra finalement davantage le rôle secondaire tenu par Penelope Wilton en secrétaire dévouée. Enfin, Johnny Flynn n’arrive pas à capter l’attention dans un rôle pourtant central puisqu’il incarne l’espion Ian Fleming, futur auteur de la saga James Bond.
Quand l’académisme règne en maître absolu!
Finalement, La ruse ne possède guère d’atout sur le plan purement cinématographique. Il faut donc impérativement regarder le tout comme un documentaire historique sur un épisode particulièrement savoureux – et hautement improbable – de la Seconde Guerre mondiale. Les spectateurs ressortiront assurément convaincus de l’importance stratégique de cette opération exceptionnelle et, en cela, ils n’auront pas perdu leur temps. Ceux qui cherchent avant tout à éprouver le grand frisson grâce à une œuvre cinématographique valeureuse peuvent passer leur chemin puisque La ruse n’est rien d’autre qu’un téléfilm de luxe dont on se demande bien pourquoi il s’est imposé en salles là où tant d’autres pépites sont confinées aux plateformes.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 27 avril 2022
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John Madden, Colin Firth, Matthew Macfadyen, Kelly Macdonald, Penelope Wilton, Johnny Flynn, Jason Isaacs