La planète des singes : le nouveau royaume réussit à imposer de nouveaux personnages intéressants au cœur d’un univers apocalyptique séduisant. Les pistes narratives esquissées pourront se révéler passionnantes, si suites il y a.
Synopsis : Plusieurs générations après le règne de César, les singes ont définitivement pris le pouvoir. Les humains, quant à eux, ont régressé à l’état sauvage et vivent en retrait. Alors qu’un nouveau chef tyrannique construit peu à peu son empire, un jeune singe entreprend un périlleux voyage qui l’amènera à questionner tout ce qu’il sait du passé et à faire des choix qui définiront l’avenir des singes et des humains…
La planète des singes sous l’égide de Disney
Critique : Après La planète des singes : Suprématie (Matt Reeves, 2017), les auteurs de la trilogie des années 2010 espéraient continuer à exploiter le filon, malgré la disparition du héros César. Il est alors envisagé d’étudier l’influence de ce messie des temps modernes sur les générations futures à travers un quatrième volet toujours aux mains de Matt Reeves. Toutefois, les choses ont amplement évolué avec le rachat de la Fox par la firme Disney qui entend bien exploiter la franchise, comme elle l’a fait avec Star Wars ou le catalogue Marvel (avec les résultats catastrophiques que l’on connaît).
Débarqué du projet, Matt Reeves est remplacé par Wes Ball qui a connu le succès grâce à sa trilogie adolescente Le labyrinthe, entre 2014 et 2018. L’idée de projeter le spectateur plusieurs siècles après le dernier chapitre est conservée et il est établi que La planète des singes : Le nouveau royaume (2024) sera situé chronologiquement entre Suprématie (2017) et le film original La planète des singes (Franklin J. Schaffner, 1968). Nous retrouvons donc les singes à un degré d’évolution relativement élevé, mais qui sont encore à la recherche des technologies humaines afin de mieux les maîtriser. De leur côté, les humains ne cessent de régresser vers l’état animal, ce qui a permis à Wes Ball de filmer des séquences de chasse à l’homme proches de celles vues dans le film de 1968.
Des nouveaux singes charismatiques
D’ailleurs, là où La planète des singes : les origines (Rupert Wyatt, 2011) pouvait décevoir par la présence trop importante des êtres humains, Le nouveau royaume se concentre quasiment exclusivement sur les populations simiesques. Ce choix semble a posteriori une très bonne idée puisque les auteurs ont réussi à créer des nouveaux singes charismatiques, à l’image du jeune héros Noa (très proche physiquement de César, et c’est tant mieux) qui prend de l’ampleur en cours de film à la suite des épreuves traversées, mais on songe aussi à l’orang-outang Raka (joué par Peter Macon) ou encore au méchant Proximus (Kevin Durand). En comparaison, les deux seuls personnages humains semblent plus faibles, que ce soit la très jeune Freya Allan aux épaules trop frêles pour un tel rôle ou William H. Macy dont le personnage reste particulièrement cryptique.
© 2024 20th Century Studios, Disney Studios Australia / Affiche : BLT Communications, LLC. All Rights Reserved.
Prenant son temps pour présenter les nouveaux protagonistes, Wes Ball risque d’ennuyer passablement le grand public en décrivant par le menu le monde arboricole de Noa et de sa famille. Pourtant, cette entrée en matière d’une quinzaine de minutes permet justement de s’attacher aux personnages et de mieux vibrer à leurs aventures à venir. Le film bascule lorsque les gorilles menés par Proximus détruisent le village de Noa et capturent sa famille et ses amis. S’ouvre une longue partie sous forme de road-movie où Wes Ball parvient à emballer des scènes à la fois spectaculaires et plutôt belles sur le plan esthétique.
Un épisode qui évite la surcharge numérique
Effectivement, tourné en majorité dans des paysages réels trouvés en Australie, La planète des singes : le nouveau royaume ne souffre pas trop d’une surcharge numérique. Certes, la plupart des paysages ont été retravaillés et étendus par le génie numérique, mais les interactions entre les singes et la nature environnante apparaissent comme parfaitement crédibles. Cela prouve une fois de plus l’excellence acquise en matière de performance capture. Le résultat est tellement bluffant que ce sont les singes qui, désormais, semblent être les personnages les mieux incarnés du film par rapport aux fades acteurs contemporains que les exécutifs américains embauchent. Un comble.
Au sein de ce blockbuster, on remarquera la tentative de réfléchir à la récupération d’un élément mythologique pour le détourner de sa signification première au seul profit d’une minorité. Ici, César, dont le discours était celui de la concorde, est récupéré par des singes avides de pouvoir en vue d’une domination plus globale. Le rapport avec toute forme de religion saute donc aux yeux. Considéré par les singes comme la référence ultime, César est donc instrumentalisé bien au-delà de sa propre mort pour servir le dessein d’êtres avides.
Des questions passionnantes qui demeurent ouvertes
On appréciera également le fait que la frontière entre bons et méchants n’est pas clairement tracée. Et si Noa se trompait en faisant confiance à la jeune humaine Mae ? Et si il entrainait son espèce vers une nouvelle forme de captivité ?
Ces questionnements passionnants ne sont malheureusement pas approfondis dans ce long métrage qui avait fort à faire en présentant de nouveaux personnages, d’autres environnements et également une intrigue complète qui puisse être considérée comme clause à l’issue du film. Finalement, on en vient à espérer qu’un auteur ambitieux reprenne le flambeau pour pouvoir développer ces pistes qui ne sont ici qu’effleurées.
Le nouveau royaume, un blockbuster plutôt réussi
En tout cas, La planète des singes : le nouveau royaume, sans s’imposer comme un épisode indispensable, n’est pas le naufrage attendu, malgré l’empreinte indélébile posée par Disney sur la franchise. Il doit être considéré comme une étape incomplète, mais nécessaire pour créer de nouveaux arcs narratifs qui verraient les humains reconquérir une partie de leur suprématie. En l’état, La planète des singes : le nouveau royaume est surtout un blockbuster plutôt réussi et divertissant, durant lequel on ne s’ennuie jamais.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 8 mai 2024
© 2024 20th Century Studios, Disney Studios Australia / Affiche : BLT Communications, LLC. All Rights Reserved.
Biographies +
Wes Ball, William H. Macy, Owen Teague, Freya Allan, Kevin Durand
Mots clés
La franchise La planète des singes, Les singes au cinéma, Cinéma postapocalyptique