Avec La comtesse, Julie Delpy signe un thriller historique étonnant qui parvient à renouer avec le style populaire du cinéma de quartier des années 60 tout en y ajoutant une réflexion pertinente sur l’Histoire.
Synopsis : A la mort de son mari, la comtesse Elizabeth Bathory se retrouve à la tête d’un vaste domaine et d’une immense fortune. Aidée de sa confidente, la sorcière Anna Darvulia, Elizabeth étend progressivement son influence, suscitant chez chacun crainte, admiration et haine, pour devenir la femme la plus puissante de la Hongrie du 17ème siècle. Elle rencontre alors un séduisant jeune homme dont elle tombe éperdument amoureuse. Mais celui-ci l’abandonne. Certaine d’avoir été délaissée car elle n’était plus assez jeune et belle, Elizabeth sombre progressivement dans la folie et se persuade que le sang de jeunes vierges lui procurera jeunesse et beauté. Débute alors une série d’actes sanglants, à la recherche de la jeunesse éternelle.
Julie Delpy, réalisatrice insaisissable
Critique : Toujours aussi insaisissable, l’actrice et réalisatrice Julie Delpy, après avoir agréablement surpris le public avec son premier opus au succès mérité (la comédie romantico-méchante 2 days in Paris), se lance dans un projet très ambitieux mélangeant production historique, romance et horreur.
Lady Dracula
En s’inspirant de la légende de la comtesse Bathory, contemporaine du comte Dracula, la cinéaste fait preuve d’une belle ambition en reconstituant la Hongrie du XVIIe siècle et en entremêlant la légende et les événements historiques tels qu’ils auraient pu advenir.
Grâce à différents niveaux de narration, le spectateur fait peu à peu connaissance avec une femme au comportement trouble, singulièrement froide et antipathique, mais également fascinante par sa capacité à s’imposer dans un monde d’hommes. Avec un jeu à la fois frontal et ambigu, Julie Delpy incarne avec une hautaine arrogance cette femme en apparence très forte, mais qui sombre en réalité dans la folie pure.
Folie, horreur et gore, La comtesse était une goule
Accompagnant son personnage jusqu’au bout de sa démence, la réalisatrice opère également un basculement progressif de son long-métrage vers l’horreur. Si le début du film se caractérise par un humour cruel salvateur, puis par une romance qui ne s’apparente jamais à une bluette sans intérêt, la suite des événements débouche sur une fable particulièrement cruelle et parfois gore, qui évoque certains passages de son contemporain Hostel 2 d’Eli Roth, des ambiances déjà savourées dans Les yeux sans visage, les délires sadiens d’un Mario Bava ou encore, à un moindre niveau, d’un Jesus Franco.
Un écrin vénéneux qui inocule son venin avec talent
Tous les amateurs de ce cinéma de quartier des années 50-60 seront donc aux anges, tandis que ceux qui s’attendent à une énième biographie historique compassée feront grise mine.
Avec ce petit bijou de méchanceté brute, Julie Delpy affirme une fois de plus une personnalité forte à l’intégrité artistique sans faille. Si l’on peut légitimement lui reprocher quelques erreurs historiques ou bien le mélange hétéroclite d’acteurs européens qui doivent tous parler anglais (coproduction oblige), il faut mettre à son crédit l’audace avec laquelle elle traite son sujet, sans jamais perdre de vue la multiplicité des interprétations concernant cette femme au destin hors du commun.
Les sorties de la semaine du 21 avril 2010
Box-office :
Sorti dans seulement 93 salles, accompagné d’un avertissement mérité, La comtesse a déçu. 43 000 entrées France en première semaine, 31 000 en seconde… En 5e semaine, trônant dans des cinémas essentiellement art et essai, le conte macabre s’essouffle à 5 000 entrées. Au final, ses 120 000 tickets France déçoivent par rapport aux ambitions de la réalisatrice.
Au moins, Delpy a su ne pas dépasser le budget, finalement peu élevé, de 5 700 000 euros, qui parait bien par rapport à ce qui est ostentatoirement dévoilé à l’écran. La coproduction internationale a permis de limiter les frais.
Pour son distributeur, Bac Films, l’addition fut plus salée. Le conseil d’administration qui avait révoqué Jean Labadie en 2007, se mordait les lèvres de certaines décisions artistiques. L’année 2009 fut très moyenne, 2010, elle, fut très mauvaise.
Graphisme : Mélanie Jacquemet / Copyrights : Celluloid Dreams Production
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Julie Delpy, Maria Simon, William Hurt, Daniel Brühl, Nikolai Kinski