A hauteur de soldat, ce long-métrage tourné à la façon d’un documentaire nous plonge en plein cœur du conflit indochinois avec une redoutable efficacité. La 317ème section est un spectacle totalement immersif.
Synopsis : La dernière marche de la 317e section qui, lors de la bataille de Dien Bien Phu, reçoit son ordre de repli. La section est composée de quarante et un supplétifs Laotiens et de quatre Français. Huit jours plus tard, la 317e section n’existe plus, mais pendant cette terrible marche, deux hommes, l’adjudant Willsdorf, alsacien, incorporé de force dans l’armée allemande et le sous-lieutenant Torrens, frais émoulu de Saint-Cyr, vont apprendre à se connaître et à comprendre, même l’absurde.
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La 317ème section, du roman à l’écran
Critique : Cameraman au service cinématographique des armées durant la guerre d’Indochine, le réalisateur Pierre Schoendoerffer a également été journaliste à Paris-Match avant de se lancer dans le cinéma de fiction par trois films remarqués à la fin des années 50. Il trouve toutefois sa voie lorsqu’il choisit d’adapter à l’écran son roman La 317ème section, récit largement inspiré par son expérience personnelle en Indochine.
Avec des moyens très limités, le cinéaste parvient à nouer des contacts avec les autorités cambodgiennes afin de tourner son film dans des paysages proches de ceux qui ont vu se dérouler cette sanglante guerre d’indépendance entre 1946 et 1954. Une fois la collaboration du Cambodge acquise, Schoendoerffer réunit une équipe de techniciens qui furent autrefois ses compagnons d’armes (dont le photographe Raoul Coutard à qui l’on doit la superbe photo en noir et blanc du film) et quelques acteurs prêts à tenter l’aventure. Dès lors, le réalisateur emploie la technique du tournage-guérilla en imposant à toute l’équipe (une douzaine de personnes seulement) un entrainement militaire, des heures de travail qui correspondent à celles des personnages et un parcours périlleux dans la jungle au rythme des soldats.
Un style docu-fiction précurseur des films de guerre des années 90
A la manière d’un reportage pris sur le vif, Schoendoerffer s’interdit tout mouvement d’appareil complexe et préfère avoir recours à la caméra portée à l’épaule, anticipant ainsi de plusieurs décennies certaines figures de style récurrentes du film de guerre. Provoquant une immersion totale du spectateur à la suite des soldats de l’armée française (et de nombreux auxiliaires indochinois), le réalisateur ne juge à aucun moment les acteurs du conflit et, avec bienveillance, préfère se concentrer sur le calvaire des hommes pris au piège de cet enfer vert. Ici, point de nostalgie pour une Indochine coloniale, ni même de critique envers les agissements de l’armée, juste des êtres humains qui font leur devoir avec une certaine fierté, mais aussi une bonne dose de souffrance et de sacrifice de soi.
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Soulignant les conditions extrêmes dans lesquelles les militaires se sont battus (la chaleur, l’humidité, les maladies tropicales et un environnement hostile), La 317ème section offre non seulement un point de vue remarquable d’intelligence sur ce conflit meurtrier, mais également de beaux moments de cinéma grâce à la magnifique photo de Raoul Coutard et à l’implication des deux acteurs principaux. Jacques Perrin incarne la droiture avec noblesse, tandis que Bruno Cremer fait un baroudeur convaincant. Leur complicité transparaît à chaque seconde.
Dans sa volonté de rester sans cesse à hauteur d’hommes, au risque de perdre de vue les enjeux géopolitiques du conflit, La 317ème section anticipe de plusieurs décennies des films américains aussi brillants que le Voyage au bout de l’enfer de Michael Cimino ou le Platoon d’Oliver Stone. Et ce n’est pas le moindre des compliments.
Les sorties de la semaine du 31 mars 1965
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