Teen movie d’abord léger qui vire au drame, Juniors mérite un petit coup d’œil grâce à une ambiance provinciale bien retracée et des jeunes acteurs très sympathiques. Distrayant.
Synopsis : Jordan, 14 ans, s’ennuie dans le petit village de Mornas. Sa mère infirmière étant souvent absente, il s’occupe avec son meilleur ami Patrick en jouant à leur console affectueusement nommée Jessica. Mais lorsque Jessica rend l’âme, Jordan décide de simuler une maladie et de monter une cagnotte en ligne pour s’en racheter une. Quand ce mensonge se propage dans la cour du collège, les regards se tournent enfin vers eux. Un début de popularité qui mettra leur amitié indéfectible à rude épreuve…
Bienvenue dans le monde de l’adolescence
Critique : Après une première expérience collective intitulée Willy 1er (2016), coréalisé avec Marielle Gautier, Ludovic et Zoran Boukherma , le scénariste et réalisateur Hugo P. Thomas souhaitait enfin passer à un projet qui lui soit entièrement personnel. Avec Juniors (2022), il voulait notamment tourner un teen movie qui reste à hauteur de gamin, tout en évoquant des thématiques relativement fortes sur les relations complexes entre une mère divorcée et son fils en pleine crise d’adolescence.
Venu de la campagne, le cinéaste entendait également mettre la lumière sur une France que l’on voit peu au cinéma, à savoir celle des villages perdus où la jeunesse peut se sentir isolée et entravée dans sa volonté de voler de ses propres ailes. Il s’agit de la fameuse France des invisibles que le réalisateur voulait mettre à l’honneur dans une comédie qui aurait aussi sa part de noirceur. Afin d’offrir une structure à son script, Hugo P. Thomas s’est servi du syndrome de Münchhausen qui pousse certains individus à se prétendre malade afin de susciter la pitié et la compassion de leur entourage (thématique déjà récemment abordée dans le bien plus dérangeant Sick of Myself de Kristoffer Borgli).
D’une blague immature au drame
Dans Juniors, le point de départ vient surtout d’une méprise qui pousse deux gamins immatures à se lancer dans un mensonge terrible sur le supposé cancer de l’un d’eux. Mus par une motivation pécuniaire – mettre en place une cagnotte sur internet pour pouvoir remplacer leur Playstation – les deux complices ne se rendent aucunement compte des implications de leur geste, considéré comme une vaste blague.
Mais le plus intéressant dans Juniors ne sont pas tant les réactions des gamins qui vont passer par tout le spectre des émotions, de la joie au drame pur, que celles des adultes encadrants. D’abord compatissants face au drame supposé, ils vont réagir très vivement une fois la supercherie découverte. Dès lors, le cinéaste montre à quel point le système se défend de manière impitoyable, allant jusqu’à broyer des destins déjà passablement cabossés. Le point fort de l’écriture du script demeure cette capacité de l’auteur à ne jamais juger ses personnages.
Juniors bénéficie d’un regard juste et d’une interprétation de premier ordre
Ainsi, tout le monde joue sa partition (les enfants, la mère et l’institution scolaire) et reste dans son couloir sans pouvoir en dévier. Le système scolaire ne peut prendre qu’une sanction exemplaire, même si les intervenants connaissent les terribles implications d’une telle décision. La mère, très juste Vanessa Paradis, ne peut que plier face à l’institution, tout en se reprochant ses absences répétées et ses manquements à cause de son travail chronophage. Enfin, les adolescents demeurent de loin les plus impitoyables entre eux, allant jusqu’au harcèlement.
D’une tonalité légère dans sa première heure, Juniors se termine davantage sous le sceau du drame, passant du simple teen movie au récit d’initiation. Le choix du jeune premier Ewan Bourdelles était d’autant plus important qu’il porte l’intégralité du film sur ses épaules, passant de la légèreté du début aux accents plus dramatiques de la deuxième partie. Il est donc très convaincant, de même que son partenaire de galère, Noah Zandouche.
Toutefois, Juniors n’est pas forcément exempts de défauts. Parmi eux, on trouve notamment un certain manque d’ambition dans la réalisation qui confine le long métrage à un domaine télévisuel. On se demande donc parfois quelle était la légitimité d’un tel film dans les salles. Moins drôle que Les beaux gosses (Riad Sattouf, 2009) et moins mignon que le léger Microbe et gasoil (Michel Gondry, 2015), Juniors ne s’impose finalement que grâce à sa fin plus dramatique, soutenue par la jolie musique électronique composée par Lionel Flairs, Benoit Rault et François Villevieille.
Une impitoyable contre-performance en salles
Tourné au cœur de l’été 2021, Juniors a mis quasiment deux ans avant de débarquer en salles. Le film a d’abord été présenté au Festival international du film indépendant de Bordeaux en octobre 2022, mais a patienté avant de trouver un distributeur, en l’occurrence The Jokers. Positionné au 26 juillet 2023, Juniors n’a disposé que de 48 salles sur toute la France, dont seulement 12 dans la capitale et sa périphérie. Une exposition plutôt limitée, mais qui s’est soldée par des salles globalement vides. Pour son premier jour, le teen movie ne fédère que 2 181 gamins sur toute la France. Au bout d’une semaine, il n’a attiré que 6 943 bambins.
Face à des salles désertes, les exploitants ont préféré se débarrasser de Juniors pour mieux accueillir Les blagues de Toto 2 – classe verte (Pascal Bourdiaux) qui sort le 2 août. La chute est donc proprement spectaculaire avec une deuxième semaine à 1 893 retardataires. Son distributeur le soutient tout de même pendant de nombreuses semaines, notamment sur des séances en matinée et Juniors termine sa carrière à 9 619 tickets vendus. Une sacrée déception pour un petit film pourtant fort sympathique, mais quelque peu limité.
Critique de Virgile Dumez
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Hugo P. Thomas, Vanessa Paradis, Ewan Bourdelles, Noah Zandouche
Mots clés
Teen Movie, L’école au cinéma, L’adolescence au cinéma, Les relations mère-fils au cinéma