Beaucoup plus fin et nuancé qu’il n’y paraît, Gran Torino est une œuvre sensible et drôle sur un sujet délicat. Un très bon cru pour Clint Eastwood et l’un de ses plus beaux succès.
Synopsis : Walt Kowalski, vétéran de la guerre de Corée, raciste et irascible, vient de perdre sa femme. Une nuit, il surprend Thao, un de ses jeunes voisins d’origine Hmong, en train d’essayer de voler sa Ford Gran Torino 1972, dans le cadre d’une épreuve imposée par le gang qui veut le recruter. Cet événement fera évoluer les rapports du jeune homme et sa famille avec M. Kowalski.
Eastwood s’en prend une fois de plus au racisme ordinaire
Critique : Il aura fallu moins de six mois à Clint Eastwood pour mettre en boîte ce nouveau long-métrage après le très académique L’échange. Comme à son habitude, le réalisateur a eu confiance en son script et n’a pas cherché à le retravailler. Il faut dire que le scénario original de Nick Schenk et Dave Johannson colle parfaitement à la personnalité de l’acteur, au point qu’on le croirait écrit pour lui.
Le vétéran de la guerre de Corée qu’il incarne avec conviction est un homme en apparence raciste, individualiste et égoïste, faisant de lui un monstre de misanthropie comme on en voit peu au cinéma. Sa haine du genre humain cache pourtant mal ses fêlures, ainsi que le traumatisme subi durant cette terrible guerre dont il n’est jamais vraiment revenu. La confrontation avec ses voisins étrangers l’oblige à changer de point de vue tout en lui permettant de trouver une rédemption salvatrice.
Des dialogues affutés et drôles qui font mouche
Face à un tel script, deux écueils se présentaient au cinéaste. Le premier était de verser dans une œuvre vengeresse à la Dirty Harry, soutenue par une morale religieuse (la présence du prêtre) en tout point désagréable. Le second était de nous confronter à une évolution psychologique peu crédible où l’homme finit par aimer son prochain dans un élan d’altruisme déplacé. Heureusement, l’auteur échappe habilement à ces deux pièges en respectant de bout en bout son personnage principal, notamment grâce à des dialogues au second degré jubilatoires et souvent désopilants.
Désagréable et peu sociable, Walt Kowalski n’est pas un homme fréquentable. Les auteurs traquent toutefois sa vérité profonde derrière le masque qu’il s’est lui-même forgé (on peut d’ailleurs y voir un parallèle avec l’image d’Eastwood-acteur dissimulant la véritable personnalité de l’auteur). Ils en profitent également pour dresser un bilan peu rassurant du melting-pot à l’américaine, cocktail détonnant de brassage multiculturel et de racisme ouvertement assumé par toutes les communautés. Le film peut même être considéré comme prémonitoire puisque ces tensions se sont encore exacerbées au cours de la présidence de Donald Trump, et depuis la crise de la Covid-19.
En France, le plus gros succès du réalisateur !
Face à cette situation de plus en plus dramatique, Clint Eastwood prône la réconciliation, la tolérance et l’écoute. Il nous propose un magnifique plaidoyer contre toute forme de guerre et de violence, à l’image de son splendide Impitoyable (1992). Emouvant et souvent drôle, son Gran Torino est donc un excellent cru auréolé d’un énorme succès aux States. Avec plus de 148 millions de dollars de recettes rien que sur le territoire nord-américain pour un budget plutôt restreint, Gran Torino est resté pendant quelques années le plus gros succès de Clint Eastwood réalisateur, avant d’être écrasé aux States par le score d’American Sniper en 2015.
En France, le long-métrage a débarqué fin février 2009, soutenu par des critiques enthousiastes. Ainsi, le film s’impose rapidement comme un vrai phénomène, glanant plus d’un million d’entrées rien qu’à Paris, tout en séduisant le public provincial. Avec plus de 3,4 millions de spectateurs, Gran Torino demeure à ce jour le plus gros succès du réalisateur en France et s’est hissé à la 10ème marche du box-office annuel de 2009. Pour l’acteur, le métrage est seulement devancé par la mythique trilogie des dollars de Sergio Leone.
Critique de Virgile Dumez
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© 2008 Warner Bros. / Affiche : The Cimarron Group. All Rights Reserved.
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