De sang froid (The Boys Next Door) est une série B méconnue des années 80, hargneuse et nihiliste, qui démontre l’absurdité de la violence par une réalisatrice égérie de la scène punk américaine.
Synopsis : Roy Alston et Bo Richards sont deux adolescents marginaux qui s’ennuient ferme au lycée. Fraîchement diplômés, ils n’ont d’autre perspective qu’une vie de dur labeur à l’usine locale. Pour leur dernier week-end de liberté, ils décident de partir en virée à Los Angeles. Les années de rage et de frustration contenues vont déclencher en eux une véritable folie meurtrière…
Une réalisatrice issue de la scène underground pour un film post-punk nihiliste
Critique : Totalement passé inaperçu en France, lors de sa sortie par le distributeur naissant Metropolitan FilmExport, De sang froid a fermé l’été 1987, en arborant fièrement une interdiction aux moins de 18 ans sur son affiche. Et pour cause, la réalisatrice punk Penelope Spheeris, pas encore rattrapée par le système hollywoodien, poursuivait son introspection d’une jeunesse à cran, celle de la marge, ici sociale. La future cinéaste grunge (Wayne’s World) retrouvait son esprit de documentariste de l’underground (The Decline of the Western Civilization) ou les racines de son fameux film Les loubards (Suburbia), directement édité en VHS chez Vestron Vidéo en France, où l’immersion dans la misère sociale était plus réaliste et plus granuleuse, que celle de De sang froid.

The Boys Next Door © The Killer Venture. Tous droits réservés.
En effet, punk dans ses propos, abîmé des méninges dans sa description du racisme et de l’homophobie, De sang froid est aussi beaucoup plus lisse dans son image que le travail précédent de l’auteure qui passait du cinéma indépendant fauché à celui de la série B commerciale au cœur d’une production adolescente aseptisée, celle de l’écurie John Hugues si populaire en ce temps.
Homophobe ou homo-érotique ?
Roy Alston et Bo Richards, deux jeunes lycéens paumés, en situation d’échec, quittent leur bled pour quelques nuits, et font une virée meurtrière à Los Angeles. Les deux dingos qui assènent la bêtise du disque dur cérébral effacé, et la mort abjecte là où ils passent, sont aussi incarnés par des dieux vénérés par les minettes de l’époque. Charlie Sheen, fils de, au parcours de chaos hollywoodien aussi vertigineux dans son ascension que sa chute, et Maxwell Caulfield, à la carrière achevée quand elle démarra, par le bide monumental de Grease 2 en 1982, donnaient de leur image dans ces rôles physiques. Pour Caulfield, l’enjeu est important. Aux yeux des studios, il porte le poids du bide du sequel de Grease en succédant à John Travolta face à Michelle Pfeiffer. Le jeune comédien accepte The Boys Next Door (titre VO, sans référence cinématographique au classique de Richard Brooks) faute de proposition de studio. Ces deux-là sont des belles gueules de couverture de magazine, et pour Caulfield, la perfection du corps en plus, souvent exhibée en trophée par la caméra de la réalisatrice qui ne s’en prive pas, lui octroyait un charisme sexuel encore plus puissant. Dans sa monstruosité, De sang froid a un cachet sensuel et homo-érotique évident.

Maxwell Caulfield et Charlie Sheen dans The Boys Next Door (De sang froid)
Malgré cet aspect un peu lisse du casting eighties, De sang froid garantit une réflexion de série B underground, cash et terrifiante. L’ambiance et la cruauté du milieu, le poids du déterminisme, l’incapacité intrinsèque de l’individu de se fondre dans un moule qui le méprise, l’envie, la jalousie, la bêtise humaine : tout se mélange dans cette œuvre qui accouche d’une radicalité de l’acte comme inévitable quand la jeunesse manque totalement de repères humains, de cadre sociétal.
De sang froid (The Boys Next Door) : un cinéma bon chic mauvais genre
Taxée rapidement d’homophobie à sa sortie en raison de la barbarie de la mise à mort d’un homosexuel par les deux anges exterminateurs à la sexualité elle-même ambiguë, Penelope Spheeries est tout sauf lisse et elle s’en défend adroitement. Elle a été élevée dans une fratrie de quatre, comprenant deux homosexuels, dont l’une de ses sœurs ; elle a évolué avec des transgenres dès le début des années 70, qui composaient ses meilleurs amis… la réalisatrice se veut être la voix de la marge opprimée et non de l’oppresseur libéral. Après tout, n’a-t-elle pas grandi de camping-car en camping-car ? Sa vie entière -et non sa carrière, qui après Wayne’s World, l’enferma dans le divertissement alimentaire (Les chenapans, Black Sheep ou Supersens), est dédiée aux figures alternatives de la société du décorum.

The Boys Next Door © The Killer Venture. Tous droits réservés.
Devenant un hymne eighties de par sa texture, ses décors, De sang froid (The Boys Next Door), est aussi un film New World (voir Angel), ironise la cinéaste. Elle a dû rassurer ses producteurs en leur promettant un peu plus de sexe et de violence pour satisfaire les besoins des spectateurs des derniers drive-in et salles de quartier, et des millions de salons équipés d’un magnétoscope. L’air du temps ne va pas si mal à cette œuvre bon chic mauvais genre où la beauté du mal et celle du mâle cohabitent jusqu’au malaise.