L’histoire violente d’Écosse revisitée par Neil Marshall, le réalisateur sans concession de The Descent. Centurion – Se battre ou mourir –, relève du bis nerveux, mais les maladresses plombent le résultat. Échec cinglant pour film sanglant.
Un péplum gonflé à la testostérone et agitée du glaive
Critique : Habilement construit du point de vue de l’envahisseur, Centurion continue à propager le mythe sanguinaire à moitié vrai des Pictes, peuple barbare de l’Écosse moyenâgeuse. Ils sont décrits comme des cannibales ou des guerriers assoiffés de sang ; leur combat avec les Romains qui ont dû construire lors de leur retraite le célèbre mur d’Hadrien pour s’en protéger, a marqué l’Histoire. Mais on parle moins de leurs habitudes de fermiers ou de pêcheurs, qui constituaient le gros de leur existence. Bref, connaissant Neil Marshall, réalisateur couillu de Doomsday (hommage fun au postnuke italien des années 80) et petit génie de l’effroi derrière The Descent, la confrontation entre les légions de Rome et les peuplades du nord de la Grande-Bretagne ne pouvait être que gonflée à la testostérone et agitée du glaive.
Centurion est, en tant que récit de guerre, une œuvre puissamment façonnée et riche en exploits sanglants (doit-on préciser qu’aucun film n’a jamais autant égorgé de figurants ?). Trop, sûrement, mais ses excès de violence doivent être vus comme un signe de générosité envers son public, aussi restreint soit-il (depuis Doomsday, Marshall ne fait des films que pour les fans hardcore du cinéma de genre). Pourtant, autant de cruauté tend parfois à lasser un peu, devenant excessivement illustrative au détriment du sérieux de l’ambiance générale.
Centurion mélange les genres pour de rares bons moments de cinéma
Derrière toutes les gâteries scabreuses et scatologiques dont il abreuve son métrage (Marshall, dans son ultime fantasme de virilité, met souvent en scène ses guerriers se soulageant la vessie, dans de grands moments d’intimité où tout peut arriver !), le réalisateur retrouve parfois le goût de l’aventure pour livrer un authentique jeu de piste. Un petit commando de Pictes, avec à leur tête l’ancienne James Bond girl, Olga Kurylenko, en louve chasseresse et vengeresse, forcément moins sexy qu’à l’accoutumée, pourchasse les survivants romains qui ont tué l’héritier de la tribu. Parmi eux, on retrouve l’extraordinaire Michael Fassbender (Hunger, Fish Tank), toujours aussi physique et intense dans ses moments de démence. Dans cette course-poursuite, au cœur des vertiges sublimes des Highlands, la guerre dérive alors vers le survival. Les tueurs abusent de leurs machettes, arrachent les membres, enfilent les têtes sur les lances… L’horreur de genre est une tentation de chaque instant pour celui qui a contribué brillamment au cinéma horrifique avec The Descent.
Malgré quelques vrais beaux moments de cinéma, et une réalisation hargneuse qui aurait de quoi influencer les novices, on ne peut néanmoins s’empêcher de ressentir une certaine déception. A trop vouloir jouer la carte du divertissement barge, Marshall manque de crédibilité artistique, notamment lorsqu’il insère une romance décevante entre le légionnaire joué par Fassbender et une paria picte. A ce moment là, le film bascule inévitablement du côté du mauvais alors qu’on assiste dépité à l’apparition d’une sorcière coiffée comme une contemporaine avec en plus une couche de rouge à lèvres pour revêtir ses pulpeuses lèvres.
Si la pirouette scénaristique finale est plutôt bienvenue, renvoyant dos-à-dos les tribus guerrières écossaises et les Romains, ce n’est pas vraiment dans l’enthousiasme que l’on ressort de cette expérience. La photographie terne et le filmage souvent laid tempèrent nos sentiments, y compris durant les vraies bonnes scènes de combat. Le dernier Neil Marshall est par trop bancal pour captiver jusqu’au bout. Dans le meilleur des cas, il restera une série B musclée qui a au moins le mérite de ne pas trop ennuyer, mais on ne lui décernera pas pour autant les galons de film culte ou d’œuvre maudite.
Box-office : échec cinglant pour film sanglant
Sortie technique sans aucune projection de presse en France, Centurion a dû attendre trois mois après son apparition au Royaume-Uni pour éclore sur 7 écrans français. Le score est catastrophique, avec à peine 3 963 spectateurs sur notre territoire à l’issue de trois semaines à l’affiche.
En première semaine, Neil Marshall obtient 3 104 spectateurs sur ses 7 écrans situés exclusivement sur Paris-Périphérie. La province ne pourra découvrir ce péplum de série B qu’en Blu-ray et DVD en janvier 2011. Aussi, pour sa première semaine, c’est une entrée en 34e place qui attend le film d’action. La chute fut sévère avec moins de 1 000 entrées pour sa deuxième semaine de funérailles. Le Blu-ray de consommation rapide se parera que d’un sur-étui, de featurettes anodines et des scènes coupées qui ne permettront jamais au film de marquer un genre alors à la mode (les films 300, L’aigle de la neuvième légion, œuvre miroir plus aboutie de Kevin Macdonald qui sortira en 2011, ou les séries Spartacus, Rome…)