Borat, nouvelle mission filmée confirme la volonté de Sacha Baron Cohen de choquer les consciences et d’alerter sur les dérives réactionnaires actuellement à l’œuvre. Le tout porté par un humour trash sans limite. Hilarant.
Synopsis : Borat, le journaliste kazakh, exubérant, nigaud et fan des États-Unis, est accusé d’avoir terni l’image de son pays dans le monde. Pour se racheter, il se lance dans une nouvelle mission : marier sa fille à un puissant homme politique américain.
Un humour trash intact
Critique : Alors que le premier Borat (Charles, 2006) a été un triomphe mondial inattendu (environ 260 millions de dollars de recettes mondiales pour un budget minimal de 18 millions de billets verts), il semblait évident qu’une suite voie le jour. Pourtant, ne souhaitant jamais s’endormir sur ses lauriers, l’humoriste Sacha Baron Cohen n’a eu de cesse de créer de nouveaux personnages originaux dans des œuvres aussi drôles et irrévérencieuses que Brüno, The Dictator ou Grimsby : Agent trop spécial.
Toutefois, le Britannique a souhaité confronter l’Amérique qui venait d’élire Donald Trump à ses propres contradictions et a ainsi réactivé le personnage de Borat, ce journaliste fictif venu du Kazakhstan. Sacha Baron Cohen reprend le même procédé qui lui est cher, à savoir la multiplication de caméras cachées où il prend au piège des Américains pris en flagrant délit de racisme, de complotisme ou parfois bien pire. Toutefois, comme l’Amérique a beaucoup évolué entre 2006 et 2020, Sacha Baron Cohen aurait pu être forcé de mettre de l’eau dans son acide. Force est de constater que le comique a toujours un courage fou puisqu’il s’attaque non seulement aux réactionnaires de tous poils, mais aussi aux détenteurs de la vérité woke.
La cible favorite de Sacha Baron Cohen : les pro-Donald Trump
Toujours fervent défenseur d’un humour trash d’un mauvais goût largement assumé, Sacha Baron Cohen délivre un brûlot politique majeur qui renvoie tout le monde dos à dos dans un grand bain de méchanceté jubilatoire.
Borat, nouvelle mission filmée (2020) va très très loin dans l’humour graveleux et décalé, tout en démontrant de manière flagrante la face la plus horrible des États-Unis. Certes, il n’épargne pas les pays de l’Est en se moquant des mentalités arriérées des populations, mais il s’en sert surtout pour confronter la population américaine à ses propres préjugés. Ainsi, Borat trimbale sa fille dans une cage ou en laisse devant des Américains médusés, avec pour but de la vendre, sans que cela bouscule vraiment les consciences. Alors que l’acteur s’immisce dans des réunions publiques tenues par des Républicains et des soutiens de Donald Trump, il permet à chacun de se rendre à l’évidence : les réactionnaires sont légion et tiennent des discours totalement incohérents basés sur une inculture crasse. On peut en dire tout autant des complotistes.
Un document désormais historique sur les débuts de la pandémie mondiale
Effectivement, Borat, nouvelle mission filmée se dote aujourd’hui d’une dimension historique puisque son tournage a été bouleversé par l’intrusion non prévue de la pandémie mondiale de la Covid-19. L’occasion d’une vaste réécriture du script pour intégrer cet élément et ajouter des images chocs des manifestations anti-confinement, galvanisées par le président lui-même. Si l’ensemble des saynètes est extrêmement drôle car franchement trash, elles font toutefois peur sur l’état d’une certaine Amérique – que l’on retrouve en France, ne nous voilons pas la face – et on se demande même parfois comment Sacha Baron Cohen a pu échapper à des procès. On pense notamment à la scène ahurissante où l’actrice Maria Bakalova s’offre quasiment à l’ancien maire de New York Rudy Giuliani qui se retrouve pris en flagrant délit de tentative de relation sexuelle avec une mineure.
On notera enfin que l’Amérique de Trump est toujours hantée par l’antisémitisme, ainsi que par des mouvements anti-avortement, tandis que le mouvement Q-Anon fait décidément de plus en plus d’adeptes. Loin de n’être donc qu’un divertissement trash, Borat, nouvelle mission filmée est surtout un portrait au vitriol d’une Amérique déliquescente qui fait vraiment peur à voir, d’autant que ces mouvements influencent désormais l’ensemble du monde et les réseaux complotistes français.
Contrairement au premier film, qui avait rapporté plus de 250M$ dans le monde via la Twentieth Century Fox, la comédie 2020 est parue exclusivement sur la plateforme Amazon Prime, ce qui est fort dommage au vu de sa qualité humoristique et de sa valeur de témoignage historique. Le but pour le satiriste qui ne se voyait plus passer par la Fox, appartenant à Disney, et ne pouvait pas compter sur les salles, pour beaucoup fermées à cause de la crise du coronavirus, le choix d’Amazon s’imposait. L’objectif étant de lancer le film pour les élections américaines qui allaient faire basculer Donald Trump du haut de l’exécutif. Historique, l’on vous dit.
Critique de Virgile Dumez