Biopic académique sans grand intérêt, Back to Black vaut surtout pour la prestation impeccable de son actrice principale, mais l’ensemble demeure bien trop sage pour pleinement emporter l’adhésion.
Synopsis : Back to Black retrace la vie et la musique d’Amy Winehouse, à travers la création de l’un des albums les plus iconiques de notre temps, inspiré par son histoire d’amour passionnée et tourmentée avec Blake Fielder-Civil.
Un biopic validé par la famille de l’artiste
Critique : En 2011, la chanteuse britannique Amy Winehouse rejoint le triste club des 27, ce collectif des artistes décédés à l’âge de 27 ans. Ainsi, à la suite d’une surdose d’alcool, la jeune femme à la voix exceptionnelle, a rejoint Janis Joplin, Jimi Hendrix, Brian Jones, Jim Morrison et Kurt Cobain dans ce qui semble être une véritable malédiction frappant les icones de la pop culture. Dès l’annonce de son décès, des producteurs ont cherché à transposer cette vie aussi incroyable que fulgurante au cinéma. Toutefois, la famille a freiné leurs ambitions et seul le documentaire Amy (Asif Kapadia, 2015) a pu voir le jour, glanant au passage l’Oscar du meilleur documentaire en 2016.
© 2024 Studiocanal / Photographie : Dean Rogers. Tous droits réservés.
Après bien des tractations, la famille de la chanteuse a fini par accepter l’idée d’un biopic en 2018. Il a fallu attendre 2022 pour que Studiocanal UK décide de se lancer véritablement dans le projet autour d’un script rédigé par Matt Greenhalgh (qui avait déjà officié dans le biopic musical avec le scénario de Control sur Ian Curtis le chanteur de Joy Division, mais aussi sur Nowhere Boy à propos de John Lennon, déjà réalisé par Sam Taylor-Johnson). Le but était de retracer le plus fidèlement possible l’ascension de la jeune femme, mais aussi la création de son œuvre, ses amours tumultueuses et enfin sa déchéance dans l’alcool. Un programme certes ambitieux, mais terriblement prévisible dans sa linéarité.
Back to Black manque cruellement de point de vue artistique
Effectivement, Back to Black appartient à cette catégorie de biopics académiques qui pâtissent d’un manque de point de vue et qui ne semblent pas vouloir choisir d’angle d’attaque. Dès lors, le métrage effleure chaque moment de la vie de l’artiste sans jamais insister sur un seul. Nous ne saurons donc pas grand-chose de son mal-être initial, pas beaucoup plus sur l’origine de ses influences musicales, encore moins sur le travail effectué sur sa voix. Enfin, la création de ses chansons n’apparaît qu’à une reprise de manière anecdotique, tandis que l’enregistrement de son album majeur (Back to Black, donc) n’apparaît tout bonnement pas à l’écran.
D’ailleurs, le novice qui ne maîtrise pas l’œuvre de la chanteuse ne comprendra même pas comment elle a pu passer d’une discrète chanteuse de club de jazz à star internationale puisque rien n’est dit à propos de ses tubes. Certes, on entend bien dans le film les classiques que sont Rehab et Back to Black, mais on ne dit goutte sur le processus créatif. Entièrement centré sur l’idée que la vie de l’artiste nourrit intégralement son œuvre, le biopic se sert donc des paroles des chansons pour illustrer les situations déjà vues précédemment. Un peu facile !
Cinquante nuances de fadeur
Il ne faut pas compter non plus sur la réalisatrice Sam Taylor-Johnson pour apporter au projet un réel point de vue cinématographique puisque l’ancienne photographe underground est devenue une cinéaste très conventionnelle, comme nous l’a montrée son adaptation aseptisée de Cinquante nuances de Grey en 2015. Incapable d’imposer un regard quelque peu original, la cinéaste illustre donc platement son scénario, construit sur le modèle d’une fiche Wikipedia qui survolerait tout.
En fait, le seul point positif du long métrage vient de l’implication de la comédienne Marisa Abela qui incarne avec prestance la chanteuse au caractère bien trempé qui ne semblait pas vouloir plier face aux géants de l’industrie musicale. On notera que l’actrice a été secondée par un coach musical qui lui a permis d’imiter la grande Amy lors de concerts live où il n’aurait pas été crédible de plaquer la véritable voix de la chanteuse. Il s’agit donc d’une belle performance qui n’est malheureusement pas suffisamment mise en valeur par un film décidément trop banal dans son déroulement programmatique. On notera toutefois une jolie bande originale composée par Nick Cave et Warren Ellis, mais quelque peu effacée par rapport aux tubes soul et jazzy de la star défunte.
Un bide américain, mais une carrière plus honorable en Europe
Sorti au mois de mai 2024 aux Etats-Unis, Back to Black a été un cuisant échec avec seulement 3 millions de dollars amassés lors de sa première semaine malgré une présence sur plus de 2 000 écrans. Finalement, le long métrage n’aura tenu que quatre semaines à l’affiche pour un total assez ridicule de 6 178 165 $. La chanteuse britannique a visiblement été oubliée du public américain.
© 2024 Studiocanal / Photographie : Dean Rogers. Tous droits réservés.
Bien évidemment, le marché qui fut le plus favorable au long métrage est le Royaume-Uni où le biopic a amassé plus de 15 millions de dollars de recettes. Juste derrière arrive la France avec plus de 8 millions de dollars accumulés, puis l’Allemagne avec 6 millions de billets verts.
Box-office français de Back to Black
Dans l’Hexagone, Back to Black est sorti le 24 avril 2024 face à Challengers (Luca Guadagnino) avec Zendaya et plusieurs films français comme Frères (Olivier Casas), N’avoue jamais (Ivan Calbérac) et le polar Le mangeur d’âmes ( Julien Maury, Alexandre Bustillo). Le biopic positionné dans 424 salles n’a rencontré aucune difficulté pour s’imposer avec une première place hebdomadaire et 367 818 musicologues. Ce beau démarrage a permis à Studiocanal d’ajouter plus d’une centaine de copies supplémentaires lors d’une deuxième semaine marquée par une baisse minime de 15 % pour 310 496 retardataires.
Le distributeur va soutenir à fond son poulain qui connaît un certain engouement du public et ira jusqu’à 732 copies. Au bout de cinq semaines, le métrage franchit la barre symbolique du million d’entrées, avant de tenir encore l’affiche jusqu’à la mi-août pour terminer sa carrière avec 1 099 309 mélomanes. C’est d’ailleurs à ce moment que sortent les versions physiques du film en DVD, blu-ray et UHD 4K. Enfin, notons que pour Studiocanal, ce joli succès a mis fin à une série d’échecs problématiques.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 24 avril 2024
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© 2024 Studiocanal / Affiche : Empire Design. Tous droits réservés.
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Sam Taylor-Johnson, Eddie Marsan, Jack O’Connell, Lesley Manville, Marisa Abela
Mots clés
Cinéma britannique, Biopic, Film musical, L’alcoolisme au cinéma, Les films académiques
