Film de déconfinement qui fleure bon la moiteur des corps épris de désir, Azuro est une œuvre délicieuse, à la positivité rayonnante.
Synopsis : Dans la chaleur écrasante de l’été, des amis retournent comme chaque année dans leur petit village préféré, coincé entre la mer et la montagne. Comme d’habitude, ils s’ennuient, mangent, boivent beaucoup. Ils ne font attention ni au feu qui progresse sur la montagne, ni au monde qui les entoure. Mais cette année, un homme très mystérieux arrive de la mer, sur un bateau doré, et vient bousculer leur prétendu équilibre…
Parenthèse enchantée chez Marguerite Duras
Critique : Pour évoquer le tournage d’Azuro, Valérie Donzelli parle d’une parenthèse enchantée. Effectivement, tourné juste après le grand confinement de 2020, et avant la reprise épidémique de la rentrée, exclusivement en extérieur, l’œuvre au budget réduit d’un million d’euros, a donné aux acteurs la possibilité d’un retour à la vie et à la liberté que l’on ressent dans leur jeu décontracté et fébrile.
Pour son premier long métrage, le comédien Mathieur Rozé s’abandonne à filmer Duras. Il adapte Les petits chevaux de Tarquinia, ouvrage d’après guerre, où Donzelli serait plus ou moins la Duras du bouquin, dans sa maternité possessive et le désir interdit de l’autre. L’ambition est élevée, mais le désormais cinéaste réussit à sa façon à lui redonner des couleurs. Il a choisi une adaptation moderne, hors du monde, même hors du temps (l’interdiction générale du téléphone portable apporte un vrai cachet), où même la langue autochtone brouille les pistes quant au lieu méridional choisi. La langue, espéranto fantasmé, refuse la filiation avec un pays en particulier. Même le titre, Azuro, ne renvoie dans cette orthographe à aucune langue. C’est en cela que réside le charme de cette entreprise de voyage généreuse où chacun est convié dans l’intimité de ces couples aux rituels que l’on ne connaît que trop bien pour souvent les avoir vécus.
Azuro au son magnifiquement italo de Kid Francescoli
Azuro pose un cadre bleu azur d’une splendeur revigorante pour les éternels estivants du cœur que nous sommes. Il est celui du prélassement, du rythme au ralenti, des corps caressés par le soleil complice des marivaudages effectifs ou fantasmés, et donc celui d’une dolce vita que la musique électronique de Kid Francescoli vient encore adoucir de ses rêveries musicales. Les plages aériennes et vaporeuses du compositeur électronique baignent dans l’inspiration du groupe Air, à la sauce italo, et sert de nom prestigieux au générique d’un film qui ne l’est pas moins. Outre Donzelli, citons la touche humoristique de Thomas Scimeca, la virilité de Yannick Choirat, et la personnalité toujours affûtée de Florence Loiret Caille. Entre autres.
Une pause rêverie qui dépasse le clivage des saisons
Le bleu de circonstance ne varie que quand la nuit tombe ou gronde l’incendie lointain qui vient annoncer un danger imminent. Ce feu incandescent ne serait-ce pas celui de la tentation qui, soudainement, brûle le corps de l’intérieur quand les codes conjugaux s’érodent? Première victime de cette colorimétrie à géographie variable, Valérie Donzelli, seulement actrice pour une fois, toujours aussi juste de fragilité et de pertinence féminine, voit son personnage irrémédiablement attiré par le latin lover tout droit descendu de son bateau, joué par Nuno Lopes, la peau hâlée. Cèdera-t-elle à l’expérience interdite?
Matthieu Rozé, photographe témoin, offre aux spectateurs une radiographie conjugale douce et bienveillante où les histoires de couple, les remises en question et les crises se font sans amertume ni orages d’été qui remettraient en question le juste équilibre dans cette œuvre de bonheur partagé.
Car l’on croit à ce que l’on voit à l’écran, car Duras n’a jamais paru aussi légère au cinéma, Azuro le solaire est un délice qui mérite bien mieux que ses 17 000 entrées au box-office lors d’une sortie post-covid où l’art et essai était lui mis à terre par les attitudes changeantes des spectateurs. Film d’un collectif palpable de sincérité et de complicité, cette chronique de vacances fonctionne comme une pause rêverie à regarder à tous les moments de l’année. En cela le film de Matthieu Rozé est un précieux antidépresseur qui devrait être remboursé par la sécurité sociale.
Ecoutez la musique de Kid Francescoli pour Azuro
Sorties de la semaine du 30 mars 2022
Design affiche : Benjamin Seznec pour Troïka, d’après une photo de Patrick Terraz. © Tabo Tabo Films – Comic Strip Production.
Le test DVD
Azuro est disponible en HD en VOD et en achat numérique. Attention, pour le format physique, il n’existe qu’un DVD et c’est un peu un raté.
Compléments : 1 / 5
Un making-of très sommaire, quasi improvisé, est proposé. On préfèrera revoir les interviews du cinéaste et de Donzelli sur YouTube, elles sont nombreuses et bien plus riches.
Image : 2 / 5
L’image SD est très loin de retranscrire le potentiel d’un film tourné en pellicule et non en numérique. Le rendu est approximatif, et manque de précision. A l’heure où certaines copies DVD sont superbes, Azuro et sa voûte céleste d’un bleu aérien, ne remplit pas son rôle.
Son : 3 / 5
Le DVD se pare de deux pistes, 2.0 et 5.1., avec sous-titres pour malentendants et audiodescription. La piste stéréo est plate ; il vaut mieux privilégier la 5.1. Celle-ci n’est pas un monstre de puissance, mais remet (légèrement) plus d’ambiance estivale dans le salon. Et le score de Francescoli gagne un cran de volume.
Création graphique DVD © 2022 L’Atelier d’images pour Blaq Out. Design affiche : Benjamin Seznec pour Troïka, d’après une photo de Patrick Terraz. © Tabo Tabo Films – Comic Strip Production.
Biographies +
Matthieu Rozé, Nuno Lopes, Valérie Donzelli, Thomas Scimeca, Florence Loiret-Caille, Maya Sansa, Yannick Choirat