Amateur : la critique du film (1994)

Comédie dramatique, Policier | 1h45min
Note de la rédaction :
7/10
7
Amateur, l'affiche

  • Réalisateur : Hal Hartley
  • Acteurs : Isabelle Huppert, Martin Donovan, Elina Löwensohn, Damian Young, Parker Posey
  • Date de sortie: 19 Oct 1994
  • Nationalité : Américain, Britannique, Français
  • Scénariste : Hal Hartley
  • Directeur de la photographie : Michael Alan Spiller
  • Compositeur : Hal Hartley (sous le pseudonyme de Ned Rifle), Jeffrey Taylor
  • Distributeur : Diaphana Distribution
  • Budget : 2,3 M$
  • Box-office France / Paris-périphérie : 126 813 entrées / 57 074 entrées
  • Box-office USA : 757 088 $
  • Format : 1.66 : 1
  • Crédits affiche : © 1994 Diaphana Films / Affiche : © Pierre Collier. Tous droits réservés.
Note des spectateurs :

Amateur confirmait en 1994 l’importance du cinéaste Hal Hartley sur la scène indépendante américaine. Malgré ses innombrables qualités et la présence d’Isabelle Huppert, le film fut un échec public.

Synopsis : Isabelle, une ancienne religieuse, recyclée dans le roman porno et investie par Dieu d’une mission qu’elle ignore encore, Thomas, un amnésique et Sofia, une jeune femme, star du porno, se rencontrent dans les rues de New York et se retrouvent vite poursuivis par des tueurs à gages.

Hal Hartley, espoir du cinéma indépendant du début des années 90

Critique : En 1992, les jeunes cinéphiles français ont découvert la naissance d’un artiste indépendant au talent évident, un certain Hal Hartley. Grâce au formidable écho remporté par son chef-d’œuvre Trust Me, les distributeurs français se sont lancés à corps perdu dans l’exploitation du catalogue du réalisateur, fort d’un premier long-métrage inédit (The Unbelievable Truth) et de courts-métrages réunis au sein d’un film omnibus nommé Surviving Desire. Dans le même temps sortait son troisième long, Simple Men. La plupart de ces films étant excellents, beaucoup ont vu en lui l’espoir du cinéma indépendant américain. De quoi lui attirer un financement plus important pour son œuvre suivante intitulée Amateur (1994).

Tourné comme Simple Men avec un budget triple par rapport à celui de ses premiers essais, Amateur permet au réalisateur de se payer les services d’une star française, en l’occurrence Isabelle Huppert, qu’il confronte à ses acteurs habituels comme Martin Donovan, Elina Löwensohn et Damian Young.

Un film sous forte influence du cinéma de Godard

Toutefois, pas question pour le réalisateur de se laisser gagner par les sirènes d’un cinéma plus conventionnel puisqu’il clame à travers ce nouvel opus son amour pour le cinéma de Godard. Pas celui des années 80-90 gagné par un hermétisme absolu, mais bien celui des années 60 qui était capable de livrer des chefs-d’œuvre comme A bout de souffle, Pierrot le fou, Le mépris et tant d’autres. Les références à son cinéma pullulent ici que ce soit par la circulation d’un revolver entre les personnages, mais aussi par les dialogues (pastiche de la scène d’amour inaugurale du Mépris).

Revisitant le cinéma de la Nouvelle Vague française qu’il maîtrise sur le bout des doigts, Hal Hartley n’en oublie pas pour autant de développer ses propres thématiques. Il nous invite à suivre les errances de personnages paumés (un amnésique, une ancienne nonne devenue romancière porno et une star du X en rupture) dans un New York interlope qui convoque immédiatement l’ombre tutélaire du grand cinéma indépendant des années 60-70. Si Hartley adore confronter les contraires (la foi et le profane, l’homme et la femme, l’amour et le sexe), il clame surtout son amour pour les êtres humains borderline.

Une critique à peine voilée d’une société normative

Le plus bel exemple de cet amour de la marge réside dans le fait que tous les truands du film arborent un magnifique costume-cravate, comme si la menace qui allait s’abattre sur le monde ne pouvait venir que des cols blancs. Représentants d’un univers formaté dicté par des impératifs économiques, ces hommes ne sont que des pantins désarticulés que le cinéaste filme donc de manière outrancière (on adore la gestuelle particulière adoptée par Damian Young, dans un rôle difficile).

Certes, les héros incarnés par le trio principal (Huppert, Donovan, Löwensohn) sont également des êtres à la dérive, mais l’auteur les valorise par leur capacité à rêver. Il s’agit de personnages évanescents, comme issus d’un monde fantomatique, et d’ailleurs on peut même se demander si le protagoniste incarné par Martin Donovan n’est pas un spectre errant, comme un mort qui aurait oublié de passer totalement l’arme à gauche.

Une ambiance musicale savoureuse et enveloppante

C’est cette capacité à nous montrer une réalité déformée qui fait tout le prix du cinéma de Hal Hartley. Le tout est porté par une réalisation sobre, mais qui sait aller à l’essentiel. Sans en abuser, le cinéaste utilise également une superbe bande sonore composée à la fois du score écrit par lui-même (sous le pseudo de Ned Rifle) et Jeffrey Taylor, mais aussi de titres venus de la scène rock indépendante américaine. Le tout tisse une ambiance qui sait alterner les moments de poésie, avec quelques accès de violence et des instants plus loufoques.

Si Amateur n’est pas le film le plus abouti de son auteur, il n’en demeure pas moins l’un des derniers travaux vraiment intéressants d’un réalisateur qui a ensuite assez vite perdu l’inspiration de ses débuts.

Un échec public qui est devenu rare

Malgré la présence d’Isabelle Huppert en tête d’affiche et des critiques plutôt favorables, Amateur n’a réuni dans les salles françaises que 126 813 spectateurs amoureux du cinéaste indépendant. Le long-métrage a ensuite totalement disparu des écrans. Il est toutefois désormais disponible sur les plateformes de VOD, permettant à toute une nouvelle génération curieuse de découvrir le dernier grand film d’Hal Hartley.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 19 octobre 1994

Voir le film en VOD

Amateur, l'affiche

© 1994 Diaphana Films / Affiche : © Pierre Collier. Tous droits réservés.

Box-office :

Après les succès de Trust me et Simple Men, Amateur, co-production franco-américaine, aurait dû ravir le public français. Mais ignoré par Cannes et Deauville, le film sort dans un circuit sans envergure de 7 écrans parisiens le 19 octobre, marché dominé par les productions américaines pour les vacances (Danger immédiat avec Harrison Ford, dans 48 salles parisiennes, ou Les nouvelles aventures de croc blanc dans 35 cinémas). Le premier jour à 2 762 entrées est encourageant et la première semaine parisienne excellente : 19 910 entrées avec un taux de remplissage à plus de 2 000 spectateurs dans tous les cinémas le programmant (à savoir l’UGC George V, le Ciné Beaubourg, le 14 Juillet Hautefeuille, l’UGC Rotonde, le Gaumont Français Opéra, Le Bastille et l’UGC Gobelins).

La deuxième semaine est aussi exaltante, avec 14 005 entrées, et même une micro salle supplémentaire, L’Épée de Bois. Les moyennes parisiennes sont bonnes. Très belle tenue en troisième semaine, avec 9 087 fans exaltés de Hal Hartley, pour un total de 43 002 tickets. En 5e semaine, Hal Hartley et sa nouvelle muse, Isabelle Huppert, perdent 3 écrans, et se retrouvent à 4 855 spectateurs, sur 5 sites. Si La moyenne demeure satisfaisante, un score final autour des 80 000 entrées sera écarté. Très vite, le jeu de la concurrence et le déclin de la fréquentation le rabaissent à 2 écrans en 7e semaine pour un total de 54 000 Parisiens. Le film y achèvera sa carrière après 12 semaines, ce qui est très peu pour l’époque pour ce type de production indépendante au potentiel urbain culte. Les 57 000 spectateurs ne compenseront pas les espoirs de son distributeur qui a au moins pu miser sur des villes étudiantes comme Lyon et Montpellier, et à un moindre niveau Toulouse pour retrouver le public estudiantin qui avait fait la gloire de l’auteur en France. Au total, Amateur conclut sur 126 000 entrées France, ce qui est légèrement moins bien que le cannois Simple Men, mais beaucoup mieux que les deux derniers films d’Hal Hartley à avoir été distribués en France, à savoir Flirt en 1996 (29 000) et surtout l’inégal Henry Fool en 1998 (16 000).

Frédéric Mignard  

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