Amants : la critique du film de Vicente Aranda (1993)

Drame, Historique | 1h43min
Note de la rédaction :
6,5/10
6,5
Amants, l'affiche du film de 1991

  • Réalisateur : Vicente Aranda
  • Acteurs : Victoria Abril, Jorge Sanz, Maribel Verdú
  • Date de sortie: 09 Juin 1993
  • Nationalité : Espagnol
  • Titre original : Amantes
  • Titres alternatifs : Lovers: A True Story (Etats-Unis) / Kochankowie (Pologne) / Amantes - Amanti (Italie) / Szeretők (Hongrie) / Os Amantes (Brésil)
  • Année de production : 1991
  • Autres acteurs : Enrique Cerro, Mabel Escaño, Alicia Agut
  • Scénaristes : Vicente Aranda, Álvaro del Amo, Carlos Pérez Merinero
  • D'après le fait divers connu sous le nom El Crimen de La Canal (Espagne, 1949)
  • Monteuse : Teresa Font
  • Directeur de la photographie : José Luis Alcaine
  • Compositeur : José Nieto
  • Chef maquilleur : Gregorio Ros
  • Chef décorateur : Josep Rosell
  • Directeur artistique : Josep Rosell
  • Producteurs : Pedro Costa, José Luis Rubio
  • Producteur exécutif : Pedro Costa
  • Sociétés de production : Pedro Costa Producciones Cinematográficas, Televisión Española (TVE)
  • Distributeur : Colifilms
  • Distributeur reprise :
  • Date de sortie reprise :
  • Editeur vidéo :
  • Date de sortie vidéo :
  • Budget :
  • Box-office France / Paris-Périphérie : 71 557 entrées / 33 780 entrées
  • Box-office nord-américain : 1 407 309 $ (soit 3 060 000 $ au cours de 2023)
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 1.66 : 1 / Couleur / Son : Dolby (RCA Sound Recording)
  • Festivals : Festival de Berlin 1991 : en sélection officielle / Festival de Chicago 1991 : en sélection officielle
  • Nominations : Prix Goya 1992 : 7 nominations (meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur acteur, meilleures actrices, meilleur scénario et meilleur montage) / Fotogramas de Plata 1992 : 4 nominations (meilleur film, meilleur acteur et meilleures actrices) / Prix Sant Jordi du cinéma 1992
  • Récompenses : Festival de Berlin 1991 : Ours d'argent de la meilleure actrice pour Victoria Abril / Festival de Chicago 1991 : Prix du meilleur réalisateur pour Vicente Aranda / Prix Goya 1992 : Meilleur film et Meilleur réalisateur pour Vicente Aranda / Fotogramas de Plata 1992 : Meilleur film / Prix Sant Jordi du cinéma 1992 : Meilleur film
  • Illustrateur/Création graphique : © Pierre Collier. Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : © 1991 Pedro Costa Producciones Cinematográficas - Televisión Española (TVE). All Rights Reserved. Tous droits réservés.
  • Attaché de presse : Thierry Lenouvel, Isabelle Buron
Note des spectateurs :

Métaphore de la fracture sociétale au cœur de l’Espagne franquiste, Amants est un drame criminel porté par ses interprètes et un script valeureux. La réalisation austère ne facilite toutefois pas l’identification et l’ensemble demeure réfrigérant.

Synopsis : Madrid, années 1950. Paco, un jeune provincial qui vient d’achever son service militaire, cherche du travail afin d’assurer un avenir au couple qu’il compte former avec sa fiancée, Trini. Il loue une chambre chez Luisa, avec laquelle il découvre la passion physique. Partagé entre les deux femmes, Paco perd pied. L’issue de ce triangle amoureux sera tragique et sordide.

Un projet télévisuel finalement porté au cinéma

Critique : Librement inspiré d’un fait divers réel connu sous le nom « El Crimen de La Canal », intervenu en Espagne en 1949, Amants (1991) était initialement prévu pour intégrer une série télé policière populaire intitulée La huella del crimen 2. Ainsi, le scénario a été développé comme celui d’un simple épisode de série, avant que le producteur Pedro Costa en discute avec le réalisateur Vicente Aranda. Tous deux en vinrent à la conclusion que cette histoire méritait mieux que de figurer au sein d’un programme télévisé et conclurent un accord pour la réalisation d’un vrai film de cinéma.

Vicente Aranda voit notamment dans ce fait divers l’occasion de peindre le portrait de l’Espagne franquiste des années 50 avec la possibilité d’évoquer le fossé béant ouvert à cette époque entre une Espagne traditionnelle vantée par le régime en place et une autre avide de modernité et de nouveauté. De manière assez audacieuse, Vicente Aranda propose de suivre le destin d’un jeune homme partagé entre deux femmes qui représentent à elles seules les deux faces de cette Espagne franquiste. Alors qu’Antonio Banderas était initialement pressenti pour interpréter ce jeune homme trimballé par ses maîtresses, c’est finalement Jorge Sanz – connu alors en Espagne pour ses rôles en tant qu’enfant et adolescent – qui écope du rôle. Son aspect juvénile et moins directement masculin permet au cinéaste d’en faire un personnage passif, uniquement guidé par son désir sexuel et donc en proie à deux femmes déterminées à en faire leur homme.

Amants, un portrait de deux femmes antagonistes, comme deux faces de l’Espagne

Particulièrement faible, ce personnage masculin qui n’arrive jamais à choisir peut irriter à force de tergiversations. Son absence de jugement et son unique préoccupation charnelle n’en font pas un personnage très aimable et l’identification est donc assez difficile. Finalement, comme souvent chez Vicente Aranda, ce sont les femmes qui tirent les ficelles. Autant la sexuée Luisa – magnifique Victoria Abril qui a obtenu un Ours d’argent de la meilleure actrice au Festival de Berlin en 1991 – incarne une forme de modernité, autant la juvénile Maribel Verdú symbolise cette Espagne prude, catholique et traditionnaliste que le cinéaste n’apprécie guère. Pour autant, les deux femmes, de deux manières différentes, tissent leur toile autour du jeune homme pour lui faire faire ce qu’elles désirent.

On sent bien que le réalisateur penche plutôt du côté de Luisa, avec sa force de caractère, sa résolution sans faille et surtout sa volonté de s’émanciper d’un carcan sociétal trop lourd à porter. Victoria Abril incarne à merveille cette femme libre qui va jusqu’au bout de ses passions, au risque de se prendre le mur de la dictature en pleine face. Face à elle, Maribel Verdú, malgré son charme juvénile, symbolise parfaitement cette Espagne immortelle, faite de croyances et de bondieuseries, aussi parfaite, immaculée et irritante dans son absolue perfection de femme modèle. Au milieu, Jorge Sanz semble réellement paumé, à la fois désireux de rentrer dans le rang et attiré par la chair.

Des pointes d’érotisme, mais aussi de l’austérité

Comme à son habitude, Vicente Aranda a recours à quelques scènes érotiques efficaces, dont celle du mouchoir – on vous laisse découvrir cette pratique, suggérée selon certaines sources par Victoria Abril sur le plateau et validée par le cinéaste. Toutefois, Vicente Aranda semble assagi avec ces Amants dont le budget sans doute assez important appelait une forme de retenue pour ne pas froisser le plus grand nombre. Ainsi, la réalisation s’avère assez classique, voire carrément austère. La photographie de José Luis Alcaine est assez étonnamment terne, voire éteinte, sauf dans la dernière scène située devant la cathédrale de Burgos (la symbolique chrétienne est d’autant plus importante dans une Espagne franquiste très croyante).

Cette scène terminale a notamment bénéficié d’une tempête de neige imprévue qui donne du caractère à la lumière et qui renforce fortement ce qui se déroule à l’écran. Là encore, le réalisateur fait preuve de beaucoup de retenue pour évoquer le point d’orgue du film, à savoir un meurtre. Il se sert ici habilement du hors champ pour signifier plutôt que pour en mettre plein la vue. De même pour la conclusion allusive qui laisse supposer la victoire des amants, tandis que des informations écrites viennent contredire les images présentes à l’écran.

Amants, un film célébré en son temps par les critiques

Sorti en Espagne en 1991, Amants a connu une jolie carrière validée in fine par les Goya du meilleur film et du meilleur réalisateur en 1992. Également présent dans les salles de la ville de New York à partir de mars 1992, le film à forte dimension érotique a séduit le public local au point d’amasser la rondelette somme de 1 407 309 $ (soit 3 060 000 $ au cours de 2023).

Aidé par la présence à son générique de Victoria Abril, très populaire en France, Amants a également eu droit à une sortie tardive dans l’Hexagone. Diffusé à partir du 9 juin 1993 dans toute la France par le distributeur Colifilms, Amants a eu une belle carrière dans le domaine de l’art et essai, et notamment à Paris où le film compte près de 50% de la fréquentation globale du film. Il y restera 15 semaines à l’affiche. Un exploit pour une oeuvre parue dans 4 cinémas face à L’odeur de la Papaye Verte et le Lelouch Tout ça pour ça.

Par la suite, le long-métrage a suivi la pente maudite du cinéma espagnol en France en n’étant pas édité en VHS, et encore moins en DVD ou blu-ray. Les fans de Vicente Aranda ou de Victoria Abril doivent donc se contenter des éditions espagnoles ou italiennes, toujours dépourvues du moindre sous-titre français.

Critique de Virgile Dumez

Box-office d’Amants de Vicente Aranda

Avec une magnifique première semaine parisienne (8 251 entrées dans 4 salles), Amants de Vicente Aranda est la bonne surprise du mercredi 9 juin quand tout le monde prévoyait un triomphe à L’odeur de la papaye verte (22 327 entrées dans 8 salles) et quand Lelouch était attendu très haut (95 853 entrées à Paris dans 37 salles, pour Tout ça pour ça).

Le cinéma d’auteur, déjà marqué par le succès récent de Moi Ivan Toi Abraham (6 294 entrées à Paris dans 7 salles pour sa 3e semaine), est un mets qui se mange à Paris. Amants ne dispose que de 3 salles en dehors de la capitale, d’où une première semaine globale à 10 929 spectateurs absolument conquis.

Même s’il est à l’affiche au Pathé Wepler (1 289 spectateurs), c’est bien dans les salles spécialisées qu’Amants puisera ses forces : 1 843 spectateurs à l’Elysées Lincoln, 2 105 entrées aux Parnassiens, et 3 014 entrées à l’Espace St Michel.

Le distributeur Colifilms a mis en avant l’Ours d’argent berlinois et la sensualité du film via une affiche caliente.

En 2e semaine, à Paris, la production espagnole perd le soutien de Pathé et voit donc ses entrées fléchir (3 758 spectateurs). Il ne faut pas oublier que cette semaine-là, la comédie-dramatique charnelle de Bigas Luna Jambon Jambon apparaissait sur les écrans français, révélant les plastiques de Penelope Cruz et Javier Bardem. La chaleur montait de deux crans.

Grâce à la fête du cinéma, en 3e semaine, Amants remonte à 7 301 spectateurs et flirte avec les 20 000 spectateurs. Jambon Jambon a déjà excité 27 118 Parisiens en 14 jours.

2 885 entrées en 4e semaine, 2 476 entrées en 5e semaine, 2 527 en 6e semaine, Amants change de circuit en 7e semaine, puisque les 3 écrans d’art et essai qui le programmaient depuis le début l’abandonne au profit du Ciné Beaubourg où il trouve tout de même 1 171 retardataires… Il y finira tranquillement son été, avant quelques séances au Latina.

Box-office de Frédéric Mignard

Les sorties de la semaine du 9 juin 1993

Voir le film en VOD

Amants, l'affiche du film de 1991

© 1991 Pedro Costa Producciones Cinematográficas – Televisión Española (TVE) / Affiche : Pierre Collier. Tous droits réservés.

Biographies +

Vicente Aranda, Victoria Abril, Jorge Sanz, Maribel Verdú

Mots clés

Cinéma espagnol, Films sur le couple, La dictature au cinéma, La revanche des femmes au cinéma

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