A la recherche de Garbo est un Sidney Lumet mineur et inégal, mais qui est porté par l’énergie d’Anne Bancroft, vraiment formidable. Sympathique, même si dispensable.
Synopsis : Le fils d’une femme atteinte d’une tumeur au cerveau tente de réaliser le dernier souhait de sa mère : rencontrer Greta Garbo, avant de mourir.
Sidney Lumet en pleine traversée du désert
Critique : Alors qu’il a connu un très beau succès commercial en 1982 avec Le verdict, film judiciaire avec Paul Newman, le cinéaste Sidney Lumet entame une traversée du désert au niveau du box-office international. Ainsi, son drame Daniel (1983) avec Timothy Hutton n’a guère éveillé l’intérêt des foules, pas plus que l’œuvre suivante qui nous occupe ici, à savoir A la recherche de Garbo (1984).
Le script est signé Larry Grusin qui a surtout écrit des téléfilms et des pièces de théâtre, sans qu’un titre vraiment accrocheur ne ressorte vraiment. Toutefois, sa proposition de comédie dramatique est plutôt intéressante sur le papier puisqu’il part d’un postulat purement dramatique – la mort programmée d’une mère atteinte d’une tumeur au cerveau – pour en tirer une comédie plutôt légère.
Anne Bancroft magnifique en femme au caractère bien trempé
Il faut dire que le personnage principal incarné avec vigueur par Anne Bancroft mérite le détour. Issue d’une génération revendicatrice, Estelle (Bancroft, donc) est une femme de caractère qui ne se laisse guère apprivoiser. En butte à toute forme d’autorité, capable de défier les hommes trop sûrs de leur domination et farouchement attachée aux luttes sociales, elle représente à elle toute seule cette génération révoltée des années 60.
A l’inverse, son fils apparaît comme un juif petit bourgeois qui s’est marié avec une fille à papa – assez irritable Carrie Fisher, mais c’est le rôle qui le veut – et qui se laisse totalement écraser par son supérieur hiérarchique au sein d’une entreprise gigantesque. Ainsi, on peut voir le film comme un constat assez triste de l’échec des tentatives révolutionnaires des années 60 à l’heure où les Etats-Unis sont gagnés par la folie néolibérale du Reaganisme. La vieille militante ne peut que disparaître au cœur d’une société qu’elle ne peut pas comprendre et qui ne veut plus d’elle.
Une réalisation assez plate pour une comédie dramatique inégale
Toutefois, derrière ces thématiques sérieuses, Larry Grusin et Sidney Lumet ont souhaité composer une comédie alerte où le fils cherche désespérément à mettre la main sur Greta Garbo, star connue pour sa capacité à échapper au regard de la presse afin de conserver son mystère. Or, la mère condamnée exprime le désir de rencontrer sa star de toujours. Comment trouver celle qui est justement injoignable ? Le spectateur est donc invité à suivre tous les stratagèmes imaginés par son fils (Ron Silver, en manque de charisme ici) afin de concrétiser les dernières volontés de sa chère mère.
Alternant sans cesse moments drôles et passages plus émouvants, A la recherche de Garbo souffre malheureusement d’une réalisation assez anodine de la part d’un Sidney Lumet qui n’a jamais été très à l’aise avec le genre de la comédie. Alors qu’il est définitivement doué pour décrire les relations entre les personnages, il fait preuve d’une certaine indolence dès qu’il s’agit de mettre en scène des situations plus désopilantes. En résulte un rythme quelque peu chaotique qui fait que le spectateur se demande sans cesse s’il visionne une œuvre vraiment cohérente. Le long-métrage souffre assurément d’une réalisation qui ressemble à s’y méprendre à celle d’un téléfilm.
Anne Bancroft sauve en grande partie le long-métrage
De même, on peut regretter le choix de Ron Silver dans le rôle du fils qui va peu à peu se libérer du carcan qui l’étouffe pour enfin redevenir lui-même. L’acteur évite le cabotinage, mais demeure peut-être justement trop sur la réserve pour nous faire partager les émotions de son personnage. Heureusement, face à lui, l’excellente Anne Bancroft assure une fois de plus et parvient à emporter l’adhésion. Son personnage de femme forte et déterminée constitue le point fort de ce petit film qui a parfois du mal à trouver son rythme.
Sorti aux États-Unis en octobre 1984, A la recherche de Garbo n’a pas déplacé les foules et n’a pu cumuler que 1,4 M$ (3,8 M$ au cours ajusté en 2022), ce qui en fait un énième échec commercial pour Sidney Lumet. Le métrage échoue même à obtenir la moindre nomination aux Oscars et s’est contenté d’une mention aux Golden Globes pour Anne Bancroft. Lors de sa sortie française, le film n’a réalisé que des scores dérisoires. Il faut dire que le titre, ainsi que le casting étaient peu attrayants pour le public français. Ils n’ont été que 20 038 spectateurs à faire le déplacement dans toute la France.
Édité une seule fois en VHS chez Warner Home Vidéo, A la recherche de Garbo est largement tombé dans l’oubli depuis puisqu’aucun DVD ni blu-ray n’est paru dans nos contrées. On signalera simplement une reprise en salles intervenue en 2011, là encore sans grand écho. Le film, éminemment sympathique, est effectivement une œuvre mineure au cœur de la riche filmographie d’un auteur à redécouvrir par ailleurs.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 20 février 1985
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Sidney Lumet, Anne Bancroft, Mary McDonnell, Carrie Fisher, Ron Silver, Catherine Hicks, Steven Hill