Anne Heche est une actrice dont la carrière en ascension dans les années 90 a été tristement contrariée. Elle décède tragiquement en 2022, à l’âge de 53 ans.
Les cinéphiles des années 90 se souviennent d’Anne Heche et de sa coupe garçonne des années 90. Outre une relation de trois ans avec l’humoriste Ellen Degeneres qui a défrayé la chronique à l’époque où l’homosexualité féminine était tabou, Heche était l’un des visages les plus familiers du cinéma américain entre 1995 et 2000, époque où son avenir de vedette semblait tout tracé. Il n’en sera rien.
Née en 1969, l’Amérique la découvre dans un soap, Another World, entre 1988-1992. En France, on attend les années 90 et son second film. Il s’agit des Aventures de Huckleberry Finn par le futur réalisateur de La momie. Elle y tient un second rôle, mais pour la première fois sa fougue est là, accessible aux yeux des Français.
Elle saisit ensuite des rôles secondaires chez James L. Brooks (I’ll Do Anything, avec Nick Nolte), Richard Benjamin (La surprise, avec Melanie Griffith et Ed Harris), Brian Gibson (La jurée, avec Demi Moore et Alec Baldwin)…
© 1998 Twentieth Century Fox
A Deauville, en 1995, Anne Heche est resplendissante dans l’indépendant Walking and Talking, avec également Catherine Keener, Liev Schreiber et Todd Field. Pour la première fois de sa carrière, elle figure en haut de l’affiche. Aux USA, c’était pour le thriller Wild Side avec Christopher Walken et Joan Chen, qui avait été exploité directement en VHS.
En 1996, elle tourne dans un futur grand succès, Donnie Brasco, par Mike Newell, réalisateur de Quatre mariages et un enterrement, avec Al Pacino en vétéran et Johnny Depp en flic dans la mafia. Elle y interprète son épouse. Un rôle secondaire. Son minois singulier, propre à une Audrey Hepburn des temps modernes, lui vaut d’être embauchée par la 20th Century Fox en 1996 pour deux blockbusters : le film catastrophe Volcano de Mick Jackson, avec Tommy Lee Jones, et surtout 6 jours, 7 nuits de Ivan Reitman, avec Harrison Ford.
Deux échecs au box-office la mettent à l’écart d’Hollywood
Malheureusement, cette mise en avant sur deux grosses machines ne marchent pas. Les films sont mauvais et s’attirent les foudres des critiques. Volcano, sous Twister, dans la grande vague des films catastrophe de l’époque (Independence Day, Le Pic de Dante), est vraiment mauvais et l’entraîne d’une certaine façon dans sa chute. Pour le film d’aventure glamour avec Harrison Ford, la polémique autour de sa relation avec Ellen, la différence d’âge avec la star d’Indiana Jones, et surtout la réalisation planplan d’Ivan Reitman vieillissant qui sort des bides de Junior et Drôles de pères, précipite la comédie d’aventure dans les oubliettes. Sept jours 7 nuits est l’une des déceptions de l’été 1998. Le divertissement, sympathique au demeurant, notamment grâce à la présence précieuse de la jeune femme, ne dépasse pas les 75M$ au box-office américain. En 1998, elle figure aussi dans le remake couleur de Psycho de Gus Van Sant, un exercice de style qui passe inaperçu où elle tient le rôle jadis joué par Janet Leigh. Le public ne répond pas présent et remet en question la pertinence de l’exercice sur des écrans envahis par les Scream et ses ersatz.
Affiche de Psycho (1998) – Copyrights : Universal Pictures
Blacklistée, oubliée, Anne Heche renvoyée à ses démons
Hollywood décide alors de tourner la page Anne Heche. Souviens-toi l’été dernier, gros succès dans l’ombre de Scream, et Des hommes d’influence de Barry Levinson avec De Niro et Dustin Hoffman, sont tournés avant la sortie de 6 jours 7 nuits.
Punie par Hollywood pour ses échecs, blacklistée pour sa relation homosexuelle, Anne Heche doit se contenter de films au potentiel moindre. Loin du paradis de Joseph Ruben, avec Vince Vaughn, Joaquin Phoenix, Vera Farmiga et Jada Pinkett-Smith, passe inaperçu. John Q de Nick Cassavettes la renvoie au premier rôle féminin, certes, mais loin derrière Denzel Wahsington, Robert Duvall et James Woods.
Anne Heche, à l’enfance douloureuse, a été frappée par des tragédies familiales à répétition. Elle affirme avoir été violée à plusieurs reprises par son père qui fera son coming-out tardivement et mourra du sida la même année que son jeune frère. Ce dernier décédera d’un accident de voiture à la fin du lycée, en 1992. Heche traduira cet acte par un suicide.
Au début des années 2000, Anne Heche traverse à son tour une mauvaise phase ; des troubles psychiatriques l’éloignent aussi du cinéma. Néanmoins, elle se marie avec Coley Laffoon avec lequel elle aura son premier enfant et se distingue sur les planches pour la première fois de sa carrière. Elle doit apprendre à surmonter la dépression.
Affiche française
Copyrights Metropolitan Filmexport / New Line Cinema / Fine Line Features
Birth, réincarnation et renaissance artistique?
Au cinéma, elle trouve un petit rôle dans Birth de Jonathan Glazer, film austère et mélancolique sur la réincarnation, avec Nicole Kidman et Lauren Bacall. L’un de ses meilleurs longs métrages, mais l’échec du drame la laisse encore une fois dans le noir. On est en 2003 et les Français devront attendre 2009 et le rôle de cougar dans Toy Boy, de David MacKenzie, avec Ashton Kutcher, pour la revoir ailleurs qu’à la télévision où elle tourne beaucoup.
Un cinéma alimentaire et des rôles jetables
Le cinéma ne lui offre plus que des seconds rôles, dans des productions méconnues. Bienvenue à Cedar Rapids de Miguel Arteta (2011), avec Ed Helms, l’oublié Rampart de Oren Moverman, avec Woody Harrelson, Ned Beatty, Ben Foster, Ice Cube, et Robin Wright. Elle est noyée dans un casting choral. La romance vieillotte Arthur Newman, avec Colin Firth et Emily Blunt sonde les abîmes. Et ses prestations dans des films d’action sont purement alimentaires (Joker de Simon West, avec Jason Statham, en 2015, puis l’improbable Riposte armée de John Stockwell, avec Wesley Snipes, en 2017). Alimentaire également et sans lendemain sa présence au générique du film d’horreur Les portes de l’enfer, la légende de Stull (2013) ou du thriller The Vanished de Peter Facinelli, avec deux autres has-been des années 90, Thomas Jane et Jason Patric.
Parmi ses films les plus récents, Anne Heche trouve néanmoins dans Catfight, comédie décalée, un rôle à la mesure de son talent. Face à Sandra Oh, elle est épatante. Dans Adorables ennemies, elle donne la réplique à Shirley MacLaine et Amanda Seyfried. Enfin en 2017, My Friend Dahmer mérite quelques égards malgré, comme tous ses derniers films, un traitement de VOD.
Finalement, dans les années 2000, c’est surtout à la télévision qu’Anne Heche trouvera des moments iconiques. Dans Ally MacBeal, Everwood, Nip/Tuck, et surtout la série à succès Hung avec justement Thomas Jane.
Toutefois, le public l’oublie peu à peu en France jusqu’à une ultime tragédie, un accident de voiture en août 2022 qui la plonge dans un coma dont elle ne ressortira pas vivante. Le monde redécouvre alors la comédienne toute blondinette qu’il avait trouvée si charmante, drôle et pertinente dans les années 90.
La vie ne lui a pas fait de cadeau.
Les célébrités disparues en 2022
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