Film de SF européen, Vesper Chronicles séduit par son univers original et son esthétique travaillée, mais déçoit davantage dans son approche convenue de la thématique écologique. L’ambition réelle des auteurs est toutefois à saluer.
Synopsis : Dans le futur, la Terre est dans une situation écologique catastrophique due à la diffusion massive d’organismes génétiquement modifiés. L’humanité peine à survivre. Les plus riches se sont retranchés dans des cités coupées du reste du monde, les « citadelles », pendant que le reste de la population tente de survivre dans des conditions de vie désastreuses. C’est le cas de Vesper, une jeune fille âgée de 13 ans, qui vit dans une forêt avec son père, qui souffre de paralysie. Vesper a développé des compétences en biohacking et étudie de nombreuses formes de vie. Un jour, un vaisseau venant d’une citadelle s’écrase dans les parages. Vesper trouve une survivante, une mystérieuse jeune femme. Cette rencontre amène un tournant dans sa vie.
Un duo de créateurs célébré, mais au parcours compliqué
Critique : Les duettistes Kristina Buozyte et Bruno Samper se sont fait remarquer en 2012 grâce à leur deuxième long-métrage intitulé Vanishing Waves. Il s’agissait alors du tout premier film de science-fiction écrit, produit et tourné en Lituanie. Primé dans de nombreux festivals, l’œuvre n’a pas nécessairement brillé au box-office, mais elle a toutefois été vendue et distribuée dans de nombreux pays du monde. Malgré ce bel écho, les deux artistes (l’une est Lituanienne, l’autre Français) ont eu des difficultés pour monter leurs projets suivants.
Comme l’a indiqué Bruno Samper dans plusieurs entretiens, de nombreux contacts ont été établis avec des firmes américaines ou britanniques, mais aucunes n’ont réellement donné suite aux projets initiés. Cela explique notamment une unique participation du duo franco-lituanien au film omnibus The ABCs of Death 2 en 2015, puis une absence prolongée des radars.
Une thématique convenue, sauvée par un style plus européen qu’hollywoodien
Par la suite, la conception de Vesper Chronicles a pris six longues années de travaux entre l’écriture d’un script original, puis la création visuelle de son univers et enfin le tournage réalisé en Lituanie. Le résultat final a ainsi été proposé au grand public durant l’année 2022, avec des critiques globalement positives envers un projet qui n’aurait coûté que 5 millions d’euros, soit une somme ridicule par rapport aux ambitions déclarées des cinéastes.
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Effectivement, loin de se conformer aux attentes du grand public sur ce que doit être un film de science-fiction, Kristina Buozyte et Bruno Samper se sont attachés à créer un univers entièrement original qui ressemble davantage à la tradition du cinéma d’Europe de l’Est, voire de la Russie que des clichés hollywoodiens. Certes, la thématique écologique n’est aucunement novatrice et se conforme à tout ce que l’on peut voir désormais sur des plateformes comme Netflix, où ce type de productions futuristes pullule. Mais Vesper Chronicles s’en distingue nettement par son style visuel et son approche auteurisante, ainsi que par l’usage d’un rythme quelque peu languissant.
Quand la technologie vient au secours de la biologie
L’originalité du long-métrage vient surtout de la création d’un univers entièrement gouverné par la biotechnologie, avec un goût prononcé pour les végétaux qui pénètrent les chairs et les organismes. Certains personnages possèdent également des orifices qui mêlent connectique informatique et fonctions naturelles, comme dans certaines œuvres de David Cronenberg. Enfin, l’esthétique générale du long-métrage peut évoquer certaines créations typiquement françaises comme les œuvres de SF développées en leur temps par le duo Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet. On y retrouve ici la richesse d’inspiration en ce qui concerne les décors – globalement apocalyptiques – mais aussi l’originalité dans les caractères. Ainsi, l’un des protagonistes principaux est tout bonnement immobilisé dans son lit durant tout le film – une pensée pour l’acteur Richard Brake qui doit imposer sa présence, sans bouger.
Toutefois, si l’univers développé se révèle assez fascinant, l’intrigue n’en demeure pas moins basique, avec une opposition de classe sociale qui est sans doute trop convenue entre les membres de la Citadelle et les autres humains considérés comme des rebuts de l’humanité. On a déjà vu cette dichotomie des centaines de fois et souvent en mieux. De même, l’exploitation de la fibre écologique n’est pas toujours optimisée. On préfère donc les moments plus intimistes au sein de ce film de SF qui se révèle parfois fort poétique. Assurément il s’agit pour les auteurs de compenser la faiblesse du budget alloué, mais cela sert finalement le propos général du film et permet de créer une ambiance évanescente du plus bel effet.
Une ambiance rêveuse générée par une belle partition musicale
Pour cela, il faut signaler la réussite des effets spéciaux numériques, ainsi que la beauté des éclairages, très travaillés. Ensuite, l’apport de la musique électronique de Dan Levy, par ailleurs membre du groupe The Dø , est considérable. Ses mélopées et autres boucles renforcent nettement la poésie des images et permet donc au film de s’élever pour atteindre le statut d’un joli film d’auteur à l’ambiance très européenne.
Dans ce contexte, Vesper Chronicles échoue toutefois sur un plan essentiel, à savoir celui du casting. Si Eddie Marsan compose une figure démoniaque parfaitement ambiguë, les jeunes filles qui jouent les deux héroïnes principales manquent quelque peu d’expérience pour nourrir leurs personnages, ce qui a tendance à ruiner l’identification des spectateurs.
Vesper Chronicles, un échec commercial cinglant
Sorti en France en plein mois d’août 2022 dans un contexte post-Covid peu favorable à l’exploitation, Vesper Chronicles n’a pas bénéficié d’une publicité suffisante pour être clairement identifié par les spectateurs. Malgré une affiche plutôt jolie et une bande-annonce attractive, le grand public a boudé cette proposition d’une SF alternative. Cela a clairement été le cas dès le mercredi de sa sortie avec une séance à Paris 14h très décevante située à 421 entrées dans 14 salles. La situation n’est pas plus enviable sur l’ensemble de la France où le film de SF était proposé dans 298 cinémas, n’arrivant à générer que 59 000 entrées à l’issue de son premier week-end.
Mais le pire est venu de la continuation d’un long-métrage qui, à cause de son rythme contemplatif, ne pouvait séduire un public venu assister à une œuvre spectaculaire. Les résultats finaux qui portent le long-métrage à 137 552 amateurs de SF sur toute la France, dont 35 375 à Paris, sont médiocres et dénotent du manque évident de curiosité du public qui ne se rend plus en salle si l’œuvre n’est pas issue d’une franchise clairement identifiée.
Critique de Virgile Dumez
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Bruno Samper, Kristina Buozyte, Eddie Marsan, Richard Brake, Raffiella Chapman, Rosy McEwen
Mots clés
Cinéma lituanien, Les films de science-fiction des années 2020, L’écologie au cinéma