Film de l’étrange, de la monstruosité, qui évite l’insoutenable promis par son sujet, Un jeu brutal est surtout radical, mais réussit à faire resurgir l’humain dans la cruauté. Une œuvre importante dans la filmographie de Brisseau.
Synopsis : Près d’un grand ensemble, pendant l’été, une jeune fille est assassinée. Le professeur Tessier, biologiste connu pour ses recherches, abandonne celles-ci pour se retirer en province. Au chevet de sa mère, il se voit arracher la promesse de s’occuper de sa fille Isabelle, paralysée des membres inférieurs. Mais les retrouvailles entre le père et la fille sont rudes, Isabelle refusant de se réfugier derrière sa condition d’infirme…
Un jeu brutal de cruauté et de révélations
Critique : Film de l’audace, mal accueilli par le public qui l’a tout simplement boudé, Un jeu brutal (1983) est le premier film des années 80 du trublion de la pensée Jean-Claude Brisseau.
Le cinéaste y délivre tout le malaise inhérent à sa filmographie, avec la grâce mystique qui est la sienne : pensée construite, spiritualité et philosophie nihilistes cohabitent dans ce récit d’initiation d’une sauvageonne handicapée qui s’acclimate à la vie, au contact, paradoxalement, avec un père cruel, tueur d’enfants, qui accomplit d’obscurs desseins.
La quête de l’empathie
Dans un cadre naturel sublime, aux abords du Salagou, le cinéaste use les métaphores animales, la violence infligée aux bêtes et renvoie celle-ci aux hommes. Tout le film se bâtit sur l’empathie et sa construction qui ne se fait pas forcément naturellement, quand mis à mal par l’absence d’éducation et les accidents de la vie. Dans un exercice de mise en abîme, c’est l’empathie même du spectateur envers les comportements humains déviants qui est au centre du film, alors que les jeunes victimes du tueur n’existent que dans un schéma mental qui leur ôte toute réalité effective.
Tueur d’enfants
Abîmée physiquement, la jeune protagoniste doit apprendre à aimer, son corps et les autres ; abîmé psychologiquement, son père a choisi l’obscurité spartiate dictée par une folie surnaturelle.
Ce surnaturel, toujours poétique chez l’auteur de Noce blanche, est peut-être trop démonstratif, dans la pensée allégorique du tueur d’enfants ; mais néanmoins, il correspond bien à la nébuleuse Brisseau, où les écueils sont aussi de magnifiques moments de cinéma. Les acteurs sont bons, dans une diction qui sert l’écriture appuyée des dialogues, la réalisation est foisonnante, baignant dans une lumière à qui la restauration 2K rend un parfait hommage.
Habile, malaisant, solide
Si ce n’est pas le meilleur Brisseau de la décennie, Un jeu brutal n’en demeure pas moins habile, malaisant et solide, dans sa cohérence radicale avec l’œuvre du cinéaste qui allait atteindre des sommets avec ses deux films suivants, De bruit et de fureur et Noce blanche.
Critique : Frédéric Mignard
Les films de la semaine du 28 septembre 1983
Le test blu-ray
Proposé à l’unité, à partir du 4 septembre 2019, en DVD ou blu-ray disc, par l’éditeur Carlotta, avec des œuvres plus connues comme De bruit et de fureur et Noce blanche, Un jeu brutal, bénéficie d’une sortie blu-ray providentielle au coeur de cette mise en relief de la trilogie eighties de Brisseau
Compléments : 2.5 / 5
Outre la bande-annonce d’époque, l’on retrouve un entretien maison de 20 minutes, enregistré en 2006, du vivant du cinéaste décédé en 2019. Celui-ci n’a pas la langue dans sa poche et aime décrire l’ambiance du tournage et revenir sur le sens caché de son film, dont il démontre la grande rigueur d’écriture par une pensée complexe et psychiatrique.
Image : 4.5 / 5
Redécouvrir ce film avec la piqué d’un master restauré en 2K, c’est retrouver un certain goût du paradis perdu. Cette qualité cinématographique dans la composition des plans, le jeu des lumières, est prégnante. Un jeu brutal en haute définition est réjouissant de beauté. Le format 1.37 a été respecté.
Son : 4 / 5
Film à la musique vénéneuse, qui alterne l’écrin musical avec de beaux moments de silence où s’insèrent les dialogues, Un jeu brutal gagne en finesse dans sa présentation frontale en 2.0. Les voix ont été rehaussées comme il faut, et tout parasitage éliminé. C’est d’une très belle copie dont il s’agit là.