The Jane Doe Identity est un film de terreur pure, l’un des plus effrayants de l’année 2017, voire l’un des plus répugnants… Culte, quoi.
Synopsis : Quand la police leur amène le corps immaculé d’une Jane Doe (expression désignant une femme dont on ignore l’identité), Tommy Tilden (Brian Cox) et son fils (Emile Hirsch), médecins légistes, pensent que l’autopsie ne sera qu’une simple formalité. Au fur et à mesure de la nuit, ils ne cessent de découvrir des choses étranges et inquiétantes à l’intérieur du corps de la défunte. Alors qu’ils commencent à assembler les pièces d’un mystérieux puzzle, une force surnaturelle fait son apparition dans le crématorium…
The Jane Doe Identity en première au PIFFF en France
Critique : Sélectionné avec conviction pour ouvrir la 6e édition du Festival du Film Fantastique de Paris, le PIFFF, The Autopsy of Jane Doe a agréablement surpris le public. Il partait pourtant avec un désavantage, puisqu’il était projeté après un court métrage ibérique brillant, riche en pétoche, qui a foutu la frousse à la salle comble du Max Linder. Après cela, il fallait bien un crescendo horrifique pour satisfaire les spectateurs venus pour frissonner, et le nouveau film d’André Ovredal (le documenteur malin Trollhunter), dans ce contexte d’exigence, est parvenu à s’imposer comme un monument d’horreur viscérale et de terreur pure.
Rencontre avec un cadavre anonyme comme la mort
Norvégien de par son cinéaste, britannique de par sa production, The Jane Doe Identity a l’élégance des bonnes productions B américaines. Un décor imparable de morgue aux infernaux couloirs, dont on sortira peu, seulement lors des séquences d’introduction et de fermeture. Cette histoire de père et fils, qui se retrouvent dans leur petite affaire légiste, un samedi soir, à disséquer le cadavre d’une jeune femme décédée de façon violente, sans pour autant présenter la moindre trace extérieure de maltraitance, pourrait s’apparenter à un épisode de La Quatrième dimension en huis-clos dans une chambre froide. On y retrouve l’opacité du mystère, les indices déroutants, l’opposition constante entre le cartésien et l’irrationnel des rites païens…
Pour donner chair à cette histoire de secte sans nom à la Martyrs (une hypothèse), d’infiltration diabolique (une deuxième hypothèse) ou de soulèvement zombiesque, le cinéaste donne carte blanche à des comédiens brillants, de Brian Cox en patriarche un peu boomer à la présence royale, et, dans le rôle de son rejeton, le jeune Emile Hirsch que l’on ne présente plus, entre son rôle de puceau dans Girl Next Door et celui de vagabond dans Into the West de Sean Penn. Chacun apporte crédibilité et complicité dans cette histoire abracadabrante, mais qui ne délaisse pas ses personnages malgré un script a priori famélique. L’essentiel repose aussi dans l’atmosphère gagnée par une belle mélancolie dans un environnement fortement morbide.
Dissection du macabre fait art cinématographique
Visuellement, The Jane Doe Identity emprunte aux classiques. Il est un délicieux alliage entre Phantasm de Don Coscarelli et L’Au-delà de Lucio Fulci. Du macabre donc et de belles références pour un projet qui in fine ne ressemble qu’à lui-même. Et ce n’est pourtant pas faute d’emprunter aux thrillers mortuaires qui ont marqué le genre. Pour ses dissections frontales et sans filtre, on pense immédiatement à l’autopsie de Jigsaw dans Saw 4, mais comme ce dernier est un nanar, on préférera élever la comparaison avec le moyen métrage choquant de Nacho Cerda issu de sa Trilogie de la mort : le jusqu’au-boutisme absolu des effets sanglants provoque le malaise.
L’idée d’un féminicide qui ne veut pas dire son nom
Suspense surnaturel avec une louche d’humour noir, The Autopsy of Jane Doe va très loin dans la démonstration de l’horreur, sûrement trop, contesteront ses détracteurs qui contesteront aussi l’objectification du corps d’une femme morte, nue, triturée pendant une projection obsédée par l’idée d’un féminicide qui ne dira pas son nom.
Mais au-delà de ses déballages nauséabonds et des réticences féministes, c’est bien dans l’effroi que le film se distingue. Rarement une œuvre gore aura été aussi effrayante. L’objectif du cinéaste est patent dès les premières scènes : titiller les inconscients, souffler la mort sur l’épiderme d’un spectateur tout poil dressé, mais sans trop céder à la facilité. Certes, on recense une poignée de jump-scares, mais au cœur d’une narration dont le carburant agit à coups de révélations toujours plus effroyables, ce récit de terreur intemporel, sans crétinerie adolescente, agit comme un poison capiteux.
A l’issue de la projection, on a tout simplement l’impression d’avoir assisté à l’un des spectacles cinématographiques les plus farouchement perturbants des années 2010. A côté, Conjuring peut aller se rhabiller !
Adaptation : Monsieur X – © 2016 Autopsy Distribution, LLC. Tous droits réservés.
Box-office de The Jane Doe Identity
L’un des classiques de l’horreur de Wild Bunch
Wild Bunch, distributeur très en forme jusqu’à la moitié des années 2010, avant de connaître l’un des déclins les plus spectaculaires pour une société de distribution française, a exhumé quelques films d’horreur méritants qui ont souvent marqué le genre : L’orphelinat en 2008 (228 000), Martyrs en 2008 (91 000) Paranormal Activity en 2009 (1 111 270), Piranha 3D en 2010 (766 000), Sinister en 2012 (425 000), Dark Skies en 2013 (164 000), Mister Babadook en 2014 (141 000), ou encore un certain Grave en 2017 (155 000).
Ils ont distribué également The Jane Doe Identity, deux mois après le film de Julia Ducournau, non sans succès : 189 000 entrées pour une œuvre austère parue peu après Cannes, sans star, et dans une combinaison assez réduite (194 copies), c’était plutôt pas mal et essentiellement dû à un bon bouche-à-oreille post PIFFF et Gérardmer, et à une très bonne première semaine à 90 482 spectateurs qui lui permet d’entrer en 8e place nationale dans un environnement où il fallait au moins 330 écrans pour figurer dans le top 10. Il y côtoie un Pirates des Caraïbes, Le Roi Arthur, Les Gardiens de la Galaxie 2, Alien Covenant ou Get out. Bref, sa présence de petit challenger est rafraichissante tant la série B aurait pu rester dans les coulisses, comme un film de festival ou de plateformes (elles commençaient à apparaître) sans que qui que ce soit ne s’en émeuve.
France : premier marché mondial pour The Jane Doe Identity
Evidemment, la semaine suivante, la chute est rude (-50%), mais loin d’être catastrophique. Wonder Woman de Patty Jenkins déferle dans les salles et éclipse la concurrence. Le délire morbide de Andre Ovredal trouve néanmoins 45 000 curieux supplémentaires, puis 24 000, 17 000, 9 000. En 6e semaine, il se positionne en 38e place, avec une perte de 67% de sa fréquentation et frappe à la porte des 190 000 spectateurs. Les 35 salles qui le diffusaient alors l’abandonnent en 7e semaine. La carrière très courte s’explique par un besoin énorme d’écrans pour la cavalerie américaine : Moi Moche et Méchant 3 (877 écrans), Spider-man Homecoming (808), Transformers The Last Knight (829), Baywatch – Alerte à Malibu (619)… Dans ces conditions, Jane Doe l’anonyme pouvait reposer de sa belle mort.
La France est devenue le premier marché au monde pour The Jane Doe Identity (1 280 000$), suivie par le Mexique (1 192 000$) et le Brésil, déjà sous la barre du million. Le film n’est pas distribué en Allemagne, passe totalement inaperçu en Espagne et au Royaume-Uni, et même aux USA, avec 10 000$ sur ces trois marchés qui l’exploiteront surtout en VOD et vidéo physique.
The Jane Doe Identity, c’est ça l’exception culturelle française.
Les sorties de la semaine du 31 mai 2017
Adaptation : Monsieur X – © 2016 Autopsy Distribution, LLC. Tous droits réservés.