Dans la pure tradition des blockbusters d’action des années 90, Terminator Dark Fate a l’efficacité des grands Terminator, mais souffre d’une interprétation par moment pataude et d’un script penaud. Une magnifique révélation domine, la Canadienne Mackenzie Davis, la seule à insuffler de l’émotion à cette coquille vide.
Synopsis : De nos jours à Mexico. Dani Ramos, 21 ans, travaille sur une chaîne de montage dans une usine automobile. Celle-ci voit sa vie bouleversée quand elle se retrouve soudainement confrontée à 2 inconnus : d’un côté Gabriel (Gabriel Luna), une machine Terminator des plus évoluées, indestructible et protéiforme, un « Rev-9 », venue du futur pour la tuer ; de l’autre Grace (Mackenzie Davis), un super-soldat génétiquement augmenté, envoyée pour la protéger.
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Embarquées dans une haletante course-poursuite à travers la ville, Dani et Grace ne doivent leur salut qu’à l’intervention de la redoutable Sarah Connor , qui, avec l’aide d’une source mystérieuse, traque les Terminators depuis des décennies. Déterminées à rejoindre cet allié inconnu au Texas, elles se mettent en route, mais le Terminator Rev-9 les poursuit sans relâche, de même que la police, les drones et les patrouilles frontalières…
L’enjeu est d’autant plus grand que sauver Dani, c’est sauver l’avenir de l’humanité.
Terminator Dark Fate est le 6e épisode de la franchise
Critique : Un sixième Terminator ne s’imposait vraiment pas. Même si l’équipe marketing ne cesse de rattacher cet avatar directement aux deux premiers volets de la saga, qui furent comme par hasard les deux plus gros succès, la réalité doit être rappelée à l’esprit de chacun : Dark Fate intervient après le nanar déjà au féminin du début des années 2000, Le soulèvement des machines, le très pertinent Renaissance, en 2009, malheureusement oublié du public de par l’absence d’Arnold Schwarzenegger, et surtout après le débilitant Genisys, en 2014, dont le naufrage au box-office a été à peine évité par un score correct en Chine.
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Un “requel” progressiste qui utilise le forceps des bonnes intentions
Voulu donc comme un “requel”, suite du second volet, Le Jugement dernier, ce 6e épisode fait table rase de ses successeurs. D’ailleurs, le résultat obtenu par Tim Miller, cinéaste dont on ne sait pas trop quoi penser après le surestimé Deadpool, n’a sûrement pas les tares des troisième et cinquième épisodes, qu’il dépasse aisément. C’est un Terminator qui porte la caution de James Cameron, plus commerciale que qualitative, le réalisateur-scénariste-producteur ne faisant que répéter à l’infini les mêmes films (il prépare trois Avatar de plus !). Aussi, la narration de Dark Fate ne fait que répéter les trames passées, avec des redirections narratives progressistes extrêmement injurieuses dans leur application qui sent bon la bonne conscience hollywoodienne. Ce Terminator donne le bon rôle aux héroïnes, dans un cadre latino, avec un discours anticapitaliste à la mode. On n’a rien contre les trois marottes de l’Amérique anti-Trump qui se fait la voix d’une société alternative possible ; mais sans la nuance, ces caractéristiques déçoivent puisque les préoccupations auraient dû être autre… Comment instituer le chaos sur Terre, inséminer la peur face aux nouveaux cyborgs qui, à part être increvables, marchent et agissent comme leurs prédécesseurs, en fonçant tête baissée sur leurs cibles qu’ils chassent inlassablement pour l’empêcher de changer leur futur…
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La Schiappa-lisation d’Hollywood
Le scénario ne répond plus à l’effort de création artistique, mais semble avoir été suspendu aux équilibrages du politiquement correct très nouveau monde qui conduit le film à réitérer une erreur de casting : après la très médiocre Emilia Clarke dans Genisys, l’actrice colombienne Natalia Reyes est chargée d’une mission bien trop importante pour ses frêles épaules, et l’on ne croit jamais en son personnage inconsistant, qui ne cesse, pourtant, de gagner en responsabilités au cours de l’intrigue. Son introduction et celle de son frangin, dans le cadre familial du cliché latino, puis professionnel, dans le monde impitoyable de l’usine à l’heure de la robotisation, diminuent immédiatement la portée de l’histoire. Celle-ci avait besoin d’un authentique point de vue et de personnages autre que des stéréotypes (Linda Hamilton en mode auto-parodique), pour nous donner envie de nous impliquer émotionnellement, de ressentir le danger, la menace, et la possibilité d’une apocalypse…
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Le 4e meilleur épisode de la saga : Renaissance nous manque !
Nonobstant, Dark Fate, contrairement à Genisys, n’est pas un mauvais bougre et se regarde sur l’instant avec plaisir (l’article mitigé a été rédigé quinze jours après le visionnage, ce qui joue en sa défaveur, en diminuant l’impact du positif, miné avec le temps par les défauts qui ne cessent de grossir, c’est le souci des embargos imposés par les distributeurs, ndlr). En tant que divertissement, il est de loin bien meilleur que le blockbuster lambda vendu par Hollywood en 2019. Son côté vintage dans l’action de baroudeur, avec des cascades époustouflantes ou la tôle froissée des bagnoles, donne lieu à de superbes courses-poursuites, qui remplissent le cahier des charges. La réussite est aussi celle des effets spéciaux numériques, tous impeccables. Les apparitions du cyborg exterminateur, alias Gabriel Luna, que l’on connaissait surtout jusqu’ici comme Ghost Rider dans Marvel: Les agents du S.H.I.E.L.D., sont à l’identique de celles de Robert Patrick, dans le second opus : déterminées, froides, puissamment obstinées dans une quête de la destruction de l’autre, pour un rôle physique qui se conjugue aux apparitions impressionnantes de son exosquelette. La fluidité du numérique forge des cyborgs guerriers aux transformations assez jubilatoires. Le morphing avait fait de T2 une révolution visuelle de chaque instant, et ici la technologie pousse le plaisir des mutations encore plus loin.
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La révélation Mackenzie Davis au cœur d’un casting exsangue
In fine dans ce spectacle démesuré, ce que l’on retiendra surtout, c’est le personnage de Mackenzie Davis, qui reprend plus ou moins le rôle de Michael Biehn du Terminator originel, avec une force de caractère, mais aussi une fragilité humaine qui réussit à percer dans des moments plus inattendus, de par la palette d’émotions qu’apporte l’actrice canadienne. Elle est la révélation de cet épisode, au milieu d’un casting exsangue qui manque de charisme. Attention, Schwarzy en humanoïde domestiqué qui a appris l’humour, malgré l’absurdité de l’évolution de son personnage, n’est vraiment pas le pire ! Ce que les scénaristes ont fait de Linda Hamilton est tout bonnement pathétique, ne gardant que ce qu’il y a de plus négatif dans les clichés des mecs virils des séries B testostéronées qui nous insupportaient déjà. Si c’est cela apporter l’égalité homme-femme à l’écran, on s’en serait bien passé. Hollywood devrait vraiment apprendre à réécrire ses scripts en lâchant les formules et en jouant sur l’instinct des cinéastes. Le succès mondial de Joker l’a démontré, le goût des cinéphiles pour le cinéma des années 70 ne cesse de le souligner… C’est à cette époque que les grands auteurs que l’on adule aujourd’hui émergeaient et ces derniers manquent à l’industrie américaine. Hollywood doit au plus vite se remettre en question plutôt que de se laisser miner par des formules abruties qui vident les salles des spectateurs à neurones et nourrissent une génération Z d’un endoctrinement récréatif à l’impact artistique, social et humain nul, tout en leur faisant croire que c’est ça le progrès. Bref, Hollywood, qui essaie de bien faire, ne fait que lisser et propager la mauvaise éducation loin de la complexité humaine qui ne s’exprimera ici jamais.
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