Film carcéral prenant, Sons est avant tout un drame psychologique intense faisant preuve de nuances dans son discours. A découvrir.
Synopsis : Eva, gardienne de prison exemplaire, fait face à un véritable dilemme lorsqu’un jeune homme de son passé est transféré dans l’établissement pénitentiaire où elle travaille. Sans dévoiler son secret, Eva sollicite sa mutation dans l’unité du jeune homme, réputée comme la plus violente de la prison.
Trois ans de recherches et d’écriture
Critique : Après le joli succès rencontré par son très bon thriller téléphonique en huis-clos The Guilty (tout de même 270 130 entrées sur la France pour un film danois en 2018), le cinéaste Gustav Möller a surtout reçu des propositions de la télévision où il a signé plusieurs épisodes de séries. Il a aussi exploité le succès de son premier essai en s’associant à la production de son remake américain The Guilty (Antoine Fuqua, 2021) interprété par Jake Gyllenhaal et produit par Netflix.

© 2024 Nordisk Film, Nordisk Film Production Sverige AB. Tous droits réservés.
Cela lui a offert le luxe de pouvoir travailler pendant plus de trois ans sur le scénario de son deuxième long métrage qui allait devenir Sons (2024). Situé en milieu carcéral, le thriller se devait d’être irréprochable dans sa description d’une prison de haute sécurité danoise. Pour être le plus proche possible de la réalité, le cinéaste a passé des mois entiers à interroger des gardiens, des détenus, des aumôniers et l’ensemble du personnel pénitentiaire.
Une geôlière vraiment libre ?
Avec Sons, Gustav Möller cherchait avant tout à renouveler le film de prison, dont les archétypes sont connus de tous. Pour cela, il a décidé de suivre le parcours d’une gardienne dont l’évolution personnelle ressemble fort à celle d’un détenu. Ainsi, le cinéaste ne montre jamais la quinquagénaire dans son quotidien et préfère l’enfermer entre les quatre murs de la prison, au même titre que les taulards. Après tout, cette mère de famille endeuillée par la mort brutale de son fils n’est-elle pas elle aussi prisonnière de son trauma et de sa volonté de vengeance envers celui qui lui a volé sa progéniture ?
Ayant déjà montré une réelle appétence pour filmer des espaces clos dans The Guilty, Gustav Möller continue à explorer cette voie en usant d’un cadre restreint (le format très carré en 1.37) qui vise à étouffer les spectateurs. Enfermés tout comme les personnages, nous ne pouvons guère espérer respirer dans ce thriller claustrophobe où seules quelques courtes scènes se déroulent à l’air libre. Le reste du temps, le cinéaste parcourt avec sa caméra des couloirs froids et impersonnels.
Sons, tourné dans une vraie prison désaffectée
Il dispose pour cela du décor naturel de la prison de Vridsløselille (dans les environs de Copenhague) fermée depuis 2018 et qui constitue un cadre idéal pour un tel tournage. A l’intérieur de ces murs, le cinéaste déploie un drame personnel intense où une mère de famille endeuillée peut enfin mettre la main sur celui qui lui a enlevé son fils. Va-t-elle se venger ? Le tuer ? Apprendre à le connaître pour lui pardonner ? Autant de pistes ouvertes par le cinéaste qui évite la plupart des écueils du film carcéral pour livrer un drame psychologique intense.

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Il faut dire qu’il est aidé par l’interprétation à fleur de peau de la comédienne Sidse Babett Knudsen, justement récompensée d’un Bodil de la meilleure actrice (équivalent danois de nos César). Face à elle, Sebastian Bull incarne un détenu à la stature impressionnante, tout en dégageant une forme d’immaturité qui peut s’avérer poignante durant quelques instants, juste avant un nouveau déferlement de violence. En fait, Eva, la gardienne, est loin d’être un modèle de vertu et la mère vengeresse avoue également sa culpabilité de n’avoir pas su élever son propre fils et de ne pas l’avoir soutenu lors des épreuves qu’il traversait.
Des questions pertinentes sur le rôle sociétal de la prison
Personnage tragique, Eva est clairement borderline et son comportement risque bien de déranger certains spectateurs tant elle va loin dans le harcèlement. Dès lors, le cinéaste pose plusieurs questions essentielles : la prison doit-elle être un espace uniquement punitif et dégradant ? Faut-il au contraire soutenir les détenus pour qu’ils puissent se réinsérer dans la société ? Tous les taulards sont-ils récupérables ? Autant d’éléments qui ne font pas l’objet d’une réponse, mais qui ont le mérite de faire réfléchir le spectateur à travers une intrigue passionnante à suivre.
Box-office français de Sons
Présenté en sélection officielle au Festival de Berlin 2024, Sons n’a reçu aucun prix lors de cette manifestation, mais il a pu être acheté par plusieurs pays. En France, ce sont Les Films du Losange qui se sont portés acquéreurs pour une diffusion dans 117 salles à partir du mercredi 10 juillet 2024. Les 19 004 spectateurs qui ont fait le déplacement lors de sa semaine d’investiture ont offert au long métrage une décevante 17ème place nationale. La septaine suivante est encore pire, avec une perte au-dessus des 50 % et seulement 9 320 retardataires.
Le gadin se poursuit en troisième semaine où le film carcéral franchit péniblement les 32 000 incarcérés sur le territoire national. Il termine l’été dans des salles d’art et essai avec 37 693 prisonniers, n’arrivant donc pas à doubler ses entrées initiales. Une déception qui a contraint l’éditeur vidéo Blaq Out à ne sortir qu’un unique DVD du film.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 10 juillet 2024
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Gustav Möller, Sidse Babett Knudsen, Jacob Lohmann, Sebastian Bull, Dar Salim
Mots clés
Cinéma danois, Film de prison, La vengeance au cinéma, Les huis-clos au cinéma, Les relations mère-fils au cinéma, Reims Polar 2024