Film phénomène à sa sortie en 1975, Shampoo reprend des couleurs en blu-ray et livre une critique acerbe de la superficialité de l’Amérique de la fin des années 60.
Synopsis : Los Angeles, à la veille des élections présidentielles de 1968. Coiffeur pour femmes aux talents multiples, George Roundy a toujours usé de ses charmes pour séduire sa clientèle. C’est par ce biais-là qu’il a rencontré sa petite amie Jill, sa maîtresse Felicia et son ex-petite amie Jackie. Sexuellement comblé, George est pourtant professionnellement frustré : simple employé, il ambitionne d’ouvrir son propre salon de coiffure…
Un phénomène américain méconnu en France
Critique : Véritable film phénomène aux USA où il parvint à rester pendant plus de 5 mois dans le top 10, battant in fine Le Parrain 2 de Coppola, Shampoo est passé totalement inaperçu en France. Pourtant l’affiche vendait le plus grand succès de l’histoire de la Columbia. A juste titre. Mais quand l’Hexagone faisait du Sexe qui parle de Claude Mulot, un succès monstre, la comédie de mœurs d’Hal Ashby (Harold et Maude) avait, de son côté, bien peu d’arguments pour faire du pied au public franchouillard secoué par la vague de pornos, ses propres comédies de mœurs (Les Valseuses)). D’autant que le libertinage de Shampoo, divertissement qui, au premier abord, ne parle à peu près que d’histoires de fesse entre un coiffeur à la mode et ses clientes huppées, se déroule dans un contexte politique (l’avènement de Nixon) et de classe sociale (la bourgeoisie) qui ne pouvait parler qu’aux spectateurs américains.
Shampoo Copyrights 1975, Renouvelé 2003 Columbia Pictures
Même le casting, Warren Beatty, sex-symbol à la ville comme à l’écran, et son officielle de l’époque, Julie Andrews, avec qui il tournera peu après le remake du Ciel peut attendre, ainsi que Goldie Hawn, dont la fadeur en tant que comédienne se mesure à l’éclat de sa chevelure, ne pouvaient pas exercer à eux-trois un pouvoir d’attraction suffisamment fort sur ces tordus de Français.
Shampoo a été par conséquent peu à peu oublié en France, comme Warren Beatty par ailleurs, avant que l’éditeur Carlotta, en 2019, ne fasse resurgir le film dans nos esprits avec un collector truffé de goodies, limité à 2000 exemplaires.
Shampoo Copyrights 1975, Renouvelé 2003 Columbia Pictures
Le choix du shampoing à l’arôme hollywoodien est curieux, véritablement une récompense générationnelle, pour le public des 20-40 ans des années 70, mais objet de curiosité certain pour les cinéphiles sociologues qui veulent comprendre l’Amérique décrite ici, son évolution entre 1968 et 75, via le script satirique de Warren Beatty et Robert Towne.
Un script du scénariste star, Robert Towne
Towne n’est pas un second couteau, puisqu’il s’agit d’un scénariste mythique dans l’histoire d’Hollywood. On lui devait notamment le script de Chinatown de Polanski (1971) ou La Dernière Corvée de Ashby (1973) ; il collaborera régulièrement avec Tom Cruise dans les années 90 ; il réalisa même un thriller hype avec le trio Mel Gibson, Ken Russell et Michelle Pfeiffer, à l’apogée de leur beauté, Tequila Sunrise (1988).
Dénonciation d’une Amérique vénale, corrompue et superficielle
Quid de Shampoo près de 45 ans après sa sortie? Avec ses allures de comédie de boulevard chic, Shampoo est un peu à l’image de ses personnages, outrecuidant, fier de ses thèmes étiques et politiques, dans la recherche de l’équilibre parfait entre la dénonciation du conservatisme (la fin dramatique du protagoniste principal qui se fera coiffé au poteau par un rival fortuné dans sa quête existentielle) et de l’embourgeoisement hypocrite d’une société corrompue et vénale.
Ce n’est peut-être pas la plus fine des satires, mais son ancrage historique rendra le propos particulièrement pertinent aux yeux du public ouvert aux comédies de cette époque, où même la musique retentit sur un air de Paul Simon…
Compléments & packaging : 2.5/5
Shampoo Copyrights 1975, Renouvelé 2003 Columbia Pictures
Curieusement, aucun supplément audiovisuel, ni même livret pour explorer les thèmes du film. C’est dommage, car une présentation du contexte sociologique de l’époque aurait pu permettre de mieux savourer le plat principal.
Ce sont les mémorabilia et le packaging qui compensent. Une affichette, des cartes postales, une reproduction des photos d’exploitation d’époque, un digipack DVD/blu-ray et un magnet, servent de collector à cette édition étonnante pas totalement satisfaisante.
Image : 4.5/5
La restauration 4K vient rendre des couleurs au master. Le piqué ravive toute la richesse visuelle du film. Le contraste embellit l’image, avec des noirs particulièrement sombres.
Son : 4/5
Nettoyée des affres du temps, la piste originale DTS HD Master Audio est claire, sans bourrage sonore et hostilités vocales. On apprécie la présence d’une piste 5.1, qui ne dénature pas le film tourné évidemment en Mono, puisque pure et ample.
Carlotta propose par ailleurs le doublage d’époque dans sa seule piste existante, mono. De bonne facture.
Critique et test blu-ray : Frédéric Mignard
Shampoo Copyrights 1975, Renouvelé 2003 Columbia Pictures Industries, Inc. Tous droits réservés.
