Fauché comme les blés, Seul contre les mercenaires est un piteux western italien au scénario incohérent et aux décors piteux. Et que dire de l’interprétation du musclé Kirk Morris ?
Synopsis : Une bande de Mexicains, conduite par Pedro, terrorise la région qui longe la frontière. Jeff et Hernandez, qui ont combattu ensemble durant la guerre civile, trouvent un employé des bureaux télégraphiques ligoté et bâillonné. Cet homme a trahi les bandits, et Pedro le tue, ainsi qu’Hernandez. Jeff jure de venger son compagnon…
Et pour un western de plus…
Critique : Arrivé sur le tard dans le milieu du cinéma, le scénariste et réalisateur Tanio Boccia n’a eu de cesse de tourner des films de genre en fonction des modes du moment. A partir de 1961, il fait la rencontre du culturiste Kirk Morris et lui offre plusieurs rôles principaux dans des péplums comme Le triomphe de Maciste (1961) ou encore Samson l’invincible (1963). Ensemble, ils ont créé six longs-métrages qui ne font pas partie des meilleurs ersatz du genre. Toutefois, lorsque la mode passe au western, Tanio Boccia s’adapte et réalise ainsi plusieurs séries B tournées à peu de frais.
C’est le cas avec Seul contre les mercenaires (1968) où Boccia offre la possibilité à son partenaire Kirk Morris de se reconvertir dans le western, lui qui était surtout connu pour ses péplums où il jouait des muscles. Malheureusement, les moyens ne suivent pas et l’ensemble du film doit être tourné dans la région de Rome dans un village western qui tient davantage du parc d’attraction que du vrai décor de cinéma. De même, les paysages romains ont bien peu de rapport avec ceux des grands espaces américains et l’on sent donc Tanio Boccia handicapé par ces contraintes budgétaires.
Seul contre les mercenaires à la recherche d’un script
Toutefois, cela n’excuse en rien la totale vacuité du scénario qui est proposé au spectateur. Visiblement écrit en cours de tournage, et donc sans plan directeur, le script part absolument dans tous les sens au point de devenir franchement incohérent. Ainsi, l’auteur se permet d’introduire des personnages qui disparaissent sans raison – l’apparition durant dix minutes de Gordon Mitchell est un cas d’école tant son personnage ne sert à rien. Pire, le cinéaste ne tient même pas compte de son casting prestigieux et sacrifie donc des protagonistes importants en un seul coup de feu expéditif. Alors que le grand méchant est censé être incarné par Alan Steel (Sergio Ciani), celui-ci disparaît une ou deux bobines avant la fin et le duel final oppose le héros à Larry Ward. On précise que l’on ne comprend pas vraiment pourquoi.
Réalisé de manière mollassonne par un Tanio Boccia qui n’a visiblement aucune connaissance des différentes valeurs de plan, Seul contre les mercenaires (1968) rejoint donc les tréfonds du genre, à quelques encablures au-dessus des outrages signés Demofilo Fidani. Ici, les décors font pitié avec leur sol trop lustré, leurs bibelots achetés dans une brocante locale, tandis que les costumes semblent trop bien repassés. En fait, tout sonne faux, à l’image du jeu totalement abscons de Kirk Morris. Heureusement qu’Alan Steel relève un peu le niveau. En fait, c’est surtout la jolie Gisella Arden qui tire davantage son épingle du jeu. Malheureusement, l’échec de ses différentes incursions cinématographiques ont condamné sa carrière, interrompue l’année suivante seulement.
Un film de série rare et fort peu intéressant
Finalement, seul le compositeur Angelo Francesco Lavagnino (Le spécialiste de Corbucci) sort à peu près dignement de l’expérience, avec une bande son suffisamment variée pour ne pas saouler le spectateur. Sorti dans l’indifférence générale en Italie, Seul contre les mercenaires a trouvé son chemin vers les salles françaises près de cinq ans après sa réalisation le jeudi 22 février 1973. Le distributeur Record Film n’en a malheureusement pas communiqué les entrées de cette production sous pseudo qui a toutefois été distribuée à Paris aux cinémas le Concordia et la Cigale.
Les éditeurs vidéo ne se sont guère précipités pour vendre le vilain petit canard resté inédit jusqu’à la fin des années 80, avec une cassette vidéo VHS chez l’éditeur VIP. Désormais, le film apparaît de temps à autre en dématérialisé sur la plateforme OCS. Il ne constitue pourtant pas un spectacle recommandable et s’inscrit donc parmi les pires rejetons d’un cinéma jadis populaire. Seul contre les mercenaires ne réconciliera assurément pas les afficionados du western américain avec son frère latin.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 22 février 1973
Voir le film en VOD
Biographies +
Tanio Boccia, Gordon Mitchell, Sergio Ciani (Alan Steel), Kirk Morris, Larry Ward, Gisella Arden